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Une histoire de Roméo et Juliette

Écrite par William Shakespeare au début de sa carrière et publiée pour la première fois en 1597, Roméo et Juliette est incontestablement la tragédie la plus célèbre de l’Histoire. La pièce appartient à une tradition de diverses romances remontant à l’Antiquité tel le mythe de Pyrame et Thisbé qu’Ovide relate dans ses Métamorphoses. L’intrigue, elle, se base sur une légende italienne traduite en vers sous le titre de The Tragical History of Romeus and Juliet par Arthur Brooke en 1562, puis retranscrite en prose par William Painter dans le Palais des plaisirs. On en sait peu sur ces deux auteurs, si ce n’est que leurs œuvres furent une grande source d’inspiration pour Shakespeare, qui améliora cependant l’histoire originale en développant des personnages secondaires comme Mercutio ou le comte Paris. Roméo et Juliette fut initialement publiée sous forme d’in-quarto dénaturant le texte de Shakespeare qui sera cependant corrigé dans les éditions ultérieures, plus fidèles à l’œuvre du dramaturge – l’in-quarto est une forme de livre où la feuille imprimée a été pliée deux fois, donnant ainsi quatre feuillets, donc huit pages.

Une dissension a souvent agité les milieux intellectuels : le destin de Roméo et Juliette est-il le fruit de la fatalité ou d’une succession de coïncidences malheureuses ? Si cette question est sujette à débat, la pièce de Shakespeare n’en demeure pas moins fondée sur l’éternel mythe des amants maudits, dans la lignée de Tristan et Iseult.

Roméo et Juliette dans les arts et la culture populaire

Indépendamment du nombre incalculable de mises en scène qu’elle a connues au théâtre, la pièce a a inspiré de multiples œuvres d’art et a été adaptée sur presque tous les supports ; à commencer par la peinture, avec le célèbre tableau de Frank Bernard Dicksee. Peint en 1884, il représente l’éternelle scène du balcon dans un style dérivé du préraphaélisme. Ce mouvement artistique né en Grande-Bretagne en 1848, est emprunt d’une forte théâtralité et prône le souci du détail ainsi que l’utilisation de couleurs vives. Bien que le tableau de Dicksee n’y soit pas officiellement rattaché, il en défend les valeurs artistiques, à savoir une approche sentimentale du sujet et la recherche de la « beauté absolue ». Dans un autre registre, Joseph Wright of Derby, peignait près d’un siècle auparavant, La Scène du tombeau (1790). Ce tableau illustre parfaitement le talent de l’artiste pour le clair-obscur, un procédé mis au point par le Caravage au début de la Renaissance, permettant de produire sur l’image des effets de reliefs par des contrastes d’ombres et de lumières. Juliette y est représentée à genoux, près du corps inanimé de Roméo. Alertée par l’arrivée d’un inconnu, elle est sur le point de se suicider.

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Roméo et Juliette, par Frank Bernard Dicksee (1884)

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La Scène du tombeau, par Joseph Wright of Derby (1790)

Dans le domaine musical, Roméo et Juliette a inspiré pas moins de 25 opéras – le nombre exact est indéterminable. Le plus illustre d’entre eux est celui de Charles Gounod, opéra en cinq actes, sur un livret de Jules Barbier et Michel Carré, crée en 1867. Véritable quintessence de l’opéra romantique français du XIXe siècle, il rencontra un succès triomphal lors des premières représentations et reste aujourd’hui, l’opéra adapté de Roméo et Juliette le plus fréquemment joué. La pièce a également inspiré plusieurs ballets. Le plus éminent est celui composé par Sergueï Prokofiev, qui a acquis depuis sa création en 1938, une immense réputation, et ce, grâce à sa grande variété rythmique et à son caractère bouleversant. La noirceur et le potentiel dramatique de certains thèmes, comme celui de la Danse des Chevaliers, en ont fait une œuvre mémorable. Il a été notamment chorégraphié par le sud-africain John Cranko en 1962, par le britannique Kenneth MacMillan, ancien directeur du Royal Ballet de Londres, en 1965, ou encore par Rudolf Noureev en 1984, alors directeur du ballet de l’Opéra de Paris.

