Une amitié pas comme les autres. Elvis entretien une relation fraternelle avec un alligator. Passées de longues années par la violence des ghettos miamiens, il s’est repenti et essaye de tourner la page en s’occupant de son jeune fils et de sa bête fidèle, « Spike ».
Comment l’homme, pourtant peu accoutumé aux eaux troubles des mangroves floridiens, peut-il nouer une si forte liaison avec un animal de cet acabit ? D’autres téméraires se sont fait parents de félins, et sont devenus célèbres sur les réseaux sociaux pour leurs enlacements passionnels avec un lion, une lionne, un tigre… Mais s’amouracher d’un alligator, ça c’est pour le moins baroque !
Plus d’un asiate se sont essayés à la tâche. Des toqués du vestibule qui vouaient une infinie confiance au reptile au point de fourrer leur tête entre ses mâchoires, pensant que celles-ci resteraient béantes. Mal leur en a pris, car si le spectacle amusait les touristes vicieux et rémunérait de quelques pesos, les courageux philippins ont souvent payé leur audace de leur caboche. Paf ! Le citron coincé dans l’étau ! Et là mon ami, pour t’en défaire, tu peux toujours sermonner la vilaine bête d’un ton autoritaire, prier la bonté divine qu’elle te délivre de cette effroyable étreinte, rien ne pourra hélas lui écarter la gueule. Le caïmen est un animal imprévisible rarement soumis au dressage.
Là est la différence entre Elvis et les amuseurs de vacanciers. Lui considère cet être comme un bon compagnon, un membre de sa famille, et non comme une bête à qui l’on assène les enseignements tyranniques du domptage.
Ci-dessous, appréciez-vous même la dangerosité de l’exercice
Celui-ci a eu plus de chance, mais a sans doute conservé quelques traces du numéro :
Elvis à un air de truand latino, type mara salvatrucha. Tout l’attirail du brigand sud-américain qu’il ne vaut mieux pas emmerder. Ratiches en or, vêtements amples, cicatrices, kalash dessinée dans le dos, « FUCK YOU » sur les phalanges, et sur l’avant bras, le portrait d’un ami tué par un gang adversaire. Repenti du banditisme, il garde ces marques en hommage à ces anciens acolytes de route. Manière de faire le deuil sans effacer le passer. Maintenant, il a un fils et un alligator, vit paisiblement à l’écart des heurts de Miami. On se doutait qu’un gonzier de ce calibre n’offrirait pas à son gamin un yorkshire comme animal domestique, mais de là à ramener une bestiole comme celle-ci ! C’est le destin qui l’a voulu. Elvis arpentait les mangroves comme cela lui arrive à ses heures perdues, quand il est tombé sur l’immense reptile, à l’agonie. Il s’est pas débiné face aux belles mâchoires dentées, a pris son courage à deux mains et hissé à bord du bateau l’animal en mauvais point. À son domicile, il lui a ensuite retiré l’hameçon qui perforait sa peau mastoc et lui a prodigué les plus grands soins. Pendant plusieurs mois, il a offert bonne pitance et un toit à la bête amoindrie.
L’alligator s’est rapidement remis sur patte. Même si « Spike » a retrouvé l’eau chaude de sa rivière et ne loge plus chez son sauveur, il lui dévoue une sincère reconnaissance, le protège des alligators voisins et lui rend régulièrement visite. La brave bête est devenue un membre de la famille, l’ami avec lequel Elvis passe le plus de temps. Il le nourrit quotidiennement de morceaux de viandasse, lui gratte tendrement la gorge et lui baise le museau. Et pour se faire un peu d’oseille – pourquoi ne pas tirer un bénéfice de cette relation saugrenue – il hèle son compagnon sur la rive et l’invite à se joindre aux touristes en gage de quelques dollars. Pas question de numéro dangereux, seulement le plaisir d’approcher un monstre inoffensif. Et si ce divertissement atypique rapporte assez, Elvis promet à l’avenir de gâter son ami d’une dentition dorée, pareille à celle qui illumine son sourire.
La vidéo ci-dessous, filmée à Miami, est en compétition pour le prix du documentaire Infracourt de France 2.