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Vente sauvage : arrête-moi si tu peux

La vente sauvage est interdite par la législation française. Cette activité constitue un délit pénal passible de six mois d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende. Pourtant, de nombreux vendeurs à la sauvette prospèrent dans les rues de Paris et défient la loi chaque jour pour subvenir à leurs besoins. 

XVIIIème arrondissement de Paris, quartier de la Goutte d’Or, aux alentours de la rue Dejean. Entre les étals où sont vendues les denrées traditionnelles du marché, des centaines de vendeurs à la sauvette envahissent l’intersection et les trottoirs aux alentours. Véritable place marchande, on trouve des colliers, des sacs, des lunettes, des montres, des vêtements ou des produits de beauté. Çà et là, cris et harangues peuplent l’atmosphère populaire de l’intersection, où chaque vendeur excelle dans l’art de la criée, du négoce et du marchandage.

Cartons

Djibril passe ici tous les jours et regarde à chaque fois ce spectacle. Il tire sur sa cigarette et d’un air amusé, il explique que : « depuis 5 ans qu’il passe ici, c’est comme ça. Tout le temps, il n’y a pas de week-end pour eux ». Les marchands arrivent au petit matin vers 8 heures ou 9 heures. Près du métro Château Rouge, Nkunda, un Congolais de 34 ans, affirme travailler plus de 10 heures par jour. Il croit savoir que le marché « existe depuis plus de 15 ans » et lui y gagne sa vie depuis 6 ans car « sans-papiers et sans possibilités de trouver du travail, il faut bien manger ».

Alors, il passe ses journées à vendre des sacs contrefaits à 20 euros l’unité. Nkunda refuse de dire précisément combien il gagne : « ça oscille entre 300 et 400 euros, parfois plus » dit-il dans un sourire timide. Soudain, des cris se font entendre, les marchands s’agitent. Tous replient les draps sur lesquels étaient posées leurs marchandises, bourrent cabas et sacs plastique avant de s’enfuir. La police arrive. Le même manège s’étend à toutes les rues avoisinantes, si bien qu’en quelques secondes, les rues sont quasi désertes. Seuls les cartons abandonnés témoignent de l’agitation débordante qui s’est évaporée en un instant.

Cartons abandonnés

Vente sauvage, un problème mineur

Éric, policier du XVIIIème arrondissement, est en exercice depuis 3 ans. Il indique détruire « seulement la marchandise, ce qui leur fait déjà perdre beaucoup. Dans d’autres arrondissements, les collègues les interpellent carrément ». En cause, les vives tensions qui agitent le quartier au métissage ethnique diversifié. Entre drogues, prostitution et racket, « la vente à la sauvette, ce n’est pas grand-chose » explique Éric, avant de poursuivre que le « XVIIIème, c’est ghetto » « un vol se produit en moyenne toutes les 10 secondes ». Concernant la vente à la sauvette, selon la Fédération Nationale des syndicats de détaillants en fruits, légumes et primeurs (UNFD), 7 % des fruits et légumes seraient vendus à la sauvette, et 6 % pour les fleurs. Dans le tabac, le manque à gagner est de 11 % et pour la contrefaçon. L’UNFD évalue  le manque à gagner pour les professionnels à 6 milliards d’euros.

Après le départ des forces de l’ordre, tous les vendeurs reprennent leurs places respectives. Nkunda déballe encore sur le sol le drap qui lui sert d’étal. Il commente ce qui vient de se passer : « pour éviter de se faire attraper par la police, il faut courir » ajoutant qu’en moyenne « on court au moins 20 fois, parfois 25 fois par jour ». 

Rue vidée après le passage des policiers

Gilbert, un cinquantenaire qui habite le quartier, fait état des nuisances sonores, des difficultés de circulation et des immondices abandonnées sur place le soir (notamment les sacs plastique et les cartons). « Les riverains sont à bout », soupire-t-il. L’association La vie Dejean créée en 2013 veut inciter les pouvoirs publics à agir.  Malgré les procédures judiciaires engagées, ni la mairie ni la police ne semblent en mesure de faire la chasse à la vente sauvage, jeu perpétuel du chat et de la souris. Et le phénomène de la rue Dejean, loin de s’arrêter, s’intensifie comme le marché sauvage de la Porte Montmartre.

© Crédits photographiques : Julien Percheron 

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