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Le ballet de Prokofiev mis en scène à l’Opéra Bastille à Paris en 2011

L’intrigue de Roméo et Juliette a par ailleurs, été la principale source d’inspiration d’Arthur Laurents lors la création de West Side Story en 1957. Cette célèbre comédie musicale est principalement connue pour la musique de Leonard Bernstein, offrant un savoureux mélange entre le jazz, la musique populaire et la pop. Certaines chansons comme Something’s Coming, America, ou encore Somewhere, sont devenues cultes. L’action est située dans le quartier de Upper West Side à New York au milieu des années 1950, où deux bandes rivales, les Jets et les Sharks, se disputent pour des questions de territoire. Les Jets sont des blancs d’origine américaine et les Sharks des immigrés portoricains, une dissociation sociale également à l’origine du conflit. La passion naissante entre Maria et Tony, issus des deux groupes respectifs, semble cependant éveiller une lueur d’espoir. West Side Story fut adaptée au cinéma quatre ans plus tard par Robert Wise et Jerome Robbins, chorégraphe officielle de la comédie musicale, à qui l’on doit les inoubliables scènes de danse. Les rôles des deux jeunes amants new-yorkais sont interprétés par Natalie Wood et Richard Beymer. Le film fut loué par la critique et le public, puis couronné par 10 Oscars en 1962 dont ceux de meilleur film et de meilleur réalisateur. Il rapporta à sa sortie plus de 19 millions de dollars au box-office nord-américain et reste l’un des plus grands succès populaires du cinéma.

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West Side Story, film de Robert Wise et Jerome Robbins (1961)

Un autre film devenu culte, représente Shakespeare durant la rédaction de Roméo et Juliette, c’est le célèbre Shakespeare in Love de John Madden, sorti en 1998. Il met en scène une relation entre le dramaturge et Viola de Lesseps, la fille d’un riche marchant londonien. Si la plupart des personnages ont réellement existé, l’histoire est en grande partie fictive et de nombreuses répliques, péripéties et rebondissements font allusion à la pièce de Shakespeare. Le film évoque plusieurs thèmes avec légèreté, comme la dureté des règles de bienséance du théâtre élisabéthain – la présence des femmes interdites sur scène –, la censure, ou encore la supposée rivalité entre William Shakespeare et Christopher Marlowe, autre dramaturge anglais. Ce doux mélange entre comédie dramatique et film romantique, aux reflets de film historique, est un pur enchantement à l’humour typiquement britannique. Joseph Fiennes endosse le rôle-titre tandis que la belle Gwyneth Paltrow interprète Viola de Lesseps. Le film jouit par ailleurs d’un casting secondaire exceptionnel, avec entre autre l’excellent Geoffrey Rush, Colin Firth, Ben Affleck et la grande Judi Dench. Réalisé avec un budget raisonnable de 25 millions de dollars, il en rapporta plus de 289 au box-office mondial et fut un grand succès aussi bien critique que commercial, notamment aux États-Unis et au Royaume-Uni. Il fut en outre lauréat de sept Oscars, incluant ceux de meilleur film, de meilleur actrice pour Gwyneth Paltrow, ainsi que de meilleur actrice dans un second rôle pour Judi Dench.

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Shakespeare in Love, film de John Madden (1998)

Les transpositions directes de Roméo et Juliette en long-métrage se comptent par dizaines, que ce soit au cinéma ou à la télévision. Plus ou moins fidèles à la pièce de Shakespeare, elles respectent habituellement le contexte général de l’œuvre. Beaucoup sont tombées dans l’oubli et d’autres sont essentiellement connues pour leur impopularité et leurs choix artistiques grossiers. Le film de George Cukor, sorti en 1936, est un véritable échec critique et commercial. Leslie Howard et Norma Shearer, les deux acteurs principaux, ont respectivement 43 ans et 34 ans, dépouillant ainsi ce long-métrage de toute crédibilité. Le public de l’époque, dépité, le juge prétentieux et ennuyeux. Celui de Renato Castellani en 1954, est moins assommant mais atteste cependant d’une volonté de conservation d’un académisme palpable. Toutefois, en 1968, un film vient changer la donne et immortalise la passion des amants de Vérone sur grand écran…

Roméo et Juliette par Franco Zeffirelli (1968)

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Un an après le succès de La Mégère apprivoisée avec Elizabeth Taylor et Richard Burton, le réalisateur italien Franco Zeffirelli poursuit son envolée shakespearienne en adaptant la plus grande histoire d’amour jamais écrite. Loin des mises en scène redondantes et des clichés mielleux, le film de Zeffirelli apparaît comme une restauration éclatante de la pièce de Shakespeare. Plus qu’une renaissance, c’est une révolution, tant sur le plan théâtral que cinématographique. Choisir deux jeunes inconnus âgés d’à peine 17 ans pour incarner les amants maudits était un pari audacieux mais néanmoins risqué – bien que ce soit l’âge approximatif des rôles de la pièce, le succès n’était pas garanti. Leonard Whiting et Olivia Hussey, les deux interprètes principaux, apportent à cette tragédie une fraîcheur et une vitalité longtemps délaissées par les metteurs en scène de théâtre et les réalisateurs. Par souci de temps, et pour servir l’intensité dramatique du film, certains passages ont été raccourcis, tout en conservant le texte original de la pièce.

