Sujet casse gueule par excellence, la série politique n’est pas une mince affaire à réussir en France. Baron Noir saison 1 a brillamment relevé le défi. La preuve dans la suite de notre rétrospective de la saison.
La série politique est en France une gageure à laquelle peu ont osés se risquer sans doute soit par peur de trop de déférence ou de caricature. Sans doute aussi craintifs d’éprouver des difficultés à trouver un juste milieu qui ne ferait pas rire sous cape mais qui au contraire démontrerait une certaine véracité et un talent pour se frotter à l’actualité peu reluisante qui pimente trop régulièrement la vie politique nationale et le débat démocratique. Si House of Cards ou avant elle A la maison blanche y parviennent parfaitement et si une série comme Borgen a démontré également que fiction politique pouvait rimer avec fiction ambitieuse, aucune raison objective ne devait priver la fiction française de se lancer à son tour. Or, chez nous, il n’y a guère que Les Hommes de l’Ombre qui s’y soit essayé de façon notable mais en passant par le point de vue des communicants. Même Marseille que l’on pressentait sur la base de son pitch comme le concurrent le plus sérieux à cette expérience, s’est fracassé sur l’autel du soap sans jamais parvenir à donner une vision un tant soit peu réaliste du monde politique français. Il aura donc fallu attendre Baron Noir saison 1 pour trouver une série réussie qui sache s’inscrire dans une vision sociétale avec réalisme et qui ne cède pas sous le poids de la tâche. En auscultant avec acuité les arcanes du milieu politique et plus précisément en s’immergeant de manière romanesque au cœur du parti socialiste, où les magouilles succèdent aux magouilles, où l’idéalisme est une notion surannée qui passe derrière les intérêts financiers ou la soif de pouvoir, la série réussit son pari. En privilégiant le fond sans pour autant être pontifiante ou didactique, Baron Noir, porté par son excellent casting, met un coup de projecteur sur les accords contre nature et les alliances bafouées sur les paroles reniées, les pressions exercées et toutes les détestables pratiques d’un univers trop souvent opaque. Sans jamais être putassier malgré les anecdotes que le scénario évoque, Baron Noir séduit par son refus des concessions dans un récit qui n’occulte rien de la face sombre d’un univers déliquescent.
Cette première saison de 8 épisodes raconte la trajectoire de Philippe Rickwaert (Kad Merad surprenant et impressionnant), député-maire de Dunkerque qui va tenter de retrouver les sommets après que le futur président de la République qui est aussi son mentor Francis Laugier (Niels Arestrup impeccable) ne l’est trahi. Dans le duel que vont se livrer les deux hommes et où tous les coups seront permis, la place non négligeable que va jouer Amélie Dorendeu (Anna Mouglalis intrigante), d’abord conseillère puis au premier plan du parti, va permettre au récit de trouver la juste mesure. Ecrite par Jean-Baptiste Delafon et Éric Benzekri (ancien militant politique, syndicaliste étudiant et conseil de pas mal d’hommes politiques), la série a le courage de traiter son sujet de front sans jamais se départir de son point de vue réaliste et en évitant le manichéisme grâce à un subtil contraste dont chaque personnage est affublé. Autre bon point, Baron Noir décrit tout à la fois les ors de la République et le milieu populaire sans magnifier l’un et rabaisser l’autre mais en toute objectivité, et la série nous permet ainsi de découvrir tout autant les enjeux locaux que nationaux.
Si la série exige qu’on lui laisse un peu le temps de s’installer après notamment un premier épisode partiellement réussi et malgré des digressions parfois surprenantes au fil de la saison, elle n’en est pas moins intense et addictive. Elle est de plus servie par une distribution impeccable, au-delà de son trio central (Hugo Becker, Michel Muller, Laurent Spielvogel…). Pouvoir, manipulation, sentiments exacerbés, Baron Noir décrit notre société sans l’enjoliver avec sa violence et sa dureté le tout servi par des dialogues percutants. Tout à la fois série politique et thriller cette première saison réussie est une parfaite mise en bouche que la conclusion nous donne envie de retrouver au plus vite et qui demandera forcément confirmation. La saison 2 commandée par Canal + aura à n’en pas douter l’occasion de nous la fournir.
Crédit: Canal+