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Trêve humanitaire rompue au Yémen: les civils restent les premières victimes

C’est l’histoire d’une guerre presque oubliée, à 6 mille kilomètres de la France. Voilà quatre mois désormais que le Yémen, pays aussi grand que le nôtre situé tout au sud de la péninsule arabique, vit à l’heure des bombardements quotidiens, et désormais à l’heure d’une menace d’une gigantesque crise humanitaire, causée par la guerre civile.

Dès son annonce, l’incertitude planait sur la trêve 

Quelques heures après l’entrée en vigueur, dans la nuit de dimanche à lundi 27 juillet, d’une trêve humanitaire de cinq jours au Yémen, les rebelles chiites houthistes ont attaqué les provinces de Taez, de Lahj et de Dhaleh (sud du pays) et à Mareb, et l’est de la capitale Sanaa. Dans la ville de Taez, des rebelles ont tiré aux obus contre des quartiers résidentiels à Jebel Sabr, causant des affrontements avec des forces loyalistes qui ont fait des morts et blessés dans les deux camps, selon les témoins.

La trêve prévue devait permettre l’acheminement d’aide humanitaire pour les civils, éprouvés par quatre mois de conflit. Pourtant, la coalition arabe s’est réservé le droit de riposter à toute « activité ou [à tous] mouvements militaires » des rebelles pendant la trêve. Il s’agissait de la troisième trêve depuis la mi-mai.

Qootoba, une localité au nord de Lahj, a aussi été la cible de tirs d’obus de la part des rebelles, deux heures après le début de la trêve, tout comme le quartier de Sabr, à Lahj, qui a été violemment bombardé dans la nuit. Enfin, les houthistes ont lancé une offensive contre des positions tenues par les forces loyalistes à Sarwah et Al-Jufaineh, dans la province de Mareb, zone riche en pétrole, suite à des affrontements qui ont éclaté avant l’aube. Un quart d’heure avant le début de la pause, dans la soirée de dimanche, les raids aériens de la coalition menée par l’Arabie saoudite ont effectué leurs dernières frappes. Elles visaient les positions des rebelles, au nord d’Aden, la grande ville du sud du pays.

Affrontement sans fin entre forces gouvernementales et rebelles houthistes

En effet, depuis 2014, le Yémen est le théâtre d’un violent conflit : il oppose d’un côté les forces gouvernementales, fidèles au président  Abd Rabo Mansour Hadi, et de l’autre la rébellion houthiste, qui s’est emparée d’une partie du pays. Cet affrontement est un nouveau chapitre dans l’histoire chaotique du Yémen, un pays déjà marqué par les rivalités entre tribus locales, les ingérences étrangères, les montées sécessionnistes et la présence d’Al-Qaïda.

En 2011, le pays avait connu son printemps yémenique avec le départ du président dictateur Ali Abdallah Saleh, qui était au pouvoir depuis trois décennies. Depuis, une rébellion houthiste, une des branches de l’islam chiite, a tenté de s’emparer du pouvoir. Face à elle, une coalition sunnite, menée par l’Arabie Saoudite, ne cesse de mener des opérations militaires.

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Entre ces deux camps, la population est littéralement prisonnière. Sanaa, capitale du Yémen prend, à certaines heures, des airs de ville fantôme. La plupart des magasins ont fermé, l’électricité marche en moyenne une heure par jour, la nourriture connait une énorme inflation, les médicaments sont quasiment inexistants. Beaucoup de gens ont perdu leur travail, la plupart des sociétés privées et grands magasins ont dû fermer.

Quel est le rythme des bombardements et qui sont leurs principales victimes? 

Au nord du pays, les bombardements sont quotidiens. La ville de Saada est quasiment rayée de la carte. Il n’y a plus un bâtiment debout, comme à l’époque de la Seconde Guerre Mondiale. Pour le reste du pays, l’instabilité règne. Juste avant le ramadan, les populations ont connu deux semaines effroyables à Sanaa, où les bombes de gros calibres frappaient quotidiennement, plusieurs fois par jour. Il n’est pas rare de voir une série de bombardements, entre six et neuf heures du matin par exemple. Parmi les blessés, une majorité est civile.

Bombardements délibérés des populations civiles ? La question se pose étant donné que les bombardements visent très souvent des bases militaires se situant dans les centres villes de Saada ou de Sanaa. Cela peut se dérouler pendant des heures de pointe, lorsque les rues sont fréquentées par les gens qui essayent tant bien que mal de faire leur courses dans les quelques magasins qui sont encore ouverts. En l’espace de quelques heures, on a déjà pu comptabiliser 200 blessés et 50 morts civils.

Sur les 27 millions de yéménites, 20 millions auraient besoin d’assistance selon Médecins sans frontières. La priorité numéro une : l’arrivée en masse d’équipes de l’organisation des Nations Unies.

De quoi la population manque-t-elle cruellement aujourd’hui ?

L’accès à la nourriture bien évidement, étant donné que cette ressource a pris une inflation de pratiquement 70%. L’embargo sur les armes organisé et prévu depuis le début de l’année par la résolution 22.16 des Nations Unies était donc insuffisant face à cette crise humanitaire et cette restriction de nourriture et médicaments. Même les gens qui ont les moyens de s’acheter des médicaments n’en trouvent plus. Parfois, la nourriture a pris 70% d’inflation. Pour un des pays les plus pauvres au monde, il s’agit là d’une catastrophe humanitaire, qui pourrait vite devenir hors de contrôle.

D’après Hassan Boucenine, chef de mission MSF au Yémen, faire traverser des camions de médicaments dans le pays demande beaucoup de négociations avec toutes les parties en présence. Tout dépend aussi de la situation géographique dans laquelle se trouve une équipe : au Nord, dans l’hôpital principal de la ville de Saada, le danger principal reste les bombardements quotidiens. Le fait même de se déplacer vers l’hôpital, que ce soit pour les équipes ou les patients, est une prise de risque. Continuer à faire tourner un hôpital n’est donc pas tâche facile.

A Aden, c’était encore plus dur jusqu’à très récemment. En effet, la ville était complètement fermée et ressemblait à un champ de bataille permanent (batailles au sol, bombardement quotidien). Encore aujourd’hui, les routes sont fermées par les milices, et la seule solution possible reste l’envoi de médicaments par bateau. Encore une fois, Médecins sans frontières doit négocier avec toutes les parties en présence afin de faire parvenir ses équipes et médicaments.

Crise humanitaire à huis clos, loin des radars médiatiques ?

Pas seulement. Pour Hassan Boucenine, cette crise est aussi loin des yeux des organisations internationales, qui devraient davantage s’en occuper. Médecins sans frontières et la Croix rouge demeurent les seules organisations à intervenir pour l’instant dans la ville d’Aden.

Dans le reste du pays, il y a aussi quelques agences des Nations Unies qui essayent de faire ce qu’elles peuvent, mais la plupart des organisations non gouvernementales et internationales sont dans la ville d’Amman, en Jordanie. Et à cause de l’insécurité qui règne au Yémen, très peu d’entre elles ont fait le choix de venir au Yémen.

Selon Hassan Boucenine, ce n’est donc pas seulement un oubli de la part des médias, mais également une négligence de la part de la communauté internationale, des ONG.

crédit image de couverture: STR/AFP

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