L’ancien président du Brésil Lula risque la prison, Dilma Rousseff vient à sa rescousse en le nommant ministre, lui permettant d’échapper à la justice. Erreur politique, mauvais calcul, elle est maintenant plus impopulaire que jamais et le pays est au bord de l’implosion.
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- “Quand un pauvre vole, il va en prison. Et quand un riche vole, il devient ministre.”
Tel étaient les mots de Lula en 1988 alors que le Brésil accédait à la démocratie et qu’il n’était encore que député. Depuis mercredi, cette phrase est devenue virale sur les réseaux sociaux, reprise à tout bout de champ par ses détracteurs mais aussi ses anciens partisans. On pensait que Luiz Inacio Lula da Silva allait répondre de ses actes dans l’affaire Petrobas devant la justice brésilienne. Mais grâce à son ancienne protégée et actuelle présidente du pays, Dilma Rousseff, il devrait y échapper pour le moment. La présidente l’a nommé « ministre d’Etats, chef de la maison civile« , ce qui est en fait l’équivalent du Premier ministre, limogeant par la même occasion le précédent, Jacques Wagner.
La combine est bien trop grosse pour passer inaperçue, et les manifestations ont été incessantes ces deux derniers jours. De plus si certains y voient un acte de fidélité envers un ancien mentor, la plupart y voit une présidente coupable tentant de couvrir ses arrières.
Toutefois, bien que Lula ait quitté ses fonctions en 2010 et qu’il soit depuis officiellement retraité de la vie politique, il n’a jamais véritablement quitté le cercle du pouvoir. Il a été depuis 2010 un appui décisif de Dilma Rousseff, négociant des contrats au nom du gouvernement et servant souvent d’intermédiaire. Dès lors, sa nomination n’est pas insensée, étant bien informé des dossiers, extrêmement influant et reconnu tant par ses partisans que par l’opposition. Il doit aussi permettre de réunifier les différents partis de gauches du Brésil, de plus en plus opposés à Dilma Rousseff.
- Une écoute téléphonique gênante…
Rapidement après la nomination de Lula comme ministre, le juge Moro en charge de l’affaire a rendu publique mercredi après-midi une écoute téléphonique entre La Présidente Dilma Rousseff et Lula, dans laquelle il apparait évidant que la nomination de Lula avait pour but de lui permettre d’échapper à la justice.
Dans cette écoute, la présidente indique à Lula qu’elle va lui faire parvenir son décret de nomination le plus rapidement possible et elle lui dit : »ne t’en sers qu’en cas d’extreme nécessité« . Ces mots semble donc corroborer la théorie des juges : Lula aurait été nommé ministre uniquement pour échapper à la justice. Peu de temps après que cette écoute devienne publique, les manifestations reprenaient dans l’ensemble des grandes villes du Brésil.
- … aux conséquences multiples
Les manifestations appelaient à la démission de Lula et de Dilma Rousseff. Ce sont plus de trois millions de brésiliens qui ont défilé mercredi dans les rues de São Paulo et de Rio de Janeiro. Mardi et mercredi, la principale artère de Sao Paulo, l’avenue centrale Paulista, a été totalement bloquée par les manifestants. La crise n’est pas uniquement politique, elle est aussi économique, le Brésil fait face à cette crise depuis maintenant près de 3 ans. Ce n’est donc pas uniquement une manifestation contre la nomination de Lula mais plus généralement contre l’ensemble de la politique de Dilma Rousseff. Des affrontements ont également éclaté entre les partisans du gouvernement et des manifestants souhaitant voir sa chute.
La mobilisation a donc été forte au cours de ces derniers jours et la rue semble bien être le dernier recours pour que le peuple puisse se faire entendre. L’opposition elle-même fait face à des scandales de corruption et de détournement de fond. Elle a donc été totalement discréditée est n’est plus un rempart efficace protégeant les intérêts du peuple.
Le gouvernement lui-même se fracture progressivement face à la pression populaire. Le PMBD (parti du mouvement démocratique brésilien), un allié historique du PT (parti des travailleurs, le parti de Lula et Dilma Rousseff), se désolidarise de plus en plus de gouvernement. Le président du PMBD, Eduardo Cunha, a depuis février une attitude hostile envers la politique gouvernementale, tout comme certains députés du PT qui ont pris leurs distances avec le gouvernement.
Enfin, le marché brésilien à repris une croissance nette, les manifestations étant la cause direct de cette reprise de la croissance. Les marchés parient sur une chute du gouvernement de gauche pour un nouveau gouvernement libéral, avec éventuellement à sa tête le Parti social-démocrate brésilien (PSDB).
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- Lula et Dilma Rousseff, pas encore à l’abri
L’ancien président n’a pas pour autant totalement échappé à la justice. Le juge Moro, en charge de l’enquête sur l’affaire Petrobras depuis 2014, ne peut actuellement pas poursuivre Lula. Cependant il serait peut-être encore possible d’empêcher le nouveau ministre d’assumer son mandat.
Peu de temps après que le nouveau premier ministre ait prêté serment, les juges fédéraux de Brasilia ont émis une injonction par laquelle ils suspendaient la prise de fonction de Lula, le motif étant que cette nomination constitue une entrave directe à la justice. Cette injonction est notamment appuyée par l’écoute téléphonique de Lula et Dilma Rousseff. Toutefois, le gouvernement peut toujours faire appel devant la Cour suprême, annulant ainsi cette injonction. Pourtant il n’est pas certain que le gouvernement fasse appel immédiatement, les relations entre l’exécutif et le juridique étant difficiles depuis le début de l’investigation du juge Moro sur l’affaire Pétrobas, ayant notamment conduit à la chute d’un grand nombre d’élus et d’hommes d’affaires.
Les députés ont égalemment lancé une procédure de destitution de la présidente, poussant le Brésil dans le chaos politique.