Lundi soir, le ministère de la communication algérienne a annoncé “ne plus autoriser M6 à opérer en Algérie”. En cause, un épisode d’Enquête Exclusive sur le mouvement de protestation populaire “Hirak”, qui ébranle le régime mis en place depuis des mois.
Un documentaire sous fond de misère social
Algérie, le pays de toutes les révoltes. Tel était le titre du numéro inédit d’Enquête Exclusive de ce dimanche 20 septembre. Le documentaire, narré par Bernard de la Villardière, retraçait la montée de l’Hirak, série de protestations en Algérie à l’encontre du maintien au pouvoir du régime actuel.
En effet, depuis le 16 février 2019, le pays est secoué par une vague de manifestations en opposition au maintien au pouvoir d’Abdelaziz Bouteflika et à son régime, incarné par la suite par Abdelkader Bensalah puis Abdelmadjid Tebboune. Les manifestants désirent entre autres, la libération de tous les détenus d’opinions ainsi que la mise en place d’une deuxième République.
Ce reportage – filmé de temps à autre avec des « caméras discrètes » – expose les témoignages de trois jeunes Algériens sur l’avenir de leur pays face à ce soulèvement inédit. Soulèvement d’ailleurs, quelque peu atténué récemment : la crise sanitaire ayant contraint à la suspension des manifestations du Hirak à la mi-mars.
« Un regard biaisé sur le Hirak »
Le lendemain de la diffusion, le ministère de la communication accuse dans un communiqué le documentaire de « porter un regard biaisé sur le Hirak ». Il accuse également le documentaire d’avoir été réalisé par une équipe munie d’une « fausse autorisation de tournage ». « Ce précédent nous conduit à décider de ne plus autoriser M6 à opérer en Algérie, sous quelque forme que ce soit », affirme le ministère.
Le ministère de la Communication s’indigne également des « témoignages insipides », des « clichés les plus réducteurs » et d’« une somme d’anecdotes sans profondeur ». Une indignation soutenue par Noor, célèbre Youtubeuse algérienne et témoin présente dans le reportage. Cette dernière affirme que la production aurait menti sur le sujet de celui-ci. « Lorsque vous m’avez contacté, il a été question qu’on parle de l’émancipation de la femme algérienne » s’offusque t-elle. La Youtubeuse se dit également « scandalisée » par la censure dont elle aurait fait objet son mari et elle et « déçue » par le manque de professionnalisme de la chaîne.
M6 dément les accusations
Moins de 24 heures après les déclarations, la chaîne française n’a pas tardé à réagir. Cette dernière souhaite que le gouvernement algérien lève son « boycott » et soutient le producteur et l’équipe de journalistes qui ont réalisé ce reportage.
Par ailleurs, dans son communiqué, M6 affirme que son équipe de production était en règle. « L’équipe de tournage a d’ailleurs été contrôlée à plusieurs reprises par les autorités algériennes, qui l’ont laissée travailler au vu de cette autorisation », affirme t-elle. Malgré tout, la chaîne du groupe Bertelsmann nuance. Elle confirme que les séquences en plateau ont-elles été « refusées par les autorités algériennes et n’ont donné lieu à aucun tournage en Algérie ».
Le camp adverse lui proclame qu’« une journaliste franco-algérienne a assuré la réalisation du film, avec l’aide d’un fixeur algérien, munis d’une fausse autorisation de tournage », une entrave « au demeurant sévèrement sanctionnée » rajoute le ministère.
M6 conclut son communiqué en revendiquant le « droit légitime à l’information du public », puisque « les évolutions de la société algérienne constituent un sujet d’intérêt général » Les autorités algériennes ont, eux, affirmé vouloir engager des poursuites contre les auteurs du reportages pour « faux en écriture authentique ou publique ».