Le suspens durait depuis 2015, la question est maintenant tranchée : Vivendi ne va pas acquérir Ubisoft et se retire de son capital, réalisant ainsi une belle opération financière. Le géant chinois Tencent entre au capital de la firme d’Yves Guillemot.
Vivendi a cédé sa participation minoritaire dans le développeur de jeux vidéo français Ubisoft, mettant fin à une relation hostile de trois ans entre les deux sociétés et marquant un revers pour l’actionnaire majoritaire de Vivendi, Vincent Bolloré.
Si la stratégie de Bolloré pour contrôler Ubisoft a échoué, ce dernier pourra se consoler grâce à la plus-value effectuée dans l’opération. En effet Vivendi a liquidé sa participation de 27% de l’entreprise pour 2 milliards d’euros, contre un coût initial d’acquisition estimé à 800 millions d’euros. Le géant a d’ailleurs déclaré être déterminé à poursuivre son développement dans le domaine des jeux vidéo, et dispose toujours de Gameloft, le petit frère mobile d’Ubisoft, prise de guerre précoce dans le conflit qui a opposé les deux sociétés. En outre, Vivendi, empêtré dans des dossiers délicats (Telecom Italia, notamment), verra cette entrée de cash comme étant salutaire. C’est d’ailleurs Bolloré qui est venu négocier sa sortie du capital vers Ubisoft, et non l’inverse.
Il n’y a pas de risque à voir de nouveau surgir cette question dans les prochaines années car les deux sociétés ont signé une trêve financière de 5 ans. Durant cette période, la firme de Bolloré s’engage à ne pas revenir dans le capital d’Ubisoft.
De Charybde en Scylla ?
Tencent est peut-être le plus grand vainqueur de cette opération, grâce à laquelle il étend son influence sur un studio occidental en acquérant 5% d’Ubisoft. A titre de rappel, le géant chinois du jeu possède déjà Riot Games (League of Legends), une partie importante du développeur Fortnite et donc d’Unreal Engine, Epic Games, ainsi que les droits d’édition chinois de PUBG. La société détient également une participation majoritaire de 84,3% dans Supercell, le développeur de Clash of Clans, que Tencent a acquis pour 8,6 milliards de dollars en 2016. Sans oublier 12% d’Activision et donc 5% d’Ubisoft. Dans le cadre de son investissement, Tencent va également exploiter, publier et promouvoir plusieurs des titres d’Ubisoft sur PC et mobile sur le marché chinois – un marché potentiel de plus de 500 millions de joueurs.
Les actions restantes appartenant à Vivendi sont vendues à un mélange d’investisseurs institutionnels, un fonds de pension canadien, les frères Guillemot et à Ubisoft lui-même.
Chez Ubisoft, si la nouvelle du retrait de Vivendi soulage, c’est avec fierté que l’on met en avant le nouveau partenariat avec Tencent.
Tencent gère la plus grande communauté de jeux en ligne en Chine et l’un des réseaux sociaux les plus importants et les plus actifs au monde. Cet accord devrait nous aider à accroître considérablement notre visibilité et notre engagement en Chine
Yves Guillemot, PDG fondateur d’Ubisoft.
Même son de cloche chez Tencent, où l’on met en avant l’intérêt de l’opération :
Nous sommes honorés de commencer ce nouveau chapitre de notre relation avec Ubisoft et d’être en mesure d’apporter de nombreux titres créatifs et renommés à nos clients chinois. Cet accord démontre une fois de plus l’engagement de Tencent à offrir à ses utilisateurs des expériences de divertissement interactives fiables, amusantes et professionnelles.
Martin Lau, président de Tencent, dans un communiqué.
Enfin, aucun risque que Tencent ne soit tenté de faire une Vivendi, puisqu’un accord a été signé entre les deux sociétés, dans lequel Tencent s’engage à ne pas augmenter sa participation au capital d’Ubisoft pour les cinq prochaines années.
Pour Ubisoft, après avoir triomphé d’une montée hostile à son capital de 20% en 2004 de la part d’Electronic Arts, c’est une nouvelle victoire stratégique.