Réalisé par Hendrick Dusollier à partir de pièces d’archives, de reconstitutions d’images et de témoignages, Une journée dans la vie d’un dictateur plonge le téléspectateur dans l’intimité de trois dictateurs les plus meurtriers du XXème siècle filmés à une période charnière de leur règne : Joseph Staline en Union Soviétique en 1938, Idi Amine Dada en Ouganda en 1974 et Muammar Kadhafi en Lybie en 1996. Ce documentaire présente le quotidien de chacun, leurs habitudes et leurs obsessions mais surtout une journée dans laquelle ils ont pris des décisions redoutables. Il montre comment la volonté d’un seul homme peut bouleverser et anéantir la totalité d’un peuple. Ces tyrans sont présentés avec leur entourage : femmes, maîtresses, domestiques, complices ou assassins. Ils sont incarnés par des figurants jouant leur rôle sur la base de vrais films découpés.
Une journée dans la vie dun dictateur...
Critiques
Ce travail de reproduction historique est un véritable duel entre fiction et documentaire.
Tout d’abord, les sources de témoignages recueillies auprès des proches des dictateurs sont a priori authentiques puisqu’ils étaient au premier plan dans la vie de ces hommes. Néanmoins, ceci présente des limites – la perception liée à l’âge, le contexte relationnel ou la subjectivité de chacun – biaisant d’une quelconque façon la réalité.
Ensuite, les pièces d’archives reposent sur des photographies, des croquis ou des vidéos, offrant au téléspectateur une véracité de la fiction. Cette reconstitution du passé donne un aspect d’exactitude au documentaire que ce soit dans les regards, les postures ou les gestuelles des trois dictateurs. Ainsi, les pièces d’archives donnent à l’absent une présence considérable et est en même temps, elles sont prises comme des pièces à conviction, utilisées et révélées. Cependant, si elles représentent des faits réels, cette réalité peut être biaisée. En effet, ces documents d’archives ont pu être mis en scène artificiellement sous le coup de la propagande, phénomène indissociable de la terreur.
De surcroît, un paradoxe règne entre les soi-disantes images révélatrices de l’intimité des tyrans et la préservation de leurs intimités réelles puisque chacun d’eux vivaient reclus du monde extérieur. Survient donc un trouble de l’objectivité historique dupant le téléspectateur dans la perception qu’il a du quotidien des dictateurs.
Puis, l’intégration de figurants au sein du documentaire, associé à un tournage de type « 2D et demi » et d’une musique captivante plonge le téléspectateur dans des scènes perçues telles des péripéties, brisant la monotonie que peut avoir un documentaire historique classique. Mais, l’ajout de sons ou de commentaires a posteriori altère d’avantage cette objectivité.
Par ailleurs, l’immersion psychologico-historique durant un jour permet au téléspectateur de connaître le quotidien de ces hommes. Ceci offre une approche différente de la dictature habituellement enseignée à l’école qui présente l’atout d’être moins scolaire. Il est d’avantage plongé dans le raisonnement et les stratagèmes des tyrans que dans les faits historiques. De fait, une proximité est maintenue en permanence. Néanmoins, le choix porté sur la réalisation d’une seule journée de la vie de ces hommes peut être perçu plus comme une simple anecdote plutôt qu’une réelle information d’Histoire: il aurait éventuellement fallu concrétiser le documentaire par plusieurs actes historiques clés de la vie des dictateurs afin de comprendre plus aisément leur psychologie.
Enfin, l’alternative récurrente des scènes des trois quotidiens respectifs permet au téléspectateur de mener une analyse comparative et dissociative de ces hommes et également de le tenir en haleine. Mais, on pourrait cependant critiquer le fait que ce mode de réalisation brise le lien logique du déroulement de la journée, objet du documentaire au départ. De plus, cela conduit inconsciemment le téléspectateur à faire des analogies entre les trois hommes alors que les périodes historiques et les contextes politico-socio-culturels sont différents à bien des égards.