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Affaire Grégory : retour sur 32 ans d’enquête judiciaire

C’est l’affaire judiciaire qui déchaîne les passions depuis plus de 32 ans. Le 16 octobre 1984, le jeune Grégory Villemin est retrouvé mort, pieds et mains liés dans une rivière des Vosges. Retour chronologique sur cet homicide sur fond de querelle familiale.

Le point de départ : Une famille et des menaces

Le petit Grégory Villemin naît en 1980 de l’union de Jean-Marie et Christine Villemin. Ils habitent dans le village de Lépanges-sur-Vologne. Non loin, les parents de Jean-Marie, Albert Villemin et Monique Jacob résident dans un autre petit village des Vosges. Toute la famille proche habite la région : leurs enfants Jacqueline, Gilbert, Michel, Lionel et Jacky ainsi que le frère et la sœur de Monique Jacob, Marcel et Thérèse.

Le climat dans la famille semblait pourtant serein jusqu’à la promotion comme contremaître de Jean-Marie Villemin dans l’usine où il travaillait. Cette montée en grade est très mal perçue et va attiser la jalousie d’un mystérieux corbeau.

C’est alors que les parents ainsi que les grands-parents paternels du petit Grégory sont régulièrement harcelés d’appels. En 1983, ils reçoivent régulièrement des lettres de menaces et d’insultes. Les messages se succèdent et deviennent de plus en plus inquiétants. Dans ces courriers, le corbeau jure qu’il trouvera un moyen de leur nuire.

16 octobre 1984 : Le meurtre du petit Grégory

Le 16 octobre 1984, Christine Villemin quitte son travail à Lépanges-sur-Vologne et récupère Grégory chez sa nourrice. Lorsqu’ils arrivent chez eux, la mère autorise son fils à jouer dans le jardin situé devant la maison. À 17h30, elle appelle Grégory afin qu’il rentre à l’intérieur, mais n’obtient aucune réponse. Le petit garçon ne se trouve plus dans le jardin. Alors, Christine Villemin part en voiture pour inspecter les alentours et interroge les voisins qui déclarent ne pas avoir aperçu l’enfant. À 17h50, la police est prévenue et vers 21h15, Grégory est retrouvé mort. Des cordelettes lui lient les pieds, les mains et le cou. Son corps est retrouvé plaqué contre un barrage dans La Vologne, à quelques kilomètres du domicile de ses parents.

17 octobre 1984 : Le corbeau revendique le meurtre

Le lendemain, une nouvelle lettre du corbeau est reçu où il est écrit :  «J’espère que tu mourras de chagrin le chef. Ce n’est pas ton argent qui pourra te redonner ton fils. Voilà ma vengeance, pauvre con». » Une lettre qui aurait été envoyée le jour du meurtre, avant la levée de 17h15.

L’autopsie ne permet pas de savoir comment Grégory est mort. A-t-il été jeté vivant dans la rivière? A-t-il été noyé dans une baignoire? A-t-il été ligoté avant ou après son décès?

L’enquête est ouverte. Cependant, il est difficile de faire la lumière sur ce meurtre dans cette famille où les conflits sont nombreux.

2 novembre 1984 : Murielle Bolle accuse son beau frère, Bernard Laroche.

Deux nouveaux protagonistes entrent en scène. Bernard Laroche et sa belle-soeur, Murielle Bolle. Bernard Laroche est le cousin germain de Jean-Marie Villemin et exerce aussi le métier de contremaître dans une usine.

Murielle Bolle (encore adolescente) déclare à la police que Bernard Laroche aurait enlevé le petit Grégory au domicile des Villemin et qu’elle aurait assisté à cette scène. Le 5 novembre, il est arrêté.  Quelques jours plus tard, la jeune fille revient sur ses propos devant les caméras. Les jours qui suivent,  une étude graphologique est faite sur l’une des lettres du corbeau. D’après le juge d’instruction Jean-Michel Lambert, une des lettres est estampillée « LB », comme la signature de Bernard Laroche. Cette lettre ne sera retrouvée que quelques mois plus tard. D’abord perdue, puis abîmée lors des recherche de traces d’ADN. C’est le point de départ des maladresses et des erreurs commises durant ces longues investigations.

L’affaire est suivie avec passion dans la France entière et les médias couvrent massivement chaque moment de l’enquête.

1985 : Meurtres de Bernard Laroche et Christine Villemin suspectée

Le 4 février 1985, Bernard Laroche est relâché, faute de charges suffisantes. Persuadé de la culpabilité de son cousin, Jean-Marie Villemin déclare devant les médias qu’il veut le tuer. Marie-Ange Laroche demande alors la protection de la gendarmerie pour son mari, ce qui lui sera refusé.

Bernard Laroche et son épouse Marie-Ange au tribunal / Photo SIPA

 

Le 29 mars 1985, le père du petit Grégory met à exécution sa menace et abat Bernard Laroche d’un coup de fusil.  Il se rend ensuite aux autorités pour être mis en détention.

