Avec une mère chinoise et un père anglais, Chloé Mason est une globetrotteuse née. A seulement 20 ans, elle a vécu au Vietnam, en Thaïlande et en Angleterre. Etudiante quintilingue de la Colombie à Paris, les voyages rythment sa vie. Portrait d’une expat animée d’une seule passion : découvrir de nouvelles cultures.
Radio VL : Où as-tu passée ton enfance ? Quel est ton plus beau souvenir ?
Chloé Mason : Je suis née à Winchester en Angleterre. A 2 mois, j’ai déménagé au Vietnam. J’ai grandi dans la capitale Hanoï puis à Hô Chi Minh pendant 14 ans. Mes parents ont fait un choix original. Ils m’ont envoyé enfant dans une école internationale française.
Pourquoi ? Le système français est réputé pour la discipline et le respect inculqués aux élèves. J’en garde un très bon souvenir ! La culture française me touche profondément. J’ai été impressionnée par l’indépendance, la maturité et la créativité des élèves.
« La culture française me touche profondément. »
VL : Quelles différences as-tu noté avec les enseignements américains et anglais ?
Chloé : Après l’école primaire française, j’ai étudié dans un institut américain. Les élèves s’exprimaient fort et en même temps que le professeur. C’était l’anarchie. Ils ne savaient pas écouter alors que je trouve cela essentiel pour se construire et gagner en maturité.
Au lycée, j’ai déménagé à Bangkok en Thaïlande où j’ai découvert le système anglais. Les enseignants nous encourageaient à défendre notre propre avis. Développer son esprit critique était primordial.
VL : As-tu l’impression de pouvoir mieux comprendre les étrangers comparé à ceux qui n’ont pas l’habitude d’explorer le monde ?
Chloé : Totalement ! J’ai découvert la culture de personnes issues du monde entier. Je comprends certains comportements qui peuvent parfois paraitre surprenant. Mes parents m’ont toujours encouragée à avoir l’esprit ouvert. Il faut savoir oser poser des questions sur les mœurs étrangères. On a tous une histoire intéressante à raconter.
Malgré cela, la barrière de la langue persiste. Je me suis parfois sentie mise à l’écart de certaines communautés car je ne parlais pas leur langue. Cela m’a sensibilisé à la discrimination qui peut surgir envers ce qui nous ne ressemble pas, ce qui est plus ardu à comprendre. D’un autre côté, cela a nourri ma curiosité. Mon envie de faire partie de leur groupe.
VL : Est-ce pour cela que tu as autant cherché à apprendre de nouvelles langues ? Pour te sentir inclue dans ces communautés ?
Chloé : Exactement. J’apprends le vietnamien, l’arabe, l’anglais, l’espagnol et le français. J’étudie les langues pour rencontrer et me sentir acceptée partout où je vais. Depuis toute petite, ma passion, c’est de découvrir les autres.
« Depuis toute petite, ma passion, c’est de découvrir les autres. »
VL : Mais est-ce que tu te sens chez toi quelque part finalement ?
Chloé : C’est étrange car je peux me sentir chez moi partout. Je n’appartiens pas à un pays en particulier. Ce sont les liens avec mes proches qui me créent un véritable foyer. Je l’ai surtout ressenti dans mon internat à Bangkok. On est devenus une vraie famille.
On me demande souvent : te sens-tu plus anglaise ou chinoise ? Cela ne veut rien dire pour moi. D’autant plus que la culture anglaise ne m’est pas très familière. Mon père ne se sent même pas chez lui dans son pays d’origine ! Je dirai que je porte en moi une culture asiatique. Je suis très attachée à la famille et aux traditions.
« On me demande souvent : te sens-tu plus anglaise ou chinoise ? Cela ne veut rien dire pour moi »
VL : Les expatriés évoque parfois une nation sans drapeau. Un patchwork d’origines qui fait naître une culture homogène, qualifiée de globale. Qu’en penses-tu ?
Chloé : C’est vrai pour certains points. On partage le même humour par exemple. Avec mes amis, on pleure de rire devant Russel Peters ! J’ai plus de mal avec l’humour anglais, très acerbe.
Nous sommes un mix de différentes cultures. Ce sont nos expériences qui définissent nos particularités. C’est parfois compliqué car nous n’avons pas d’identité prédéterminée. Nous nous adaptons. Tout au long de ma vie, j’ai été façonnée par divers points de vue. Si bien qu’il m’est difficile d’affirmer un avis tranché.
« Je pense qu’il existe un humour d’expat très particulier »
VL : Les expatriés portent également l’image d’une classe privilégiée, parfois déconnectée de la réalité. Ils vivent dans les quartiers les plus riches, restent entre eux et pourtant prétendent voyager dans le monde entier.
Chloé : On ne peut pas nier certains privilèges. Je connais de nombreux expat au Vietnam qui possèdent de sublimes maisons avec piscine. Les enfants risquent de devenir gâtés, développer un sentiment de supériorité contradictoire avec le principe d’ouverture des expats.
Mais cela dépend de l’éducation. Mes parents ont toujours veillé à vivre modestement pour ne pas se reposer sur l’argent. Ils investissent dans les voyages et l’éducation mais nous ne sommes pas matérialistes. Nous misons tout sur les liens affectifs.
VL : Comment vois-tu ton avenir ? Souhaites-tu continuer à voyager et offrir une vie d’expat à tes enfants ?
Chloé : C’est difficile à dire. D’un côté, je souhaite me stabiliser pour fonder une famille. Je suis fatiguée de bouger tout le temps. C’est dur de tout recommencer à zéro, garder contact avec ses amis aux quatre coins du monde. Le problème est que je m’ennuie très facilement. Si je reste trop longtemps au même endroit, je me sens enfermée. Comme cette année au milieu de l’Angleterre, il n’y avait rien d’excitant. Je suis une véritable nomade. C’est génial mais aussi très isolant parfois.
Le plus important sont les valeurs je veux transmettre à mes enfants. Un esprit tolérant et ouvert. Malgré nos origines, j’estime que l’on peut tous s’entendre et apprendre les uns des autres. La différence est une richesse.
« Je suis une véritable nomade. C’est génial mais aussi très isolant parfois »
VL : Dans quel pays te vois-tu vivre à long terme ?
Chloé : Pourquoi pas à Paris ? J’adore la France, cela me rappelle mon enfance. Mes centres d’intérêts comme la mode et la cuisine y sont très reconnus. J’ai remarqué que les français débattent souvent de sujets philosophiques. La vie culturelle est extrêmement riche.
Cela fait deux mois que je vis à Paris et je me sens davantage chez moi que chez les anglais après une année. C’est étrange parce que j’ai l’impression de connaitre la culture mais je n’ai jamais vécu ici. C’est comme goûter un plat de son enfance vingt ans après. Tu es surpris par les saveurs mais l’odeur t’est familière.
« J’adore la France, cela me rappelle mon enfance. »
VL : Que dirais-tu à un jeune qui a peur de voyager en raison de la menace terroriste ?
Chloé : N’aie pas peur, tout simplement ! Il ne faut pas se replier sur soi. Tu risques de passer à côté d’expériences inouïes. Il y aura des dangers partout dans ta vie, attentat ou non. Il faut prendre des risques, oser partager pour vivre.