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Intégralement filmé en Italie, Roméo et Juliette est tapissé de prises de vue somptueuses dévoilant certains haut-lieux de la Renaissance italienne, comme le Palais Borghèse, et nous transporte dans des paysages toscans bucoliques. Les images semblent voilées d’un halo translucide et déguisent le film en une galerie d’esquisses de pastellistes. À ce titre, les costumes participent à la luxuriance des couleurs et se démarquent par leur simplicité et leur élégance. Ajoutons des scènes de combat admirablement orchestrées, un casting secondaire talentueux et une impétuosité filmique omniprésente. La musique de Nino Rota concourut amplement au triomphe du film et l’éleva au rang de chef-d’œuvre absolu. Le futur compositeur du Parrain (1972), signe ici l’une de ses plus brillantes partitions. Le thème principal, liant solennité et mélancolie, fit le tour du monde et demeure aujourd’hui l’un des plus célèbres du Cinéma. What Is a Youth?, la chanson originale du film, est par ailleurs construite sur la même mélodie. Par son style si particulier et dans la plus pure tradition des grands compositeurs italiens, Nino Rota livre une musique tantôt lyrique, tantôt symphonique, émotionnellement forte, et dont la gravité pousse l’art dramatique à son comble.

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Dans son adaptation de Roméo et Juliette, Franco Zeffirelli respecte parfaitement les codes de la tragédie classique. Conformément à la pièce de Shakespeare, le film met en scène des personnages de haut rang, appartenant à une certaine noblesse. Une origine sociale attestée par leurs accoutrements et leurs loisirs. D’autre part, Roméo et Juliette sont deux jeunes gens d’une beauté incomparable : un bel éphèbe et une merveilleuse jeune fille en fleur fondant les autres personnages dans une masse uniforme. Parce que la présence des personnages secondaires est essentielle dans la construction de l’intrigue et qu’elle permet d’accroître la tension générale de l’histoire, Franco Zeffirelli a pris soin de sélectionner de bons acteurs pour les interpréter. On peut citer l’excellent Michael York, habitué des films de Zeffirelli dans le rôle du bouillonnant Tybalt, ainsi que John McEnery dans celui de Mercutio.

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Franco Zeffirelli illustre brillamment les thèmes fondamentaux de la pièce, à savoir l’amour et la jeunesse portés par l’exaltation du déchaînement des passions. La scène se déroulant au lendemain de la nuit de noces suscita la controverse, car les acteurs y apparaissent nus. Pourtant, le cinéaste exploite le caractère sacré de la nudité, celui glorifié par les artistes de la Renaissance. La nudité exprime un idéal de beauté traduisant un certain érotisme. Elle ne doit pas être perçue comme provocante, mais plutôt comme un moyen de dévoiler la sensualité et l’esthétique du corps. Elle joue un rôle central à la fois dans la recherche artistique du réalisateur et dans l’expression d’un message religieux – bien que leur amour soit passionnel, il n’est consommé qu’après le mariage. Aussi, Franco Zeffirelli ne succombe pas à la tentation de mettre en scène Roméo et Juliette dans des décors sentencieusement magistraux, et ne cherche pas à atteindre une beauté absolue qui virerait à la ringardise. Le film prend vie dans une atmosphère simple et authentique, au cœur de paysages architecturaux typiques de l’Italie rurale, sans avoir la prétention de nous en mettre plein la vue.

