L’opération « bouclier de l’Euphrate », lancée par la Turquie pour empêcher les milices kurdes de gagner du terrain et dans un même temps combattre l’organisation Etat Islamique, pose un sérieux dilemme diplomatique à Washington.
L’objectif affiché par Washington pour la rencontre prochaine de Barack Obama et Recep Erdogan est de « rester uni ». Mais cet objectif est malmené par les tensions qui entourent ces deux membres de l’Otan, depuis l’offensive lancée par la Turquie en Syrie le 24 août dernier. Cette attaque a un double avantage pour Ankara puisque cela lui permet de s’attaquer d’une part aux combattants du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et des Unités de protection du peuple kurde (YPG), et d’autre part de combattre les djihadistes de l’Etat Islamique. Le gouvernement d’Erdogan considère que le PKK et le YPG sont tout deux des organisations terroristes, et ce malgré l’aide apportée par les Etats-Unis à ces deux dernières dans leur lutte contre Daesh.
Les affrontements entre la Turquie et les forces Kurdes sont « inacceptables » selon Brett McGurk, émissaire présidentiel américain auprès de la coalition internationale anti-jihadiste. Il appel par ailleurs les deux camps à « cesser » les combats. En visite à Ankara la semaine dernière, le vice-président Joe Biden avait lui annoncé que les forces kurdes devraient « retraverser » l’Euphrate vers l’est, faute de quoi elles perdraient le soutien des Etats-Unis.
Des signaux contradictoires
Le gouvernement américain envoi donc des signaux contradictoires qui « mettent en péril une bonne occasion de profiter de la nouvelle volonté affichée par Ankara de combattre l’EI », affirme Matt Bryza, ancien membre du Conseil de sécurité nationale. Il s’inquiète également de la possibilité de voir les Etats-Unis « transformer une victoire en une défaite ». Il incite également Barack Obama à énoncer clairement la position adoptée par la Maison Blanche, puisqu’il existe une dissonance entre les positions affichées par McGurk et Joe Biden. Il serait en effet imprudent de la part de Washington d’offenser la Turquie en soutenant les kurdes, que combattent Erdogan, après avoir demandé de nombreux mois durant à Ankara de combattre plus fermement l’Etat Islamique. En revanche selon Bryza, les forces kurdes doivent tout de même retraverser l’Euphrate vers l’est.
Mais pour John Hannah, ancien conseiller du vice-président Dick Cheney, Ankara a sa part importante de responsabilité dans le regain de tension entre la Turquie et les Etats-Unis en aillant mis beaucoup trop de temps à lutter contre Daesh. En effet les kurdes sont devenus les seuls alliés régionaux potentielles de Washington : « Si tout ça tourne à un gros affrontement entre l’armée turque, ou les forces soutenues par la Turquie, et les YPG sans que rien ne pointe vers un engagement beaucoup plus grand de la Turquie contre l’EI, cela va évidemment susciter de nouvelles tensions bien réelles entre les Etats-Unis et la Turquie ». Cela pourrait même forcer les Etats-Unis à retirer leurs bases militaires installées en Turquie. Un véritables bouleversement donc puisque ces bases sont installées sur place depuis plus de 50 ans.
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Crédit photo Une : AFP