« Sauve-toi, la vie t’appelle » de Boris Cyrulnik, inventeur de la résilience,
publié en septembre 2012 par les éditions Odile Jacob, retrace l’histoire bouleversante de l’auteur,
survivant de la rafle des juifs bordelais de janvier 1944.
« Lors de ma première naissance, je n’étais pas là. Ma seconde naissance, elle, est en pleine mémoire. Une nuit j’ai été arrêté par des hommes armés qui entouraient mon lit.» C’est par ces mots surprenants que commence le récit des souvenirs du psychanalyste et écrivain. Cette nuit là, en janvier 1944, Boris a six ans et habite à Bordeaux avec ses parents. La police française vient chercher sa famille. Il parvient à fuir et à se cacher, pour échapper aux allemands. Ses parents, eux n’y arriveront pas. Ils mourront tous les deux en déportation. C’est cette histoire tragique que raconte pour la première fois l’auteur. Il revient sur les détails de son enfance chaotique et fracassée par la guerre. Un âge où la volonté de surmonter le malheur et de répondre à l’appel de la vie l’emporte.
On retrouve cet appel dans le titre du récit : « Sauve-toi, la vie t’appelle ». Ce titre interpelle d’emblée le lecteur. Lorsque la vie nous appelle, il est rare de vouloir se sauver. Ici, le sauve toi à un autre sens, garde toi en vie. Tout le récit ira dans ce sens. « Ne te retourne pas si tu veux vivre, en avant! En avant !», montre la détermination de vivre qu’avait l’auteur.
En tant que psychiatre, Boris Cyrulnik a théorisé et expliqué la résilience, cette capacité des traumatisés à vivre avec leur passé, quitte à recomposer la réalité pour qu’elle soit vivable.
Dans sa vie d’adulte, Boris Cyrulnik va rencontrer des personnes qui vont l’aider à construire sa mémoire. Mais celle-ci est différente des souvenirs qu’il avait arrangés pour les supporter : « j’avais arrangé mes souvenirs pour donner cohérence à ma représentation du passé et pour les supporter sans angoisse ». Les grandes lignes n’ont pas changé, mais les détails, si. L’infirmière qui l’a caché n’était pas blonde mais brune, l’officier allemand qui l’a sauvé ne l’avait en réalité pas vu… A partir de cette mémoire chaotique, l’adulte qu’il va être se construit, malgré tout.
Comme de nombreux réfugiés, Cyrulnik s’est tu après la guerre. C’est la première fois que l’auteur raconte sa propre histoire en l’analysant, en confrontant ses souvenirs au réel, en racontant la longue phase d’enterrement des souvenirs, puis leur lente remise au jour.
« Sauve toi, la vie t’appelle » retrace donc une histoire poignante, hors du commun qui retentit profondément en chacun d’entre nous. Il faut retenir les derniers mots du texte: « Haïr, c’est demeurer prisonnier du passé. Pour s’en sortir, il vaut mieux comprendre que pardonner.»
Camille Hesse