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Le Roméo et Juliette de Franco Zeffirelli ne bascule ni dans la grandiloquence ni dans l’usage hyperbolique de la tragédie. La tension monte graduellement au fil de l’intrigue en respectant les différentes tonalités de la pièce – un aspect non négligeable dans la mesure où les passages comiques ont également leur importance. Cette structure narrative confère du suspense à une histoire dont la fin est universellement connue. Les acteurs sont convaincants et ne surjouent pas comme il peut être fréquent de le voir au théâtre. À dire vrai, selon certaines mises en scène, Roméo et Juliette semblent, et ce dès leur rencontre, être conscients du destin funeste auquel ils sont promis. Les personnages vivent l’instant présent sans se soucier de l’avenir, annihilant dans ces conditions, l’omnipotence du fatum latin. S’il y a donc une transposition directe de Roméo et Juliette à voir au cinéma, c’est bien celle de Franco Zeffirelli. Elle est à ce jour, la plus belle et la plus réussie des adaptations de la pièce, tous supports confondus. Après avoir vu le film, il peut être pénible d’assister à des mises en scène pauvres et ennuyeuses au théâtre, qui n’égaleront jamais sa puissance dramatique, poétique et narrative.

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Roméo + Juliette par Baz Luhrmann (1996)

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L’autre adaptation qui mérite d’être retenue est assurément le Roméo + Juliette de Baz Luhrmann, sorti en 1996. Bien qu’insolente réécriture de la pièce de Shakespeare, ayant pour cadre d’action une grossière ville contemporaine animée par la violence, ce film se distingue par son originalité et l’adresse d’un réalisateur culotté. Regarder Roméo + Juliette, c’est avoir une nouvelle fois l’opportunité, ou même la chance, de plonger dans l’univers déjanté de l’australien Baz Luhrmann, quatre ans après Strictly Ballroom, film musical sur l’univers de la danse. Roméo + Juliette est une adaptation moderne et burlesque, dont l’ambiance se rapproche du style de l’opéra-rock. Au cœur d’élucubrations cinématographiques de comptoir, il est habituel d’entendre des remarques infondées comme : « Non mais qu’est-ce que c’est que ce film ? » ; ou encore, « C’est un chef d’oeuvre ! »… Roméo + Juliette n’est ni un navet ni un grand film, mais il convient de saluer la performance du réalisateur, qui a eu l’audace de recontextualiser cette œuvre intemporelle, tout en s’attachant à lui consacrer une touche personnelle. Tout comme l’adaptation de Franco Zeffirelli, le Roméo + Juliette de Baz Luhrmann conserve le texte original de la pièce de Shakespeare, dont il raccourcit certains passages, mais il en bouleverse le cadre spatio-temporel.

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L’action est transposée à Los Angeles, à la fin du XXe siècle, dans une sorte de quartier chaud fictif nommé Verona Beach. Les Montaigue et les Capulet quant à eux, ne sont plus simplement deux familles rivales, mais des gangs de mafieux italo-américains, dont les jeunes membres n’hésitent pas à régler leurs comptes à l’arme à feu dans la rue. Un contraste frappant se dégage alors entre la mise en scène et l’allure poétique des dialogues. Si l’origine latine des personnages est conservée, ils sont pourtant loin des nobles de la Vérone du XIVe siècle. Leonardo DiCaprio et Claire Danes, prêtent leurs traits à Roméo et Juliette, mais ils modifient l’essence-même des amants shakespeariens. DiCaprio, avec ses longs cheveux blonds en arrière et sa physionomie juvénile, ressemble plus à un minet enclin à la niaiserie, qu’à un adolescent sur le point de parachever sa transformation en adulte. Même topo pour Claire Danes, dont le faciès « rebondi » se détourne de la majesté conventionnelle du personnage, pour ressembler à ce que l’on appellerait aujourd’hui, une fille « girly ». Les deux familles sont des stéréotypes de nouveaux riches baignant dans un luxe ostentatoire et grossier. Leur façon de s’habiller est assez révélatrice du manque cruel de goût dont il font preuve : marcels moulants, chemises à fleur et lunettes de soleil criardes sont au rendez-vous ; tout cela sans oublier les chaînes garnies d’énormes croix tape-à-l’oeil qu’ils portent autour du cou… le comble de la vulgarité. Ces personnages ont encore à apprendre sur le chapitre du raffinement.

