Après plus d’un million d’exemplaires écoulé de son fameux « Capital au XXIe siècle », l’économiste continue le tour des grandes puissances occidentales pour bousculer les politiques économiques en place. Révélant les inégalités intrinsèquement liées à un néolibéralisme plus appuyé que jamais, c’est aujourd’hui au tour des « Abeconomics » japonais de voir leur argumentaire démonté point par point.
Comme partout, le « Capital au XXIe siècle » de l’économiste Thomas Piketty figure parmi les tops ventes littéraires au Japon. Plus de 150 000 exemplaires vendus en deux mois et des écrivains nippons reprennent ses théories pour les rendre plus pédagogiques et accessibles (« Initiation à Piketty » de Mieko Takenobu en est déjà à sa 7e réedition).
Il était donc normal que l’économiste français désormais mondialement reconnu vienne faire un saut au pays du soleil levant pour dispenser sa vision de la politique économique idéale.
Dans sa ligne de mire, le virage en faveur d’une augmentation de la fiscalité promulgué par le Premier ministre japonais, Shinzo Abe, dans le cadre de sa formule pour relancer la croissance du Japon mis en place en 2012
Une inégalité record
Autant dire que les accusations et le discours du français sont venus bousculer la douce timidité des politiques japonais en matière de critique du constat social. Dans un pays où la majorité des puissants s’accordent pour évoquer un « écart » de revenu, Thomas Piketty est venu remettre sur le devant de la scène le taux d’inégalité économique record qu’atteint le Japon actuellement.
16% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté qui est, selon la définition de l’OCDE, le nombre de personnes disposant de ressources inférieures à la moitié du revenu médian. Le coefficient de Gini permettant de mesurer l’écart des richesses au sein de la population est plus élevé au Japon que dans la quasi-totalité de l’Europe Occidentale.
Ainsi, les théories de Thomas Piketty viennent conforter l’étude de l’organisme Oxfam publié le mois dernier et qui stipule que les disproportions de richesses dans le monde ont aujourd’hui atteint leur apogée.
Une situation propre à l’Occident
L’économiste a également mis en exergue la diminution des titulaires d’emplois fixe, le déséquilibre fiscal qui vient pénaliser la jeunesse et comme dit précédemment, la politique des taxes croissantes qui nuit à la relance de la consommation. Son argumentaire est aujourd’hui repris par une grande partie de l’opposition au gouvernement en place.
Cette démonstration s’est conclue par une phrase symbolique mais nécessaire de Shinzo Abe : « La croissance est importante tout autant que la répartition de ses fruits ».
Il rejoint ainsi le point de vue du mouvement de la gauche critique dont l’économiste et chercheur au CNRS Frédéric Lordon fait partie. Ce même Frédéric Lordon qui stipulait dans une interview « L’économie, c’est comme un gâteau. Actuellement, le gâteau est mal réparti, alors pour mettre tout le monde d’accord il est confortable de dire que l’on va faire grossir le gâteau. »
Car voilà aujourd’hui les tenants et les aboutissants de cet ayatollah économique auquel une majorité de la classe politique française se raccorde et qui se définit sous le terme transcendant de « croissance ».
Reste à voir si, désormais, les dirigeants des différents pays de l’Occident sauront écouter les paroles de ceux qui comme Thomas Piketty, s’attellent à démonter les politiques économiques actuelles et surtout, à constater leurs échecs.