Alors que les relations entre la Russie et l’Ukraine semblaient s’être légèrement détendues à l’issue des cérémonies de commémorations du 6 juin, la situation s’est largement dégradée ces derniers jours. Atteignant son apogée avec la menace russe de ne plus fournir en gaz son voisin ukrainien.
La Russie a laissé jusqu’à 7 heures ce matin à Kiev pour rembourser la dette de 1,95 milliard de dollars (1,44 milliards d’euros) que l’Ukraine doit au géant russe Gazprom. «Si nous ne recevons pas de paiement d’ici là, nous n’allons plus fournir de gaz», a dit Sergueï Kouprianov, porte-parole de la société gazière.
Au-delà des frontières
Un ultimatum que Bruxelles a pris très au sérieux. Ainsi, la Commission européenne, qui n’entend pas baisser les bras, a indiqué dans un communiqué être «convaincue» qu’un accord entre Kiev et Moscou était encore possible. «Nous allons essayer d’organiser une rencontre de nouveau le plus vite possible», entre les deux pays a même affirmé une source européenne. Il faut dire que les livraisons de gaz russe en direction de l’Europe, dont près de la moitié transite par le territoire ukrainien, risquent de se trouver affectées par cet embargo russe. Des précédents avaient déjà eu lieu en 2006 et 2009, ce qui avait eu pour effet d’une importante hausse des prix :
Andrii Kobolev, patron du groupe public ukrainien Nafrogaz, a lui déclaré à la presse espérer «que l’économie et le bons sens l’emportent sur la politique». Malheureusement, c’est tout l’inverse. L’Ukraine vivait d’ailleurs depuis longtemps avec une épée de Damoclès au-dessus de sa tête. En effet, après la défection du président prorusse Viktor Ianoukovitch et l’arrivée au pouvoir de dirigeants pro-occidentaux fin février, Moscou avait prévu d’augmenter ses tarifs. Faisant passer les 1000 mètres cubes de gaz de 268 à 485 dollars. Kiev avait alors refusé, soutenu par l’Union Européenne. Dès lors, des négociations été donc en cours. Mais finalement, elles furent vaines.
Eléments déclencheurs
Mais pourquoi ont-elles échouées alors qu’un rapprochement entre Vladimir Poutine et le président ukrainien nouvellement élu, Petro Porochenko, s’était apparemment opéré il y a deux semaines, pendant les cérémonies du Débarquement sur les plages de Normandie ? Et bien le regain de tension semble avoir débuté lorsque, dans la nuit de vendredi à samedi, un avion militaire de transport ukrainien a été abattu par des insurgés armés pro-russes à Lougansk, dans l’est du pays. Le lourd bilan (49 morts : 9 membres d’équipage et 40 parachutistes) que cette attaque a entrainé a enflammé la population de Kiev. Ainsi, la capitale ukrainienne a été agitée, toute la journée de samedi, par de violentes manifestations. Environ 300 insurgés se sont rassemblés devant l’ambassade de Russie, décrochant le drapeau russe et jetant pavés et un cocktail molotov sur le bâtiment. Une récolte qui a déclenché l’ire du ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov. Ce dernier estimant que les émeutiers voulaient simplement que «le sang soit versé».
Et comme si cela ne suffisait pas, la tension est montée d’un cran supplémentaire quand le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Andrii Dechtchitsa, a été filmé en train d’insulter le président russe Vladimir Poutine devant la foule de manifestants, samedi : «Poutine est un connard».
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Des propos qui ont scandalisés le gouvernement russe et ont, selon Sergueï Lavrov, l’homologue russe d’Andrii Dechtchitsa, «dépassé les limites de la bienséance».
L’Ukraine en danger économique ?
Ces représailles sur le plan financier fragilisent un peu plus la situation économique de l’Ukraine, déjà plutôt précaire. En effet, la crise politique qui dure depuis novembre 2013 a étouffée les timides débuts de reprises que connaissait le pays. Pour preuve, le FMI prévoyait, avant que la révolte n’éclate, que l’Ukraine sortirait de la récession dès décembre 2013 (notamment grâce à ses excellents résultats agricoles). Et la BERD (Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement) partageait ces prévisions positives en pronostiquant même une croissance de +1,5% pour 2014. Malheureusement, au train où vont les choses, il n’en sera rien puisque ce boycott gazier aura un douloureux impact que l’Ukraine. Qui, comme le rappelait Le Monde dans un article du 8 avril 2014, a une dette, intérieure et extérieure, de près de 53 % de son PIB. Le pays a également été dégradé par l’agence de notation Moody’s, le 4 avril dernier.
Toutefois, l’hiver étant passé, les besoins énergétiques de l’Ukraine seront donc moindres pour quelques mois, et le FMI (Fonds Monétaire International) a annoncé, fin mars, qu’il était prêt à accorder un crédit de plus de 14 milliards de dollars (9,8 milliards d’euros). Ce qui devrait laisser un peu de temps au gouvernement ukrainien pour trouver une solution. Ou poursuivre les négociations avec la Russie, l’Union Européenne jouant les médiateurs, bien que cette histoire de gaz soit explosive.