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La présence des croix évoque l’un des thèmes les plus importants de la pièce : la religion, et plus précisément le christianisme. Si le spectateur prête bien attention, une multitude de symboles et d’allusions à la religion chrétienne parsèment le film de Baz Luhrmann, tels que des portraits du Christ, des crucifix, des cierges, des illustration d’anges, etc.. On note également la présence d’une statue gigantesque évoquant le Christ Rédempteur de Rio, particulièrement visible après le duel entre Roméo et Tybalt, dont ce dernier sort vaincu. Sous une pluie diluvienne et dans la pâleur de l’éclairage, Roméo s’agenouille face à la statue et se lamente : « O, I am fortune’s fool! ». Outre l’allusion à la suprématie de l’Église en Italie, Baz Luhrmann semble émettre la possibilité que le destin de Roméo et Juliette est du à une punition divine, ce qui nous ramène à la question que nous évoquions dans l’introduction de cet article. L’achèvement de cette christianisation du film survient dans la chambre funéraire où git le corps de Juliette, entouré de gerbes de lys blancs, évoquant la pureté et la Vierge Marie. Dans un décors aux couleurs rococos éclairé par les flammes des cierges, une armée de symboles chrétiens assaillit le pauvre Roméo, qui peine à rejoindre sa bien-aimée. La logique de la punition divine prend tout son sens grâce à un changement majeur de l’intrigue de la pièce : Juliette se réveille avant que Roméo ne se soit empoisonné. De cette manière, l’aspect tragique est accentué et le film se clôt sur une note encore plus sinistre et macabre.

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Roméo + Juliette est un film placé sous le signe de la décadence. Tout ce qui constituait la noblesse de la pièce est balayé au profit d’une modernisation irrévérencieuse à la limite de l’outrage. Les duels se font à l’arme à feu, ce qui élimine la dimension chevaleresque de l’histoire et le Prince de Vérone devient le chef de la police de Verona Beach. Dans la même veine, quoi de plus kitsch que d’introduire le film sur un thème musical ressemblant fortement au célèbre O Fortuna de Carl Orff ? La musique de Craig Armstrong, privilégie un rythme effréné, pompeusement théâtral et soutenu par un choeur chantant en latin, qui nous précipite immédiatement dans un registre tragique outrancier, digne d’une comédie musicale prolétarienne. Par-dessus le marché, ce prologue présente les personnages principaux dans une sorte de faux générique s’apparentant à celui d’un feuilleton télévisé, voir d’une émission de télé-réalité. De nombreux aspects de l’intrigue sont métamorphosés et cuisinés à la sauce 90’s. Ainsi, le bal que les Capulet donnent en l’honneur de leur fille, est transformée en soirée jet-set ostensiblement bling bling, faisant la part belle aux déguisements extravagants. Roméo et Juliette se rencontrent à travers les vitres d’un aquarium remplis de poissons multicolores, donnant lieu à des jeux de miroirs déformants. Et enfin, la scène du balcon a lieu dans une piscine. Baz Luhrmann nous projette dans une ambiance délirante : un véritable feu d’artifice de lumières, de couleurs et de paillettes qui annonce ce que sera son célèbre Moulin Rouge! en 2001.

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Sur un plan purement technique, le réalisateur s’en tient à un style qui lui est propre, privilégiant une vivacité ininterrompue du début à la fin du film, ainsi qu’une rapidité dans l’enchaînement de ses plans, parfois agrémentés de passages en accéléré. Roméo + Juliette dispose en prime d’une bande son insolite et expressément éclectique, confrontant un panel d’artistes opposés en tous sens. On peut ainsi entendre de la musique classique, avec par exemple, la Symphonie n°25 en sol mineur de Mozart, et des morceaux composés par Richard Strauss et Wagner. Les autres titres proviennent d’un répertoire beaucoup plus récent, comme #1 Crush du groupe de rock alternatif Garbage, Talk Show Host de Radiohead, ou encore Lovefool des Cardigans, un groupe suédois devant sa notoriété à sa participation au film. Trois compositeurs ont participé à la création de la bande originale, Nellee Hooper, Craig Armstrong et Manu de Vries. Les morceaux musicaux marient la grandiloquence d’une chorale à des pièces orchestrales flamboyantes et participent ainsi à la mise en scène en repoussant démesurément les limites de la tragédie.

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Les films de Franco Zeffirelli et de Baz Luhrmann sont ainsi, les meilleures adaptations de Roméo et Juliette au cinéma. Le premier parce qu’il a su quintessencier la pièce de Shakespeare, en respectant le contexte historique, les thèmes abordés par le dramaturge, ainsi que la puissance dramatique de l’œuvre. Et le deuxième parce qu’il a osé la retranscrire dans un contexte dénaturant ouvertement la plus célèbre tragédie de l’Histoire, tout en lui attribuant un petit grain de folie plus personnel que jamais. Ne perdez pas de temps, regardez ces deux adaptations majeures de Roméo et Juliette.

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