Aloha ! Envie de voir la mer, le sable, des palmiers et des cocktails à siroter ? Pas besoin de partir à l’autre bout du monde pour se sentir dépaysé. Au musée du quai Branly, à Paris, les îles paradisiaques du Pacifique s’offrent à vous pour des vacances improvisées.
« Tiki pop », c’est un style populaire qui a connu son apogée aux Etats-Unis dans les années 1950. Son emblème, le tiki, est une représentation humaine d’un demi-dieu qui serait à l’origine de l’humanité selon les Polynésiens. Les Américains, eux, en ont fait le dieu de leurs loisirs.
Et pour cause : le Tiki, c’est une invitation au voyage mais aussi à la rêverie. A travers une exposition exceptionnelle au musée du quai Branly, qui présente près de 450 pièces évoquant l’univers Tiki, entrez au cœur d’une culture des Mers du Sud qui a su fasciner l’Amérique.
Histoire du Tiki
Pendant la Seconde Guerre mondiale, de nombreux Américains sont envoyés dans le Pacifique. C’est à cette époque que la population s’ouvre aux îles paradisiaques qui bordent le continent. Hawaï devient le 50ème Etat des Etats-Unis en 1959. Le pays est alors en pleine croissance, et les classes moyennes veulent se divertir après les horreurs de la guerre. Les loisirs de l’époque s’imprègnent largement de cette culture des Mers du Sud, évoquant l’exotisme et le bien-être. Des bars, bowlings, restaurants, immeubles tout entiers d’inspiration Tiki ouvrent en Californie et en Floride, Disneyland inaugure une attraction « Tiki room enchantée » en 1963, Elvis Presley crée une « Jungle room » de style Tiki dans son Graceland et contribue à faire connaître la culture hawaïenne à travers sa musique… Et partout, se répand progressivement la figure des « Hula girls » polynésiennes vêtues de colliers hawaïens et de jupes en paille… C’est l’essor du Tiki.
Emblématique de la culture populaire américaine des années 50-60, le style Tiki décline ainsi une imagerie fantasmée de la Polynésie. Il tire ses origines des représentations fantaisistes du Pacifique, véhiculées par les récits des explorateurs dès le 18ème siècle. Les romans d’aventure puis les films, mais aussi la musique, relaient et popularisent cette vision idéalisée des cultures polynésiennes.
Il faut savoir que l’émergence de ce nouveau style correspond à une période de l’histoire où les Etats-Unis prospéraient. En effet, l’Amérique des années 1950, c’est une Amérique de réussites, une Amérique forte et victorieuse, fière de ses héros de la Seconde Guerre mondiale. C’est aussi une Amérique riche, dont les produits commencent à s’exporter dans le monde entier. C’est le début de l’Amérique de l’abondance, celle où les classes moyennes ne manquent de rien. Et pourtant, l’Américain moyen de l’époque n’est pas sans soucis, malgré son mode de vie prospère : la rigoureuse morale de travail qui lui permet ce confort de vie lui donne l’envie, voire même le besoin, de décompresser. « En quête d’exutoire, les Américains se réfugièrent dans l’antithèse du monde moderne : le fantasme de la vie insouciante des îles des Mers du Sud. Celui d’un retour au paradis où la figure du Tiki incarnait les désirs secrets de l’homme, d’un retour à la vie primitive où tout était simple et l’amour dégagé de toute contrainte », explique le musée du quai Branly.
Mais la mode du Tiki s’arrête immédiatement à la fin des années 1960 avec les mouvements de protestation contre la guerre du Vietnam et l’émergence des hippies. Les jeunes Américains se mettent alors à rejeter le goût de leurs parents pour cet exotisme fabriqué. « La prise de conscience de l’ampleur des crimes du colonialisme, du sexisme et du racisme met fin au fantasme des Mers du Sud », souligne le musée du quai Branly.
Alors que le style Tiki revient depuis peu sur le devant de la scène aux États-Unis, l’exposition Tiki Pop, L’Amérique rêve son paradis polynésien, explore la montée en puissance de ce phénomène unique dans la culture américaine, ayant connu son apogée dans les années 50, jusqu’à son déclin à la fin des années 60 et son oubli dans les années 80. En partant des origines, l’exposition retrace ainsi le parcours de cet idéal polynésien grâce à une collection d’objets dénichés par des « archéologues urbains » : découverte des îles du Pacifique par les explorateurs, enrichissement du rêve par les écrivains et les artistes, évolution de la culture de divertissement et d’évasion au 20ème siècle.