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Un été au tribunal : un héros secoure deux jeunes femmes en pleine nuit

© Louis Pasquier Avis

Le Tour de France des tribunaux se poursuit. Étape mardi 10 août 2021 à Rennes en Ille-et-Vilaine où un homme a sauvé la vie de deux jeunes femmes victimes d’une violente agression. 

« On voulait vous remercier Monsieur, sans vous personne ne sait ce qu’il se serait passé ». Une femme d’une quarantaine d’années, en larmes, vient prendre les mains d’un homme qui patiente. La scène se déroule devant les portes de la salle d’audience encore closes. Derrière elle, deux jeunes filles se tiennent et se laissent également gagner par l’émotion. Elles aussi le remercient chaleureusement. Adèle A*, Zoé Q* ont 17 et 18 ans respectivement. Ces lycéennes doivent certainement leur survie à ce garçon qui se prénomme Tahouhidi A. Le 7 août dernier, alors qu’il rentre de son travail en pleine nuit en voiture, ce conducteur de poids-lourds va mettre sa vie en danger pour en sauver deux autres. 

Terrible scénario 

Dans la petite salle d’audience du Tribunal correctionnel de Rennes, la tension est palpable. Accompagnées de leur famille, les deux jeunes femmes attendent l’entrée dans le box des accusés de l’homme qu’elles accusent d’agressions. Lorsque ce dernier entre menotté par l’escorte et qu’il pénètre dans la pièce, mères et filles s’empoignent pour se soutenir et faire bloc. Celui qui comparaît détenu est âgé de 27 ans, il est de nationalité française. Les faits que lui reprochent la procureur de la République sont graves, il aurait entre autre commis des violences en faisant l’usage d’une arme. 

Samedi dernier dans le centre de Rennes l’ambiance été festive. Zoé et Adèle en profitent pour sortir et s’amuser. Un homme vient à leur rencontre et leur propose de les conduire à une autre soirée à quelques encablures. L’homme ne montre envers elles aucune agressivité, aucun signe avant-coureur. Mais très vite, les deux amies se rendent compte que le trajet initialement prévu n’est pas celui qu’emprunte leur chauffeur. À plusieurs reprises elles le somment de s’arrêter, lui accélère et devient de plus en plus vindicatif à leur égard. Maintes fois, il leur demande leurs noms, prénoms et âges. Paniquées elles affirment être mineures, lui d’un ton « glaçant » réplique « dommage que vous soyez mineures, je ne peux rien faire avec vous ». Le trajet se termine au milieu d’un champ, en pleine nuit. L’une des deux passagères sort de la voiture et parvient à fuir, l’autre n’a pas cette chance. Il se rue sur elle, la plaque au sol et la traîne sur plusieurs mètres par les cheveux. 

Bon endroit, bon moment 

Dans sa fuite, Zoé parvient à composer le 17 et appeler au secours mais est incapable d’indiquer précisément sa position. Miraculeusement une voiture roule en sa direction. À son bord, un homme s’arrête. Rapidement il comprend qu’un drame se déroule et met Zoé en sécurité dans son véhicule. Malgré la panique, elle parvient à lui dire que son amie est toujours avec l’agresseur à quelques mètres de là. C’est à ce moment que Tahouhidi A. devient un héros. Éclairé par la torche de son smartphone il retrouve la trace de l’agresseur. Il le voit traîner Adèle par les cheveux. Il l’intime d’arrêter immédiatement ses violences et arrive à faire diversion le temps que sa victime puisse se relever et partir en courant. Le sauveur continue sa progression et s’avance vers l’agresseur. La jeune femme l’alerte. L’homme en face de lui porte un pistolet. 

Tahouhidi fait alors rapidement monter dans sa voiture Adèle, enclenche la marche arrière pour fuir. Au téléphone avec les services de police, les trois rescapés réussissent enfin à indiquer leur localisation. Les forces de l’ordre rappliquent quelques minutes plus tard. Sur place, ils interpellent le suspect à une dizaine de mètres du lieu de l’agression mais l’arme a mystérieusement disparue. Au poste, l’homme termine sa nuit en cellule de dégrisement, son ivresse manifeste est relevée. 

© Louis Pasquier Avis
© Louis Pasquier Avis / Cité judiciaire de Rennes 2021

« Je ne comprends pas comment j’ai pu en arriver là. » 

À l’audience, l’accusé Calvin A., n’a « que des flashs de la soirée », explique t’il. Il ne se souvient pas où et comment les filles sont montées dans sa voiture, ce qu’il est allé faire à cet endroit et ne se souvient pas d’avoir commis des violences. « Il ment, il était conscient de ce qu’il faisait, il savait pertinemment où il allait. C’est un endroit parfait pour ce qu’il voulait faire, c’est désert », témoigne pourtant l’une des deux victimes. « J’ai eu peur de mourir » complète son amie encore choquée par les événements du week-end dernier. Adèle traînée au sol, renouvelle ses déclarations. L’homme a braqué une arme sur elle tout en la menaçant de faire feu. Calvin A n’arrive plus à contenir ses émotions, sa mère non plus et sort de la salle d’audience en larmes. 

Malgré les dires des victimes, la présence de l’arme n’est à ce stade pas complètement avérée. Le suspect nie catégoriquement avoir utilisé un pistolet. Durant son arrestation rien de tel n’est retrouvé sur lui. Toutefois, lors d’une perquisition à son domicile, les enquêteurs ont retrouvé un véritable petit arsenal dont trois petits calibres, une machette et des bombes lacrymogènes. Calvin A en est amateur et précise « je ne suis pas quelqu’un de violent, je n’ai jamais participé à une bagarre ». Interrogé par le Tribunal sur son comportement, l’homme fait mine d’être dépassé par la situation. « Je ne comprends pas comment j’ai pu en arriver là ». En plus de l’alcool, l’homme avoue avoir fumé quelques joints de cannabis. « Je voulais profiter de l’été en soirée, mon comportement est inadmissible, impardonnable, je veux m’excuser auprès des victimes qui vont être marquées à vie par mes gestes ». Un euphémisme pour les victimes qui craignent des représailles et souhaitent que leurs adresses ne figurent pas au dossier. 

Calvin A. sort libre du Tribunal

Condamné déjà à deux reprises pour des affaires de stupéfiants et menaces de mort, le profil de ce jeune garçon est inquiétant. En couple depuis une dizaine d’années, sa copine vient de le quitter et il ne bénéficie donc plus d’un logement fixe. Pour la procureur de la République les faits sont d’une extrême gravité et salue « les bons reflexes des victimes ». Lors de ses réquisitions, la magistrate demande au Tribunal d’entrer en voie de condamnation et demande une peine mixte. 15 mois ferme et 15 mois de sursis avec une obligation de soin, de travail, de fixer sa résidence et une interdiction d’entrer en contact avec les victimes. La procureur demande en outre son maintien en détention. Le Tribunal prend bonne note, se lève pour délibérer. 

À son retour, il déclare coupable l’accusé de l’ensemble des faits qui lui sont reprochés. Toutefois, le Tribunal de Rennes ne suit pas les réquisitions du parquet et le condamne à neuf mois ferme et neuf mois de sursis. Pour la partie ferme, la Présidente et ses assesseurs s’en remettent à la décision du juge d’application des peines et donc rendent la liberté à l’agresseur. 

*Les noms ont été modifiés afin de préserver l’anonymat des victimes

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