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Les vampires au cinéma : Le Bal des Vampires, Roman Polanski (1967)

Si les trois premiers films que nous avons abordés dans le cadre de ce cycle sur les vampires au cinéma étaient des adaptations plus ou moins fidèles du roman  Dracula, ce n’est pas le cas du Bal des Vampires de Roman Polanski. Et pourtant, l’ombre du célèbre comte transylvanien plane tout de même sur ce long-métrage, sa personnalité ayant en grande partie fondé le mythe du vampire. Abstraction faite de cette empreinte littéraire, Le Bal des Vampires s’inscrit dans l’esthétique gothique dominant les films des années 1960, elle-même fortement influencée par le succès des films de la Hammer.

Contrairement aux précédentes adaptations du mythe de Dracula qui se rattachaient clairement au cinéma d’épouvante, Le Bal des Vampires de Roman Polanski lui, s’apparenteraient plus à une parodie des films de vampires. Cependant, en introduisant la farce et le burlesque dans un genre réputé effrayant, Roman Polanski nous offre une véritable leçon de cinéma au travers d’un film accordant un grand soin à l’esthétique et à la mise en scène – d’autant plus qu’il s’agit de son premier film en couleurs. Le jeune cinéaste d’origine polonaise ne se contente donc pas de torchonner un simple pastiche humoristique de film de genre, mais réalise une œuvre véritablement originale, celle qui peut-être, lui ouvrira les portes d’Hollywood.

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Voici un bref résumé de l’intrigue du Bal des Vampires : Le professeur Abronsius et son fidèle assistant Alfred s’emploient depuis des années à devenir de parfaits chasseurs de vampires. Leur quête les mène au fin fond de la Transylvanie, dans une auberge miteuse nichée dans la campagne. Alfred s’éprend alors de la fille de leurs hôtes, la belle Sarah, juste avant que cette dernière ne soit enlevée. En suivant sa trace, les deux compères aboutissent au château du comte Von Krolock et de son fils qui préparent leur bal annuel des vampires…

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Dans Le Bal des Vampires, Roman Polanski réunit tous les éléments appartenant au folklore vampirique : gousses d’ail, crucifix, pieux, femmes sensuelles, région montagneuse inquiétante, hurlements de loups… etc. Tout cela sans oublier la figure du domestique difforme et peu loquace nommé ici Koukol. Toutes ces caractéristiques sont bien évidemment mises en exergue tout au long du film, Polanski souhaitant, selon sa propre formule : « styliser un style ». Ce dernier ajoute en fait des éléments de clapstick – il s’agit d’un genre d’humour impliquant une part de violence physique volontairement exagérée – à un récit d’épouvante, dans le but de démystifier l’imagerie traditionnelle des vampires. Il réussit d’autre part à revisiter la grammaire du genre en insufflant à ses personnages une certaine humanité : on rencontre ainsi un vampire juif, un vampire sourd, un vampire homosexuel, etc. D’ailleurs, les vampires du film aspirent à une forme de vie sociale et communautaire, d’où le fameux bal qu’ils organisent au château du conte Krolock.

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Le talent de Polanski réside dans sa capacité à créer des contrastes : tant au niveau des couleurs – avec notamment l’opposition du rouge et du blanc –, qu’au niveau des décors – dissension entre la petite auberge rustique emprunte de folklore juif et le château des aristocrates. Il réussit également à opposer certains éléments sensitifs, comme la neige et l’humidité lors de la scène du bain. Toutefois, le contraste le plus manifeste s’observe dans la dualité des personnages, expressément illustrée par le duo que forment le professeur Abronsius et Alfred. Le premier est un véritable chasseur de vampire qui brille aussi bien par son érudition, que par son extravagance et ses pitreries digne d’un personnage du cinéma muet. Le second est un jeune rêveur, romantique et idéaliste, moins soucieux des questions scientifiques posées par le vampirisme. En clair, on s’amuse avec le maître et on frémit avec l’élève, car dans Le Bal des Vampires, c’est le personnage d’Alfred qui est confronté à l’horreur : il assiste à l’enlèvement de la belle Sarah (Sharon Tate), se fait dangereusement courtiser par un vampire homosexuel et se voit confier la lourde tâche d’enfoncer un pieux dans le cœur de leurs hôtes – acte qu’il n’accomplira finalement pas.

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Le Bal des Vampires est un pur concentré de scènes d’anthologie… Celle où le fils du comte Krolock séduit Alfred devant un miroir dans lequel il ne se reflète pas – une autre allusion intéressante au mythe du vampire – ; les retrouvailles d’Alfred et de Sarah au château alors que celle-ci se prélasse dans un bain moussant ; et enfin et surtout, la scène désopilante du bal lors de laquelle une armée de vampires costumés et poudrés danse le menuet au son du clavecin. En un mot, Polanski détourne les codes emblématiques du genre dans le but de façonner une histoire affriolante, pleine de rebondissements et de charme. Il se joue des conventions établies en créant des personnages et des situations inédits pourtant emprunts de déjà vu. La principale figure vampirique du film, le comte Krolock – dont le nom rend évidemment hommage au Nosferatu de Murnau – semble fusionner les interprétations de Dracula de Béla Lugosi et de Christopher Lee. En effet, il réunit dans un seul et même personnage, l’élégance aristocratique de l’un et la monstruosité fascinante de l’autre.

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Si dans l’absolu, le récit du Bal des Vampires est très typique, notamment au niveau du scénario, Polanski nous livre une œuvre farfelue, poétique et trépidante qui ne se limite pas à tourner en dérision les caractéristiques du genre, bien au contraire. Le cinéaste réussit merveilleusement à créer un amalgame entre la comédie et le film d’épouvante, invitant alors le spectateur à se poser la question : « Dois-je rire ou dois-je avoir peur ? ». Après tout, qui a dit que les histoires de vampires ne pouvaient pas être drôles ? D’un autre côté, il est évident que de par son aspect parodique, le film n’a rien de particulièrement effrayant. Certains passages peuvent tout de même faire frissonner car Polanski invite le spectateur à se faire peur. Il l’entraîne ainsi dans une visite oppressante du château en alternant les plans serrés et en faisant glisser sa caméra sur les parois des différentes galeries. Par ailleurs, il réussit habilement à matérialiser des scènes de tension dans un film à visée humoristique, notamment lorsque le professeur Abronsius et Alfred investiguent sur les toits enneigés de la forteresse.

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Avec Polanski, pas question de s’incliner devant l’éternel happy end. Le cauchemar vampirique s’achève sur la victoire des méchants mais toujours dans un grand éclat de rire. Pourvu de décors et de costumes somptueux, d’une photographie menée d’une main de maître et d’un rythme singulier, Le Bal des Vampires de Roman Polanski est devenu au fil du temps un grand classique du cinéma, ainsi qu’un authentique film culte. Il serait d’ailleurs selon certaines sources, l’un des long-métrages favoris de son auteur. Le Bal des Vampires, c’est également l’une des dernières apparitions au cinéma de la sublime Sharon Tate, épouse du cinéaste qui sera violemment assassinée deux ans plus tard. Mais ceci est une autre histoire…

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