Le 5 juillet 1985, la mère de Grégory fait l’objet de soupçons de la part des graphologues. D’après eux, elle pourrait être le corbeau qui envoyait les lettres. Elle se retrouve inculpée du meurtre de son fils et est placée en détention préventive. Elle sera libérée onze jours plus tard.

Pendant ce temps, l’affaire fait l’objet de nombreux incidents à ce moment. La presse prend parti (avec en tête de file notamment, l’auteure Marguerite Duras.  Elle publiera un texte à charge contre Christine Villemin : Sublime, forcément sublime Christine V).

Au même moment, les polémiques s’enchaînent. On reproche aussi des violations du secret de l’instruction, un manque de précautions des enquêteurs avec les indices, une autopsie peu précautionneuse du corps de l’enfant. Cette enquête révélera aussi les tensions entre la gendarmerie et la SRPJ.

1993 : Christine Villemin innocentée et Jean-Marie Villemin relâché

Le 3 février 1993, Christine Villemin bénéficie d’un non lieu pour « absence totale de charges ».

Le 16 décembre 1993, Jean-Marie Villemin est condamné à 5 ans de prison. Mais de mars 1985 à décembre 1987, le père de Grégory a purgé l’essentiel de sa peine en détention préventive. Par conséquent, il sera libéré peu après.

À ce moment, l’enquête ne trouvera aucun indice supplémentaire, bien que la cour d’appel de Dijon suspecte toujours le défunt Bernard Laroche dans cet affaire.

Christine et Jean-Marie Villemin (Capture d’écran-INA)

 

1999 : réouverture de l’enquête

Le 25 novembre 1999, les parents de Grégory demandent la réouverture de l’enquête. En effet, avec les progrès de la science et des tests d’ADN, ils sont désireux d’effectuer de nouvelles analyses. Ainsi, le demi-timbre de la lettre provenant du corbeau est soumis à de nouveaux examens. En effet, il pourrait contenir une trace de la salive de son auteur.  Mais les analysent ne révèle aucune traces interprétables.

En 2001, la procédure est clôturée et un non-lieu est annoncé.

2002-2008 : L’Etat est condamné et doit dédommager les familles

En 2002, l’Etat est condamné à verser 63 000 euros à Marie-Ange Laroche et Murielle Bolle pour « inaptitude à remplir sa mission ». Marie-Ange Laroche avait saisi le Tribunal des Conflits : L’Etat devait réparation quant à l’absence de protection de Bernard Laroche lorsqu’il était menacé.

Les époux Villemin seront aussi indemnisés par l’Etat en 2004 de 35 000 euros. Et en décembre 2008, Jean-Marie Villemin obtient sa réhabilitation.

2008-2017  : Réouverture de l’instruction et impasse

En 2008, l’instruction reprend avec de nouvelles analyses d’ADN d’une des lettres du corbeau. En réalité, il semblerait qu’il y ait deux corbeaux : un homme et une femme. Mais encore une fois, personne n’a été identifié.

Entre 2010 et 2012, les enquêteurs analysent une nouvelle fois les liens qui avaient attaché le petit Grégory ainsi que les enregistrements vocaux du corbeau. Hélas, rien n’y fait et personne ne peut être soupçonné.

Juin 2017 : Nouveau coup de théâtre

Cependant, il y a quelques semaines, c’est un énième coup de théâtre. Le 14 juin dernier, l’instruction est ouverte à nouveau. Jacqueline et Marcel Jacob (grand-oncle et grande-tante de Grégory) sont interpellés. Ils ont respectivement 73 et 72 ans. Marcel Jacob aurait toujours entretenu de très mauvais termes avec le père de Grégory et aurait aussi été très proche de Bernard Laroche.

C’est grâce à un logiciel d’analyse criminelle appelé « Anacrim » que l’affaire fut relancée. Il aurait permis aux autorités de reconstituer la chronologie des faits et pointer les éventuelles incohérences. Dans le même temps, une nouvelle analyse aurait désigné Jacqueline Jacob comme l’auteur d’une des lettres de menaces.

Et c’est ainsi que le mercredi 14 juin, le domicile des époux a été perquisitionné et les autorités ont trouvé des documents écrits de la main de Jacqueline et de Marcel. Ces éléments auraient, eux aussi, relancé l’enquête.  Les autorités soupçonnent le couple d’avoir pris part à un acte collectif et donc d’avoir assassiné le petit Grégory. Ils sont placés sous contrôle judiciaire avec interdiction de parler à la presse.

28 juin : Murielle Bolle à nouveau interpellée

Celle qui n’avait que 15 ans à l’époque des faits est à nouveau placée en garde à vue. La raison? Son témoignage clé de l’époque où elle affirmait avoir vu Bernard Laroche emmener l’enfant dans sa voiture. Elle comparait ce jeudi soir devant la présidente de la chambre d’instruction à la cour d’appel de Dijon.

AFP / Eric Feferberg

 

Après de nombreuses erreurs et péripéties, l’affaire Grégory continue de déchaîner les passions. Et même 32 ans après les faits, Grégory Villemin attend toujours que justice soit faite.

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Stagiaire rédaction, passionné par la musique électronique, le théâtre et la danse.
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