Librement adapté du livre de Grand Corps Malade, Patients parle de la reconstruction et du temps suspendu. Critique d’un film jamais didactique.
La trajectoire de Grand Corps Malade ne cesse d’impressionner. Après avoir fait connaitre et amené le slam à un niveau de popularité époustouflant, après avoir connu le succès en librairie, après être devenu parolier pour de nombreux artistes et pas des moindres, après avoir impulsé la renaissance musicale de Renaud et on en passe, le voici qui passe à la réalisation d’un film, Patients. Un film forcément pas comme les autres, d’abord parce que c’est le premier (co-réalisé avec Mehdi Idir, réalisateur de ses clips) et ensuite parce qu’il raconte son histoire, où comment un jeune homme bien dans ses baskets et avide d’une carrière autour du sport se retrouve paralysé à la suite d’un accident. Patients raconte comment réapprendre à tout faire quand les fondamentaux deviennent impossibles à utiliser, comment dompter le temps qui passe et qui semble s’être arrêté et comment retrouver l’envie de vivre et le goût de se battre quand tout semble s’être évaporé. Le pari est-il réussi ?
Mais c’est quoi déjà… Patients ? Se laver, s’habiller, marcher, jouer au basket, voici ce que Ben ne peut plus faire à son arrivée dans un centre de rééducation suite à un grave accident. Ses nouveaux amis sont tétras, paras, traumas crâniens…. Bref, toute la crème du handicap. Ensemble ils vont apprendre la patience. Ils vont résister, se vanner, s’engueuler, se séduire mais surtout trouver l’énergie pour réapprendre à vivre. Patients est l’histoire d’une renaissance, d’un voyage chaotique fait de victoires et de défaites, de larmes et d’éclats de rire, mais surtout de rencontres : on ne guérit pas seul.
La gageure de réussir un tel film est immense. Le sujet de prime abord ressemble à une grenade dégoupillée qui, si on ne la manipule pas avec précaution, peut vous revenir en pleine face. Comment éviter le misérabilisme et la manipulation du spectateur en lui tirant les larmes? Peut-être en étant vrai tout simplement et en insufflant de la vie là où tout semble nous indiquer qu’elle ne tient plus qu’à un fil ténu, et ça, Patients y parvient totalement. En parlant de vraies personnalités, riches d’une épaisseur et d’une humanité qui vont tout simplement montrer la voie avec une véritable générosité. C’est la grande force du film qui en quelques minutes vous attache à son personnage principal, à ses rencontres dans ce centre de rééducation, là où en vase clos, forcément, il y a une intensification des sentiments et des relations qui se nouent.
Sans jamais tomber dans le sentimentalisme, le chantage émotionnel ou le pathos, Patients livre le récit intime d’une reconstruction physique et émotionnelle et parle du réapprentissage à la vie et de la prise de conscience d’un changement définitif. La mise en scène de Grand Corps Malade et de Mehdi Idir, sans afféteries, s’efface derrière l’histoire et les personnages mais ne se contente pas pour autant d’être illustrative et ose des propositions formelles qui font mouche, comme ces séquences du début en caméra subjective via des plans fixes, et de la profondeur de champ du point de vue du personnage allongé afin de montrer sa vision tronquée et forcément partielle des choses mais également ces scènes très réussies afin d’illustrer le temps qui passe.
L’utilisation de la musique, avec des titres et des genres très variés, participe aussi à dynamiser le récit et à ne pas l’enfermer dans une boucle claustrophobique qui aurait pu poindre sans la variété des morceaux choisis. Patients est aussi un film chargé de traits d’humour qui font passer l’énergie et la vitalité. Ce n’est pas un humour malhabile chargé de désamorcer l’émotion mais au contraire il témoigne de cette envie de vivre et de ne pas céder sous le poids des obstacles et de la souffrance.
Pour que le film fonctionne il fallait aussi une distribution capable de faire passer toutes ces émotions en restant sur le fil sans trop en faire, afin que l’émotion qui circule ne soit pas factice. Là aussi c’est parfaitement réussi avec des comédiens qui font passer une myriade de sentiments par une inflexion de voix ou un regard et qui sont magnifiquement à la hauteur de la tâche, de Soufiane Guerrab à Nailia Harzoune, de Moussa Mansaly à Frank Falise en passant par les comédiens qui interprètent le personnel soignant qui, comme Alban Ivanov ou Yannick Renier, sont remarquables dans des registres totalement différents. Et évidemment Pablo Pauly (Les Lascars, Discount...) qui interprète Ben est absolument incroyable. Il parvient à jouer sur toute une palette d’émotions avec une déconcertante facilité, drôle quand il faut, émouvant quand c’est nécessaire mais toujours en faisant passer cette envie de vivre.
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Patients est un film qui envoie des fulgurances d’humour et de vie dans un shoot d’émotions continuel. Une belle réussite et les prémisses d’une belle carrière pour un duo de réalisateurs doté d’un vrai parti pris d’auteur. Avec un Pablo Pauly qui irradie l’écran.
Patients de Grand Corps Malade et Mehdi Idir – En salles le 1er Mars 2017