Les maîtres de l’impressionnisme donnent le ton et organisent un voyage dans le temps grâce à une mise en scène aussi convaincante qu’une capsule spatiale. Le visiteur est invité à pénétrer dans l’univers intime d’un salon bourgeois sans fausse note vestimentaire. Sans passer par les folies bergères ou par la Goutte d’or, il sera témoin d’une aventure assortissant élégamment rêve pictural et réalité branchée. Il ne sentira donc pas la douce fumée d’opium de Baudelaire en plein spleen intersidéral, mais croisera sûrement George du Roy (de Cantel) se hâtant vers l’Opéra.
L’oeil photographique des impressionnistes met en lumière avec technique les matières, tissus et motifs de l’époque. Les tableaux constituent de véritables miroirs d’un style qui fascine, tant on y verrait presque l’âme spirituelle d’une capitale en pleine reconstruction. Les robes de jour et de nuit, pourvues du charme discret de la crinoline ou des détails minutieux de la dentelle, défilent au rythme des textures et des teintes grises, bleues ou prunes. Les tenues féminines offrent un choix colossal d’ombrelles et de chapeaux vivement colorés, décorés et même plumés. A cette panoplie s’ajoute des volants; des rubans ; des décolletés légers et suggérés; des chaussons satinés ; des manches trois quart; ; de la soie ; des franges frisées ; roulées ; des galons ; des corsets… Voilà tout y est, il ne manque rien. Ah si, à en croire Renoir ou Manet, les robes du soir blanches portées avec de longs gants et des chignons fleuris sont également de rigueur.
Les hommes, quant à eux, voient leur tenues épurées, avec des coupes amples et droites, avides de tons sombres. Les plastrons sont plus blancs que blancs toujours impeccables. La demi toilette de Monet est effectivement de rigueur.
Tailleurs et couturiers s’assurent de la coupe juste et sur mesure de ses tenues qui ne laissent rien au hasard.
A croire que les parisiens cherchaient à élaborer la synthèse parfaite, l’équilibre d’une tenue à la fois gracieuse et décontractée. Tous deux sortent gantés, chapeau sur la tête, canne ou cigarette à la main. Les portraits carte de visite d’Eugène Disdedri témoignent de l’effet d’une attitude si naturellement élégante et qu’elle en devient déconcertante. Les Dandy de bohème n’ont qu’à bien se tenir.
Enfin, le spectateur, tel Bel ami ou Madame de Marelle pourra clore sa visite par une promenade champêtre, ou même déjeuner sur l’herbe artificielle du jardin de la dernière salle.
Finalement, cette exposition redonne vie aux fantômes ‘à la mode’ d’un siècle révolu, et fait l’éloge d’un style atemporel laissant perplexe. Son mot d’ordre : élégance d’un jour, de tous les jours … toujours !