Durant un mois, trois blogueurs mode se sont mis dans la peau d’ouvriers du textile cambodgiens, pour les besoins d’un web-documentaire produit par la chaîne norvégienne Afterposten. « Sweatshop – Dead Cheap Fashion » relate le quotidien d’Anniken Jorgensen, Frida Ottesen et Ludvig Hambro, jeunes et aisés, tous fanatiques de mode. Derrière ce culte de la beauté se cache une toute autre réalité, moins glamour, à laquelle ils vont se confronter.
Une expérience traumatisante
D’abord excités par l’aventure, les trois jeunes norvégiens vont bientôt s’épuiser à tenir la cadence, pour finir en larmes devant les caméras. « Combien de personnes vont mourir ici chaque année ? » s’interroge la blonde Anniken entre deux sanglots. « Quel genre de vie est-ce là ? ». Les logements insalubres, les bétaillères qui amènent les ouvriers à l’usine, le bruit permanent et la chaleur écrasante des ateliers. Ceux qui contribuent avec passion à véhiculer les diktats de la mode, découvrent avec horreur les conditions de travail dans lesquelles sont confectionnées les vêtements de grande marque comme H&M, Zara ou Mango. ”Cette nuit, j’ai dormi dans cette maison minuscule. Ma salle de bain est plus grande que ça ! Le réveil a sonné à 5h30. Nous nous sommes levés avec un énorme mal de dos pour aller travailler. J’ai cousu des habits pendant 8 heures. J’ai gagné quatre dollars. Nous sommes des enfants gâtés. J’ai honte.”
Une jeune femme d’origine asiatique tenir une pancarte « J’ai fabriqué ça pour 60 centimes“. A côté, Frida, habillée de la même robe jaune, tient un panneau “J’ai acheté ça 50 dollars“. (cliché publié sur le compte Instagram de Frida, en mai 2014)
Une réalité qui dérange
Les trois étudiants ont par la suite cherché à rencontrer les responsables de cette exploitation humaine. La chaîne a refusé de montrer les ateliers produisant pour H&M. Dénonçant publiquement ce refus, Anniken aurait cherché, avec Frida, à rencontrer la direction de l’enseigne afin de lui livrer directement son témoignage. Le géant du prêt-à-porté suédois, contraint de publier un démenti, avait assuré qu’ « aucune des usines visitées lors de ce programme ne produit de vêtements pour H&M ». L’histoire ne dit pas si ce bel acte citoyen a changé la vie de leurs camarades cambodgiens. Ce thème d’intérêt international, a suscité de nombreuses réactions sur la toile. Quelques mois après, des reportages français mettaient en lumière les dessous du décor du géant suédois (Spécial Investigation, juin 2014) et dans les ateliers du Bangladesh (Envoyé Spécial, avril 2014).