On entend souvent parler de « prescription » dans les affaires criminelles. Mais concrètement, comme ça se passe ? Comment est-elle appliquée ? On vous explique.
En France, il existe des délais dans la justice, c’est la prescription. Cela signifie qu’au-delà d’un certains temps, certains faits ne sont plus condamnables.
Ces dernières années, plusieurs affaires de viol, de meurtres et plus récemment d’inceste posent la question de la prescription. Pourquoi a-t-elle été créée et comment se calcule ces délais ? Explication du fonctionnement de ce fondement juridique au cœur de toutes les affaires d’hier et d’aujourd’hui.
Un principe fondateur du droit
La prescription se définit par un délai au-delà duquel un fait n’est plus condamnable. C’est-à-dire qu’au-delà de ce délai, une victime ne peut plus porter plainte, car il n’y a plus de chance d’aboutir à une condamnation en raison de manque de preuves. Elle s’applique sur les délits, les crimes ainsi que les contraventions. La prescription est considérée dans la justice comme un principe fondateur du droit. Elle existe en effet depuis l’antiquité, mais c’est en 1808, sous Napoléon qu’elle est inscrite dans la loi, le code d’instruction à l’époque. Elle a été mise en place, car dans certaines affaires, notamment de meurtre ou de viol, les preuves sont périssables. C’est-à-dire qu’au fur et à mesure des années, les preuves et les témoins disparaissent. La durée des délais de prescription varie en fonction de l’infraction en question. Il y a une règle simple pour connaître la durée de la prescription.
La règle du 1, 3, 10
Cette règle signifie 1 an pour les contraventions, 3 ans pour les délits et 10 ans pour les crimes. Ainsi, à partir du moment des faits, il faut compter ce nombre d’années selon l’infraction en question. Mais depuis, certaines modifications ont été apportées à ces délais.
C’est avec la loi du 27 février 2017 que ces changements ont été opérés. La diffamation par exemple qui est un délit, voit sa prescription réduite à 3 mois. Pour les délits qui relèvent de l’abus de confiance ou d’arnaque, la prescription a été allongée à 6 ans à partir du moment de la découverte des faits.
Au niveau des crimes, il y a plusieurs changements en fonction de leur nature. Pour les crimes de « base », la prescription est à 20 ans, en revanche pour ceux qui relèvent du terrorisme elle est à 30 ans.
Depuis quelques mois, la question de l’inceste a beaucoup été évoquée. Dans ce cas, la prescription est donc de 20 ans, mais seulement à partir du moment où la victime a atteint la majorité.
En revanche, il y a un domaine que la prescription ne touche pas, ce sont les crimes contre l’humanité qui sont condamnables à vie.
Le rôle de la prescription dans des affaires connues du grand public
Dans certaines affaires comme le meurtre du petit Grégory par exemple la prescription a pu être modulée. En effet, depuis les faits qui datent de 1984, les parents de Grégory réouvrent le dossier régulièrement pour empêcher l’acte de prescription, persuadés que des éléments pourraient encore être apportés à l’affaire.
Récemment, le politologue Olivier Duhamel a été accusé d’inceste sur son beau-fils. L’affaire été sortie dans le livre publié par la sœur de la victime, Camille Kouchner, La Familia Grande. Après quelques rebondissements dans l’affaire, Olivier Duhamel a finalement avoué hier les faits qui lui sont reprochés. Or, les faits d’inceste remontent à l’époque où Victor Kouchner était adolescent et il a aujourd’hui 45 ans. Depuis 2018, les délais de prescriptions pour ce genre d’affaires sont passés de 20 à 30 ans à partir de la majorité de la victime. Ainsi, pour Victor Kouchner, il est trop tard pour qu’il puisse porter plainte même suite aux aveux d’Olivier Duhamel.
Un principe contesté
Aujourd’hui avec les récentes affaires, la question de la prescription est souvent contestée pour plusieurs raisons. Premièrement, la souffrance des victimes est de plus en plus considérée par l’opinion publique, l’impunité est en effet de plus en plus décriée notamment dans le cas de crimes sexuels ou d’inceste. De plus, les prouesses technologiques et scientifiques signifient pour beaucoup que la prescription pourrait être allongée, car les preuves seraient plus récupérables. Par exemple à la fin du vingtième siècle, la question de l’ADN posait encore problème ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. C’est pour cela qu’au fil des années, la prescription est modifiée parfois allongée.
Plusieurs éléments justifient le maintien de la prescription
D’un autre côté, le principe de prescription est défendu avec plusieurs éléments. Premièrement, le « droit à l’oubli » qui signifie le droit pour la victime et ses proches de tourner la page après un événement traumatisant. Le deuxième principe est le « pardon légal » qui considère qu’une personne qui a commis des actes grave peut changer et regrette ses actions. Et enfin la « proportionnalité » qui marque une différence entre la gravité des faits reprochés et la durée des poursuites judiciaires.