La radio éclectique Fip est de nouveau menacée. Forte de ses trois décrochages locaux avec des audiences en progression, Radio France souhaite pourtant les fermer progressivement.
« Cette situation atypique crée une disparité entre les différentes villes où Fip est diffusée » – La direction de Fip
Fip, c’est la discrète radio du groupe Radio France, qui regroupe un auditoire très attaché à celle-ci. Même état d’esprit chez le PDG du groupe public, Mathieu Gallet, qui en 2015 coupait court à des rumeurs de fermeture lors d’une grève. La station qu’il qualifiait de « pépite » à laquelle on « ne peut pas toucher » deux ans auparavant est pourtant actuellement menacée.
Elle contient trois antennes locales, à Nantes, Bordeaux et Strasbourg où douze heures de programmes quotidiens, contenant de nombreuses informations de proximité, sont proposés par les Fipettes (surnom donné aux animatrices de la station, NDLR). En tout, la station est diffusée dans une dizaine de villes dont Marseille, Toulouse et Paris. Ce sont d’ailleurs ces disparités entre des villes contenant des décrochages et les autres avec un flux national qui conduisent la direction à vouloir fermer ces locales.
Les salariées étonnées par ces fermetures malgré les bonnes audiences
Pourtant, tout roule dans les studios des trois antennes. Les audiences sont en progression d’1,7% entre 2015 et 2016 pour le deuxième semestre, à Bordeaux. Une hausse constatée également à Strasbourg (+1,4% entre les deux relevés). Dans son plan pour la rentrée 2017, consulté par Rue89, Radio France souhaite ne pas remplacer les futurs départs en retraite dans ces locales, utilisant le terme d’une disparition à « rythme naturel ». L’objectif serait de rééquilibrer les moyens présents à chaque antenne de Fip : au lieu de concentrer seize postes (dont neuf à temps plein) sur trois décrochages comme actuellement, le groupe public souhaite créer un poste par radio locale. Il resterait donc une personne à Bordeaux, Strasbourg, Nantes, et dans chaque ville ayant une fréquence Fip pour créer un agenda des sorties… enregistré à Paris.
« Il n’y a pas de marge de manœuvre en interne. La direction est accrochée à son plan » – Muriel Chedotal, animatrice bordelaise et déléguée syndicale CGT de Radio France, à Rue89.
La surprise était de taille pour les Fipettes, à qui l’on avait pourtant pas mentionné cette disparition progressive dans les objectifs de Fip pour la période 2015-2019. Elles contestent cette décision et souhaitent voir se poursuivre les décrochages quotidiens, après leur départ.
Cette annonce n’est pas sans rappeler le plan Bleu mis en place par Radio France en 2000. La direction prévoyait la fin brutale de la station (voir sur l’Humanité, publié en 2000), ce à quoi ont vivement répondu les auditeurs, qui ont obtenu gain de cause : le rétablissement de Fip.
Fip conserve une place importante dans le milieu artistique, notamment dans les villes avec un décrochage local. (© B.Chabert – Radio France)
Un regard vers le futur et de grandes ambitions ?
Mais pourquoi réduire cette proximité avec les auditeurs, l’une des forces de Fip ? Des éléments de réponses ont été apportés par Frédéric Schlesinger, directeur délégué aux antennes et aux programmes de Radio France. En effet, il indique vouloir un développement de Fip à la fois par le web (qui compte l’un des réseaux de webradios les plus écoutés de France, se hissant à la 4ème place du baromètre ACPM-Web Radio, NDLR) et par la Radio Numérique Terrestre (RNT) dans plusieurs grandes villes de France. Frédéric Schlesinger estime que le système actuel ne serait pas compatible du point de vue financier avec ses ambitions pour la station à la programmation éclectique.
« Si dans dix ans nous couvrons quarante villes, nous ne pourrons pas avoir trois personnes par ville donc quatre-vingt-dix personnes de plus. » – Frédéric Schlesinger à Rue89
La mobilisation s’organise
Malgré tout, les auditeurs comme les employés s’affairent pour soutenir Fip. Lancée depuis deux ans, une pétition en ligne récolte à ce jour 25 000 signatures. Elle se réanime à chaque rebondissement autour de Fip, notamment quand des rumeurs de disparition ont émergé en 2015. Présent sur les réseaux sociaux avec pour nom « Fip Toujours ! », le collectif a annoncé vendredi que les élus nantais avaient eux aussi voté une pétition pour soutenir le maintien de l’antenne locale.
Les réactions sont nombreuses sur les réseaux sociaux suite à ces annonces. Tous ne comprennent pas la décision de Radio France :
Le Maire de Nantes, Johanna Roland demande elle aussi la reconsidération de cette décision :
La fin de Fip comme acteur culturel local émeut les politiques comme les artistes, les semaines à venir seront déterminantes. A voir si Radio France pourrait revenir sur ses choix…