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Street Art : l’innovation au coeur d’un mouvement

Du 04 octobre au 01 mars 2015, La Fondation EDF présente l’exposition #StreetArt, l’innovation au coeur d’un mouvement. Shepard Fairey, JR, Zevs, Mark Jenkins, Vhils, Isaac Cordal, Sweza, Rezine, Patrick Suchet, Antonin Fourneau… les artistes réinventent ici, à l’ère du numérique, le Street Art. Le parcours évoque quelques nouvelles techniques et permet au public de s’y essayer avec trois installations interactives.

Né dans les années 70, le « street art » ou art urbain, trouve son  origine dans le graffiti du bronx new-yorkais. Issu de la culture urbaine, ces premières expressions graphiques initiées par Corn Bread et Cool Earl s’exportent en Europe dans les années 80. Réalisé au marqueur ou à la bombe, le tag et/ou graffiti est un moyen d’expression qui permet aux « writers » d’acquérir une certaine notoriété, et d’imposer aux yeux des passants leur signature visuelle. C’est en 83 que le mouvement graffiti prend réellement ses marques sur le Vieux continent. Bando à Paris (BBC), Mode2 avec les TCA à Londres, le street art n’est plus cantonné à la rue. Il s’officialise dans les magazines, s’installe dans les musées. Teinté d’idéologies sociales ou politiques, parfois religieuses et publicitaires, il prend une ampleur jamais atteinte. Les médium se diversifient, affiches, pochoir, moulage, photo, mosaïques, installations. Au travers de codes et de techniques toujours plus créatives, les street artistes d’abord considérés comme des vandales, s’insèrent peu à peu sur le marché de l’art. Profitant d’internet et des technologies numériques, ces hommes de l’ombre se renouvellent encore, à la vitesse de l’art éphémère qui habillent leurs murs, cette fois dématérialisés.

Entre art urbain et art numérique

Dans cette exposition, les artistes sont tout autant plasticiens que techniciens, informaticiens ou inventeurs. Ancien graffeur, Sweza est une figure emblématique de street art 2.0. Avec ses QR codes, (Quick Response Codes), il nous propose une pause musicale old school. Cet élément numérique n’est pas nouveau, inventé il y a six ans à des fins commerciales. Il détourne également le réseau de caméra pour montrer comment « Big Brother » nous voit. A la fois ludique et engagé, son travail fait le lien entre l’espace public et l’espace virtuel. En collant  un QR code à l’endroit de ces anciens graff, il s’affranchit des contraintes spatio-temporelles et repense le lien d’archive du street art.

La photo et la vidéo restent les outils indétronables de par les possibilités qu’elles offrent. « Follow the leader », une ville miniature d’Isaac Cordal, où interviennent également Vhils et Goin, est rendu interactive par le duo de BenTo, qui utilise le « vidéo-mapping ». Cette technique permis par le développement de logiciels spécifiques et une nouvelle génération de vidéo-projecteurs, permet de projeter sur des façades des images à grandes échelles. Cet art numérique a ouvert un champ artistique au croisement de la vidéo, de l’architecture, de la scénographie et de l’installation.

Plus qu’une photographie, interface indispensable pour la diffusion d’une oeuvre et son archivage, le film permet de retracer sa création entière. BLU, artiste italien mêlant film d’animation et street art, réinvente la ville de manière virtuelle avec ses vidéographies. Insa radicalise la tendance en inventant un graffiti fait pour être vu exclusivement sur le Web, qu’il nomme GIF-iti. Dans cette même idée de dématérialisation et de soucis d’un art « propre », Zeus réalise des travaux avec une peinture invisible de jour qui se révèle la nuit sous des UV. Écolo ? Il s’initie au reverse Graffiti.

Lampe torches et lasers à la main, Rézine et Jadikan présentent des photographies de leurs explorations urbaines nocturnes. Le light graff est une technique réalisé à partir d’une photo prise en pause longue, qui permet de capter la totalité d’une trace d’une source lumineuse dans le noir. La « peinture de lumière », expérimentée dès les années 30 et 40 avec Man Ray ou Pablo Picasso, réapparait ici sous une forme contemporaine.

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Le numérique se déverse dans les villes avec le Berlinois Aram Bartholl dans « Are You Human« , il dissémine au milieu des tags de la ville des « Captcha », sorte de cryptage composé de lettres et chiffres utilisé par le web pour pour s’assurer qu’une réponse n’est pas générée par un ordinateur. Ces tags d’un nouveau genre reprennent des éléments du Web, comme le marqueur géant de Google Maps, pour les rematérialiser et les intégrer dans l’espace urbain. C’est aussi le cas pour les dispositifs de « cloud tagging » de Ron English, qui remplace les nuages d’un ciel en mot « cloud », jouant ainsi avec l’analogie des tags physiques, ces signatures griffonnées sur les murs, et des tags virtuels, ces mots-clés associés à des images.

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Revendication de l’espace public, critique de sa privatisation, pratique à la frontière de la légalité, rejet du droit d’auteur, gratuité, anonymat, facilité de création et de partage… Le street art entretient un rapport étroit avec les contre-cultures du Net. Les pratiques online et offline convergent, se répondent et se complètent l’une l’autre.

Le mur, un espace public

Avec l’arrivée d’Internet et de la numérisation, les artistes ont pu bénéficier d’un autre espace où pouvoir s’exprimer, et multiplier leur audience. L’accès à ces oeuvres pour le public en a été facilité. Comme pour les murs de la ville, le web n’offrait là que le meilleur moyen de parler au plus grand nombre, sans autorisation et gratuitement. Les galeries virtuelles et portails comme Ekosystem, Graffiti.org; les blogs tel que Fatcap font émerger un petit réseau vers les artistes mais aussi vers les autres galeries virtuelles, fédérant ainsi toute une communauté autours du mouvement. Pour les artistes, la Web est devenu un showroom permanent, au point que la trace électronique devient aussi importante que le graffiti lui même.

L’exposition nous plonge dans ce contexte d’open-source et de partage. À travers différentes installations au grand public, le street art parait être à la portée de tous. Patrick Suchet est l’inventeur de Picturae. Ce vidéaste français met au point une technologie à la frontière du virtuel, où le visiteur se métamorphose en graffeur, dessinant sur un mur-écran avec une bombe de peinture laser.

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Le public se voit aussi photographié, dans la cabine Light-Graff, une sorte de photomaton customisé pour l’occasion : lorsque le flash vous immortalise dans la position de votre choix, la totalité des mouvements que vous faites avec les lumières allumées sont captées sur la pellicule de l’appareil. À partager sur les réseaux sociaux, bien sûr. Enfin, le Water Light Graffiti d’Antonin Fourneau nous plonge dans une nouvelle dimension. Ce concept novateur développé par le Artlab de Digitalarti qui utilise la technologie LED s’illumine lorsque la surface entre en contact de l’eau.

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À l’heure où l’expression personnelle n’a jamais été aussi mise en avant, le débat de l’art pour tous est relancé. Peut-on considérer l’utilisateur lambda de ces technologies interactives comme un street artiste en devenir ? Si certains artistes se sont longtemps divisé sur la question de l’exposition et de la monétisation de leur art, que pensez de cette dématérialisation de support, et de cette standardisation d’un acte de rebellion qui devient proprement codé, encadré et consommé ? Difficile d’imaginer le street-artiste de demain, en toute illégalité, tagger un mur avec une bombe de peinture laser.

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