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On a vu pour vous… Carbone, le thriller flamboyant d’Olivier Marchal

Carbone, avec Benoit Magimel, signe le retour au long métrage d’Olivier Marchal six ans après Les Lyonnais. Pour quel résultat ?

Les deux dernières incursions d’Olivier Marchal derrière la caméra furent pour la télévision avec le très réussi Borderline et le très ambitieux et incompris Section Zéro. Alors qu’il sera dans les mois à venir dans au moins deux gros projets télé en tant que comédien (on le verra dans une mini-série pour TF1 Les Innocents et dans l’adaptation en série du roman de Jean-Christophe Grangé, Les Rivières Pourpres où il reprend le personnage interprété au cinéma par Jean Reno dans le film éponyme de Matthieu Kassovitz), il est de retour au cinéma avec son cinquième long métrage, Carbone où il réunit autour de Benoit Magimel une belle distribution composée de Michaël Youn, Laura Smet, Gringe, Dani, Patrick Catalifo, Moussa Maaskri et Gérard Depardieu. Le résultat est t’il à la hauteur de nos -immenses- attentes ?

Mais c’est quoi déjà… Carbone ? Menacé de perdre son entreprise, Antoine Roca, un homme ordinaire, met au point une arnaque qui deviendra le casse du siècle. Rattrapé par le grand banditisme, il lui faudra faire face aux trahisons, meurtres et règlements de compte. 

Après Gangsters, 36 Quai des Orfèvres, MR73 et Les Lyonnais, Olivier Marchal continue de suivre une voie qu’il est encore aujourd’hui trop seul à avoir le courage d’emprunter. Celle du film de genre, du polar brut de décoffrage et sans concessions où son art du dialogue, son sens de l’image et la puissance de son regard plein de vérité et d’un romantisme exacerbé, font merveille.

Si Gangsters était une vraie réussite avec les défauts d’un premier film, si 36 était un très grand polar à la fois touffu et sombre et qui transpirait l’amour du cinéma, si MR73 était une œuvre noire de geai, désespérée et cathartique et si Les Lyonnais était un film de gangsters dans la plus pure tradition traversé par un souffle de tragédie classique, Carbone est un peu tout cela à la fois, auquel se mêle un ancrage social absent des précédents travaux du réalisateur.

Le personnage principal de Carbone est un patron de PME aux abois qui doit composer avec un mariage qui se délite, un beau-père richissime qui le rabaisse à ses échecs et une entreprise qui va droit dans le mur. Campé par un Benoit Magimel impeccable de justesse et de profondeur (bien loin de ses apparitions catastrophiques dans la série Marseille ou encore récemment mais dans une moindre mesure dans Money), cet homme à priori tout ce qu’il y a de plus normal avec ses forces et ses faiblesses va trouver l’idée pour réaliser le casse du siècle avant que, ce qui ressemblait à un hold-up en col blanc, ne le force à frayer avec la lie du grand banditisme. Le comédien prouve ici que lorsqu’il est bien dirigé et qu’il sert un texte pointu, il sait être bon et convaincant.

Il n’est pas le seul. Olivier Marchal est un directeur d’acteurs qui sait ce qu’il veut et qui parvient à faire jouer sa musique à des solistes pour donner le sentiment qu’il dirige un ensemble philharmonique. Dans Carbone chacun joue sa partition avec discipline et talent et on sortira du lot, outre Magimel, un Michaël Youn transfiguré, au jeu sobre et épuré qui lui confère une belle maturité, Gringe et Idir Chender surprenants d’intensité, Moussa Maaskri le bad guy du film, très impressionnant dans un registre qu’il maîtrise et le toujours impeccable Patrick Catalifo, qui même dans un rôle secondaire fait rouler les dialogues de Marchal dans sa bouche avec une délectation et une indéniable vérité. On l’a dit, les dialogues claquent, les formules sonnent et si l’on est sensible à ce qui fait la singularité des films d’Olivier Marchal on ne pourra être qu’emportés par celui-ci où l’intensité dramatique grimpe au fur et à mesure de l’inéluctable descente aux enfers du personnage central.

Carbone n’est pourtant pas une copie des précédentes œuvres d’Olivier Marchal. Le film s’inscrit dans la continuité du travail du metteur en scène depuis 16 ans formant un tout d’une impressionnante cohésion et s’il ne s’émancipe pas autant de son confort qu’il avait pu le faire avec Section Zéro, il conserve son regard acéré sur le milieu criminel. Après Les Lyonnais, c’est la seconde fois qu’Olivier Marchal raconte une histoire du point de vue des voyous, même si celui-ci le devient par défaut et que ses malversations se font d’abord derrière un ordinateur. Ses détracteurs seront ravis de continuer à lui casser du sucre sur le dos car Marchal pousse encore avec Carbone son inclinaison vers la tragédie sans trop s’appesantir sur les états d’âme de ces personnages. A cela il préfère des scènes d’action menées tambour battant qu’il est l’un des seuls dans l’hexagone à filmer avec une telle maestria (et comme souvent grâce au fidèle Alain Filgraz, coordinateur des cascades) sans sacrifier à une photographie léchée et nous gratifiant de magnifiques scènes nocturnes ou en boites de nuit.

Chez Marchal, les impacts de balles ou les coups sont réalistes et on ne sort jamais du film à cause de ces détails qui n’en sont évidemment pas dans des films de genre. Toujours aussi doué pour mettre en place une atmosphère de violence brute dans un univers sombre et désenchanté, ce n’est pourtant pas tant le réalisme qui intéresse Olivier Marchal qui reste fidèle au lyrisme qui le caractérise dans de nombreux plans. Certaines images semblent également hanter le réalisateur comme celle de Benoit Magimel dans un long manteau filmé de profil en train de fumer une cigarette dans la nuit et dont l’allure rappelle irrésistiblement le Daniel Auteuil de MR73.

Carbone n’est pourtant pas totalement exempt de défauts. On a notamment un peu de mal trouver Gérard Depardieu crédible en patriarche juif impitoyable et l’on aurait aimé que certains personnages comme ceux de Laura Smet et Dani en tête soient un peu plus fouillés. Elles font très bien ce qu’elles ont à faire mais un peu plus de densité aurait donné une plus grande ampleur à leurs compositions. Malgré tout, la progression dramatique du film (librement inspiré de l’affaire qui défraya la chronique de la fraude à la taxe carbone et co-écrit par Emmanuel Naccache et Olivier Marchal), son efficacité narrative rythmée par la formidable bande originale du fidèle Erwan Kermorvant, sa gestion des temps forts et des temps faibles en font un flamboyant thriller qui démontre qu’Olivier Marchal est toujours un de nos metteurs en scène les plus à même d’aborder le film de genre frontalement sans céder à la bien-pensance, ce qui par les temps qui courent est tout bonnement miraculeux.

Avec un Carbone haletant et prenant de bout en bout où Magimel excelle, le retour aux affaires d’Olivier Marchal est une réussite totale!

Carbone de Olivier Marchal – En salles le 1er novembre 2017

A écouter aussi : Olivier Marchal, invité exceptionnel de La loi des séries #42

 

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Journaliste pôle séries et La Loi des Séries, d'Amicalement Vôtre à Côte Ouest, de Hill Street Blues à Ray Donovan en passant par New york Unité Spéciale, Engrenages, Une famille formidable ou 24, la passion n'a pas d'âge! Liste non exhaustive, disponible sur demande!
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