La police peut-être violente. En France, l’affaire Théo relance les accusations de racisme contre les policiers et les manifestations pour l’égalité, à la fois juridique et sociale, se multiplient. Aux États-Unis, les cas Eulia Love, Rodney King et Latasha Harlins ont déclenché la colère de la communauté noire de Los Angeles dans les années 1990. Leur souhait : ne plus être traité comme des citoyens de seconde zone et voir leurs droits d’êtres humains reconnus. Retour sur trois cas emblématiques de violences policières et juridiques.
La mort de Eulia Love
En 1979, Eulia Love, une mère afro-américaine, est abattue sur le perron de sa maison par deux policiers de Los Angeles (LAPD).
» Deux membres de la police de Los Angeles ont tué par balle Eulia Love chez elle, pour une dispute portant sur une facture impayée de 22,09$ de gaz. Elle est morte dans son jardin, devant ses enfants » déclare Maxine Waters, représentante fédérale de Californie.
Les officiers ont abattu Eulia Love parce qu’elle était sur le point de jeter un couteau de 11 pouces sur les policiers après avoir agressé un agent de la compagnie de gaz avec une pelle plus tôt dans la journée. La femme, veuve depuis 6 mois, vivait avec les 680$ d’aides de la Sécurité Sociale, trois filles et une hypothèque de 192,18$ par mois. S’emparer d’un couteau de cuisine semble être une résistance vaine, mais surtout désespérée, comme un refus symbolique d’être encore humiliée. Les policiers s’en tirent, plaidant la légitime défense et Daryl F. Gates, le chef de LAPD, a simplement concédé « un mauvais tir. »
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Rodney King tabassé par quatre policiers
3 mars 1991. L’Afro-Américain Rodney King est passé à tabac par quatre policiers blancs de Los Angeles. De son balcon, George Holliday, un plombier, va filmer la scène. L’image est tremblante et floue, mais l’essentiel y est : un homme noir est à terre, entouré par quatre policiers, qui le frappent dès qu’il tente de se relever. Quelques jours plus tard, George Holliday diffuse la vidéo (ci-dessous) aux médias, qui passent les images en boucle. L’affaire est une preuve accablante de l’impunité policière et du racisme normalisé de la société américaine.
La pression médiatique est si forte que les quatre policiers vont être traduits en justice. Mais Rodney King n’ira pas témoigner au procès : dans le jury, il n’y a aucun noir. Et lors du verdict, rendu le 29 avril 1992, la stupeur est immense : les quatre policiers mis en cause sont acquittés. La justice retient les antécédents de Rodney King : un braquage à main armé et une conduite en état d’ivresse. L’issue du procès, jugé scandaleuse par l’ensemble de la communauté noire de Los Angeles, déclenche les émeutes de 1992. Au cours de cette semaine, 53 personnes seront tuées, 2 300 personnes seront blessées et près de 600 bâtiments seront détruits.
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Latasha Harlins : abattue pour une brique de jus d’orange
13 jours après le tabassage de Rodney King, Latasha Harlins, une adolescente de 15 ans, est abattue d’une balle dans la tête dans un magasin d’alimentation tenu par Soon Ja Du. La coréenne de 51 ans accuse la jeune fille d’avoir volé. Dans les colonnes du New York Times, Soon Ja Du affirme qu’elle aurait mis une bouteille de jus d’orange à 1.79$ dans son sac à dos. Une version contredite par le commandant Michael Bostic de la police de Los Angeles, pour qui la vidéo de surveillance (ci-dessous) montre Latasha avec la bouteille dans une main et la monnaie dans l’autre.
« The tape showed that the teenager had given up after a brief struggle, had left the orange juice on the counter, and was apparently leaving when she was shot. » La vidéo montre que l’adolescente abandonne après une brève altercation, qu’elle avait laissé le jus d’orange sur le comptoir et qu’elle semblait s’en aller quand ont lui a tiré dessus. Commandant Michael Bostic, The New York Times, 21 mars 1991
En novembre 1991, Soon Ja Du est accusée de meutre et encourt jusqu’à 16 ans de prison. Mais le juge de la Cour suprême, Joyce Karlin, rend son verdict : Soon Da Ju est condamnée à 5 ans de liberté conditionnelle, 400 heures de travaux d’intérêts généraux et la couverture des frais funèbres de Latasha Harlins. Une peine peu sévère, quand on sait que dans certains États, la détention ou la vente de crack peut-être passible de 20 ou 30 ans de prison. « Keep Ya Head Up », comme dit la chanson de Tupac écrite en sa mémoire.