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Christiane Taubira en cavale

Opposée à la réforme de constitution de déchéance de nationalité, Christiane Taubira a quitté son poste avec fracas, le 27 janvier dernier. Après quatre années passées à la tête du ministère de la Justice, l’avenir de l’ancienne garde des Sceaux interroge.

« Maintenant, je veux être entourée de mes livres en Guyane sous un dôme de lumière. » Christiane Taubira a révélé ses plans pour les prochains jours lors d’un entretien diffusé mercredi sur Canal +. Grande admiratrice d’Aimé Césaire et de Léopold Senghor, l’ancienne garde des Sceaux souhaite se ressourcer chez elle, autour de poésie, après 1351 jours éreintants passés place Vendôme.

Après un énième combat mené contre le gouvernement, la déchéance de nationalité a eu raison de la ministre. Sa démission est annoncée le mercredi 27 janvier à 9h08, par un communiqué de l’Elysée, au moment de l’ouverture du débat sur la révision constitutionnelle, en commission des lois à l’Assemblée nationale. Une révision qui devrait concerner l’extension de la déchéance de nationalité pour les binationaux rendus coupables de certains délits, thème auquel elle s’était publiquement opposée à plusieurs reprises.

L’ancienne garde des Sceaux explique son départ dans un tweet tonitruant, comme elle seule en a le secret : « Parfois résister c’est rester, parfois résister c’est partir ». Elle affirme être restée fidèle à ses convictions, à celles de la gauche. Sa gauche à elle.

Également hostile à la loi Macron et vivement critiquée pour sa politique pénale jugée trop laxiste, Christiane Taubira est désormais un poids de moins pour Manuel Valls. Souvent considérée comme intouchable depuis le vote du mariage homosexuel, elle aura été poussée vers la sortie à la suite de cet ultime désaccord. A un an des élections présidentielles, le Premier ministre se réjouit de garder une « cohérence ministérielle » au sein du gouvernement. Qu’elle soit dans le gouvernement ou pas, celle qui n’a pas la langue dans sa poche devenait incontrôlable. Jean-Jacques Urvoas sera sûrement plus docile pour la révision de la constitution et les réformes à venir.

A peine partie, Christiane Taubira ne perd pas une occasion de s’exprimer. Ce samedi, un entretien avec Loretta Lynch, procureure générale des États-Unis, était prévu à New York dans le cadre d’un déplacement officiel. La rencontre a été annulée à la dernière minute suite à la démission de la ministre. Elle a tout de même décidé d’honorer son invitation à l’Université de New York (NYU), où elle a donné une conférence durant laquelle elle est revenue sur son parcours et ses combats. Un premier week-end libre bien chargé et très éloigné des ouvrages de poésie.

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Mais, à présent, quel avenir pour Taubira ? Députée de Guyane en 1993 et 2012, elle ne s’était pas présentée lors des dernières élections législatives. Elle ne pourra donc pas siéger à l’Assemblée nationale. Du haut de ses 63 ans, et suite à de longues années passées en politique nationale, elle pourrait partir à la retraite. Mais tour à tour militante pour l’indépendance de la Guyane, députée, garde des Sceaux, leader de la cause gay et enfin punching-ball de la droite et de l’extrême droite, personne n’imagine aujourd’hui que cette hyperactive puisse tirer sa révérence.

Car Christiane Taubira est avant tout une militante. Dans son tweet, elle affirme que son départ est un acte de résistance. Elle pourrait ainsi retrouver les anciens ministres frondeurs. Intégrera-t-elle le clan d’Arnaud Montebourg, Aurélie Filippetti, Benoît Hamon et Cécile Duflot avec lequel elle partage nombre de convictions ? En tout cas, le départ de la Guyanaise a immédiatement entraîné une cascade de réactions, surtout de la part de l’aile gauche du parti. Aurélie Filippetti a largement salué l’action de Christiane Taubira sur son compte Twitter : « Un seul mot : bravo! Hommage au talent immense, au travail et à l’engagement de @ChTaubira qui marquera l’histoire du ministère de la Justice. » L’écologiste Cécile Duflot a applaudi, elle aussi, son départ et estime que « la fidélité à nos valeurs est une force ».

Fort symbole à gauche, beaucoup la voient devenir le nouveau leader de la gauche « morale ». L’ancien ministre de l’Education Benoît Hamon a d’ores et déjà annoncé qu’il attend avec impatience « le commencement d’un grand travail collectif à gauche ». Son aura permettrait de catalyser toutes les voix dissidentes et d’incarner un discours unique. Sa personnalité donnerait aux frondeurs une large visibilité et une couverture médiatique considérable.

Ainsi, toutes ces qualités ont conduit plusieurs militants et cadres du parti à la voir comme une potentielle candidate à la primaire du parti socialiste. Si cette primaire a bien lieu et que l’ancienne ministre de la Justice se présente, elle pourrait être une candidate dangereuse pour les autres concurrents. Pour l’instant, ce scénario n’est pas envisageable. A cette possibilité évoquée par Michel Denisot sur Canal+, la Guyanaise a répondu par un franc « non, c’est absolument sûr ».

Si la primaire n’est pas pour elle, on peut attendre un coup d’éclat. Sautera-t-elle l’étape de la primaire pour être directement candidate aux présidentielles ? Cette idée rappelle au parti socialiste un souvenir amer. En 2002, elle est la candidate du Parti radical de gauche à l’élection présidentielle et mène une campagne axée sur l’égalité des chances. Elle obtient 2,32% des suffrages. Résultat : la gauche lui reproche d’avoir contribué à l’éparpillement des voix de gauche et donc d’avoir contribué à l’échec de Lionel Jospin. Alors que la droite se prépare et que Front national ne cesse de gagner des voix, elle pourrait être, comme en 2002, un bâton dans les roues pour le futur candidat de la gauche.

Autre possibilité. Certains la voient au Conseil constitutionnel. Elle pourrait prendre l’une des places vacantes, places qui devraient être pourvues en février. Le président de la République, le président du Sénat et le président de l’Assemblée doivent chacun choisir les trois sages qui vont remplacer Jean-Louis Debré, Renaud Denoix de Saint-Marc et Guy Canivet pour un mandat de neuf ans non renouvelable. Pour remplacer le président Debré, le choix de François Hollande se porterait a priori sur le ministre des Affaires Etrangères Laurent Fabius. Il parait impensable qu’il nomme sa ministre démissionnaire qui a largement décrié sa politique. Mais Claude Bartolone serait le plus susceptible de nommer Christiane Taubira comme sage. Il respecterait ainsi la tradition qui, depuis quelques années, veut que que les nominations soient paritaires.

Quoi qu’il en soit, le départ de la Guyanaise n’est pas de bon augure pour l’exécutif. Pour l’instant, elle dit rester « loyale » au président François Hollande et qu’elle le demeurera. Mais gare à elle si ses convictions personnelles sont bousculées. Qu’elle devienne sage, frondeuse ou même candidate, Christiane Taubira sera toujours une bombe prête à exploser.

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