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BRESIL : Coup d’envoi pour la destitution de Dilma Rousseff

L’Assemblée brésilienne a voté dimanche soir pour demander au Sénat la destitution de la présidente Dilma Rousseff. Dans un pays fracturé par une grave crise politique, économique et sociale.

Le vote de dimanche soir intervient dans le contexte d’une grave crise politique qui ébranle le Brésil depuis plusieurs mois. Son épicentre est le scandale de corruption lié à l’entreprise nationale pétrolière Petrobras, dont Dilma Rousseff était la dirigeante entre 2003 et 2010, au moment où Lula présidait le pays.

Ce scandale a révélé des pratiques de corruption très répandues dans le corps politique et l’appareil d’Etat et s’est propagé comme une onde à travers le pays. Le Parti des Travailleurs (gauche/centre-gauche), au pouvoir depuis 2004, est le premier touché.

A travers Petrobras, c’est le PT, et l’appareil politique des dix dernières années, qui sont visés.

Le Brésil connait des manifestations monstres depuis 3 mois. Getty

En mars, l’ancien syndicaliste et ex-Président Lula, révéré par une partie de la population comme le symbole du nouveau Brésil social et dynamique des années 2000, avait été mis en garde à vue dans le cadre de l’enquête Petrobras. Rousseff lui avait alors proposé d’intégrer son gouvernement en tant que chef du cabinet — une manoeuvre qui est très mal passée aux yeux de l’opinion publique. Rousseff aurait simplement cherché à protéger son ancien mentor contre les poursuites judiciaires.

La pression politique s’est alors intensifiée et l’étau s’est resserré autour de la présidente.

A LIRE AUSSI : Pétrobas : le scandale qui éclabousse la classe politique brésilienne

La foule devant le Congrès à Brasilia, le 16 avril. Getty

La foule devant le Congrès à Brasilia, le 16 avril. Getty

« Tchau querida! »

Un processus de destitution à l’égard de Rousseff a été engagé par l’opposition, menée par le président de l’Assemblée brésilienne Eduardo Cunho, membre du PMDB (Parti du Mouvement Démocratique Brésilien — centre), lui-même impliqué dans le scandale Petrobras.

Il est à noter que, si elle est entachée automatiquement par son implication dans l’entreprise Petrobras, Rousseff n’est pas elle-même accusée de corruption. L’opposition l’accuse d’avoir maquillé des comptes publics en vue de cacher un déficit en 2014, année de sa réélection. Une pratique courante chez les dirigeants brésiliens. C’est la base de la demande de destitution, amorcée à la fin de l’année 2015.

A LIRE AUSSI : Au Brésil, début du chaos politique

Eduardo Cunho, président de l'Assemblée, membre du

Eduardo Cunho, président de l’Assemblée, membre du PMDB

Les dirigeants du Parti des Travailleurs ont assimilé le processus de destitution à un coup d’Etat, une vengeance politicienne. Lula a déclaré à la télévision vouloir se battre pour empêcher le renversement du gouvernement et vouloir refonder les institutions brésiliennes. Dans une tribune parue samedi, Rousseff s’est indignée contre ce « putsch » : « Ils veulent condamner une innocente et sauvent des corrompus».

En effet, le scandale et l’enquête qui s’en est suivie viseraient un grand nombre d’hommes politiques brésiliens, dont 318 dans le seul Congrès. Impliqué, Eduardo Cunho est de surcroit accusé de détenir des comptes bancaires secrets en Suisse.

La population est divisée — provoquant, par dessus la crise politique, une crise sociale qui menace de s’étendre encore davantage.

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« Impeachment não »

Les partisans de Rousseff, très nombreux, accusent la droite, le centre, de vouloir renverser le gouvernement démocratiquement élu et pointent du doigt la collusion des médias (détenus par quelques grandes fortunes) et de l’opposition. Pour eux, il s’agit d’un putsch contre un gouvernement de gauche qui a mené depuis 14 ans une politique de redistribution et a permis à des millions de Brésiliens de sortir de la pauvreté. Pour leurs adversaires, il s’agit de se débarrasser du Parti des Travailleurs et de réformer le pays, paralysé depuis deux ans par une grave récession.

La démocratie — ou du moins, la stabilité politique — semble plus que jamais problématique dans cet immense pays très peuplé (200 millions d’habitants, 8,5 millions de km²), où les inégalités sont enracinées dans la structure socio-économique. La récession et l’aggravation de la situation économique rendent la population fébrile.

Au cours des deux derniers mois, des manifestations géantes se sont tenues dans les grandes villes du pays. Pros et antis Dilma s’affrontent. Dimanche, une foule énorme convergeait vers Brasilia, la capitale. La police était en état d’alerte. Devant le Parlement, un mur d’un kilomètre de long avait été érigé en hâte pour séparer les deux camps.

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Un kilomètre de long, deux mètres de haut, le mur devant le Congrès brésilien symbolise la division du pays. Getty

A l’intérieur du Parlement, il fallait une majorité des 2/3 (342 députés sur 513) pour que la destitution soit demandée au Sénat. C’est donc chose faite avec 367 députés.

Les choses devraient s’accélérer à partir de maintenant. Le procès en destitution n’a besoin que d’une majorité simple pour débuter formellement au Sénat, en mai. Ce qui ouvrirait la voie vers une destitution rapide.

Dans un tel cas de figure, ce serait le vice-président Michel Temer, du PDMB, qui accèderait à la présidence. Après le départ de son parti de la majorité présidentielle, Temer est en effet resté au gouvernement où il espère succéder sans trop d’encombres à Rousseff.

Le départ de Rousseff ne devrait pas régler la crise politique. La confiance des Brésiliens dans leurs représentants politiques a été durablement affectée. L’enquête sur la corruption ratisse large et menace déjà un éventuel gouvernement Temer.

Si ce processus d’impeachment parvient à son terme, ce qui à l’heure actuelle parait très probable, Dilma Rousseff ne sera plus Présidente quand s’ouvriront les Jeux Olympiques le 5 aout prochain. Ses partisans pourraient continuer à manifester et se faire entendre. Le Brésil devrait connaitre un été mouvementé.

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