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24 heures chrono : Jack Bauer, le héros qu’il nous faut (FOX)

Alors que la Fox s’apprête à lancer le reboot de 24 sous le titre 24 : Legacy,  Jack Bauer est toujours présent dans les esprits. Parce que, plus qu’un simple personnage, il a incarné le héros dont nous avions besoin.

C’est quoi, 24 ? Agent fédéral de la CTU de Los Angeles, Jack Bauer (Kiefer Sutherland)  a pour mission de neutraliser les menaces qui pèsent sur les Etats-Unis et d’empêcher les terroristes de mettre leurs plans à exécution, tout en protégeant sa famille. Agissant dans l’urgence, il n’a que 24 heures pour y parvenir… Prêt à tout pour défendre son pays, y compris aux méthodes les plus extrêmes, Bauer doit se méfier de tous. A commencer par ses collègues : tous ne jouent pas franc-jeu, et les ennemis infiltrés sont nombreux.  

« Je suis l’agent fédéral Jack Bauer. Aujourd’hui, ce sera le plus long jour de ma vie. » Ainsi commence 24 qui, en 9 saisons et un téléfilm (diffusés de 2001 à 2014), s’est évertuée à placer son héros dans des situations toujours plus complexes et dangereuses en inventant à chaque fois une nouvelle menace: attentat terroriste ou nucléaire, épidémie bactériologique, assaut militaire, piratage informatique… A charge pour Jack Bauer de neutraliser l’attaque – en seulement vingt-quatre heures. Toute l’originalité de 24 est là : raconter les événements en temps réel, en 24 épisodes couvrant théoriquement une heure chacun (45 minutes en réalité – publicité oblige),  une horloge apparaissant régulièrement en plein écran. Autre coup de génie, la technique de l’écran partagé (« split screen« ) montre plusieurs actions en simultané et le procédé, largement exploité, renforce le dynamisme et le sentiment d’urgence.  Même si l’on regarde 24 en pyjama, vautré sur le canapé, on n’en subit pas moins des poussées d’adrénaline à chaque rebondissement – et ils sont fréquents.

S’il n’oublie pas de faire fonctionner sa tête, Jack Bauer est une sorte de Chuck Norris de l’anti-terrorisme. Dans des situations survoltés et anxiogènes où l’on frôle la crise de nerfs et / ou la crise cardiaque, il tire d’abord et discute après. Objectivement, c’est un type peu recommandable : ses méthodes sont efficaces  mais pour le moins discutables. Le recours à la torture, notamment, a fait l’objet de vifs débats (y compris parmi les collègues et les supérieurs de Jack), posant la question de la place de l’éthique dans la lutte contre des terroristes déterminés et qui ne s’embarrassent pas de la convention des droits de l’homme…  Jack n’est pas franchement perturbé par le problème. Sans être sadique pour autant, la torture et les interrogatoires à coups d’électrocution (entre autres joyeusetés) sont à ses yeux un moyen nécessaire pour obtenir des renseignements. Pour Jack, la fin justifie les moyens, y compris lorsque ces moyens supposent la mort d’un ami ou d’un innocent. 24 soulève là une autre interrogation, presque philosophique : un acte immoral est-il justifié s’il conduit au Bien ? Pour le dire de manière plus concrète, peut-on tuer un homme pour en sauver des centaines, voire des milliers ?  Pour Bauer, la réponse est clairement oui.

Interrogatoire façon Bauer

 

Reconnaissons que notre héros est droit dans ses bottes, et qu’il ne cesse de se mettre lui-même en danger, payant au prix fort le succès de ses missions : sa vie sentimentale est un désastre (il perd successivement toutes les femmes qu’il aime – de manière plus ou moins tragique), il devient toxicomane, se fait virer un nombre incalculable de fois, il se fâche un temps avec sa fille, est détenu et torturé dans une prison chinoise, il simule sa mort pour tenter de disparaître, s’exile en Afrique, et finit en renégat obligé de fuir les services secrets de son propre pays !  Jack Bauer est  un martyr, toujours prêt à se sacrifier pour le Bien – qui, en l’occurrence, coïncide avec l’intérêt national.

Cette ambiguïté, caractéristique essentielle du personnage, est poussée à l’extrême et lui enlève la crédibilité qu’il pouvait avoir dans les premières saisons. Jack Bauer est un superhéros du contre-terrorisme, une machine increvable qui survit à tout (virus mortels, crises cardiaques, fusillades, explosions, tortures, enlèvements) , déjà mort et ramené à la vie plusieurs fois. C’est un Designated Survivor avant l’heure. Ça en deviendrait presque ridicule, si cette accumulation ne finissait par faire de lui une figure symbolique, plutôt qu’un personnage réaliste. Or, le réalisme des crises que doit affronter le héros renforce cette puissance symbolique. Car la série créée par Joel Surnow et Bob Cochran (déjà derrière Nikita) a souvent préfiguré les évènements, de manière étonnante. Diffusée après le 11 Septembre, traumatisme pour les Etats-Unis et le monde occidental, 24 a su anticiper les menaces terroristes avec une acuité remarquable, puisque chaque saison est écrite environ 9 mois avant la diffusion. Celle centrée sur un virus bactériologique, par exemple, coïncide avec le démantèlement d’un groupe terroriste fabriquant de l’anthrax ; le cyber espionnage orchestré par le gouvernement chinois suit de près celui… orchestré par le gouvernement chinois dans la série !  Et bien sûr, le candidat afro-américain David Palmer (Dennis Haysbert) a précédé de plusieurs années Barack Obama à la Maison Blanche.

A lire aussi : notre critique du pilote de Designated Survivor

Eric Carter, successeur de Jack Bauer

 

Les temps désespérés requièrent des mesures désespérées : dans le cadre géopolitique et en pleine crise internationale, nous avons besoin d’un héros capable de nous protéger des menaces extérieures et des ennemis tapis dans l’ombre, de quelqu’un pour prendre la situation en main et venir à notre secours. Voilà pourquoi, en dépit d’une noirceur, d’une violence et d’une pratique récurrente de la torture qui auraient pu en faire un anti-héros,  Jack Bauer a quelque chose d’un sauveur, et est devenu une icône de la culture populaire. La preuve ? Après l’attentat manqué du 1er Mai 2010 à Times Square et la capture d’un terroriste dans les jours suivants,  le chef de la police de New York a déclaré : « Jack Bauer l’aurait fait en 24 heures ; mais 53 heures, c’est déjà pas mal. » !

Novatrice dans sa forme et étonnamment pertinente sur le fond, 24 a bouleversé les codes des séries télé ; nous verrons si la nouvelle version soutient la comparaison ou si l’originalité s’est émoussée. Jack Bauer, lui, a raccroché après 8 saisons de bons et loyaux services, au cours desquelles il n’a cessé de nous sauver. Eric Carter (Corey Hawkins), a la lourde tâche de prendre la relève : c’est lui, désormais, qui va connaître le plus long jour de sa vie.

24 – 9 saisons et 1 téléfilm.

24 – The Legacy – 12 épisodes

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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