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On débriefe pour vous … le final de Halt & Catch Fire (AMC)

Halt & Catch Fire s’achève sur une ultime saison douce-amère, à la fois nostalgique et optimiste. Plus que jamais, la série s’appuie sur les relations humaines sur fond d’informatique en pleine expansion.

C’est quoi, Halt & Catch Fire (saison 4) ? Plusieurs années après les événements de la saison 1, Gordon (Scoot McNairy) travaille sur un projet de fournisseur d’accès à internet baptisé CalNet. Désormais à la tête d’une grande entreprise informatique, Donna (Kerry Bishé) supervise sa propre équipe. De son côté, leur fille Haley (Susanna Skaggs) suit les traces de ses parents et développe dans son coin une idée totalement innovante : une sorte d’annuaire en ligne répertoriant tous les sites existant… Quant à Joe, il attend désespérément des nouvelles de Cameron (Mackenzie Davis) : sensée collaborer à la programmation de CalNet, la jeune femme vit désormais au Japon où elle travaille pour Atari, et elle n’a plus aucun contact avec ses anciens acolytes.

On a déjà parlé ici de Halt & Catch Fire, soulignant à chaque fois qu’elle n’avait sans doute pas le succès qu’elle mériterait. Au départ, la série lorgnait du côté de Mad Men : la reconstitution nostalgique d’une époque récente, un personnage ambitieux aux idées novatrices, des femmes cherchant leur place dans un monde d’hommes, l’informatique à la place de la publicité… Dès la deuxième saison, Halt & Catch Fire prenait toutefois un autre tournant et trouvait progressivement sa propre identité. La diffusion en VF de l’ultime saison sur Canal Plus est l’occasion de dire adieu à une série qui a su se réinventer en débordant du cadre de l’informatique pour s’appuyer sur ses personnages, et qui se conclut avec un final plein de délicatesse.


A lire aussi : Halt & Catch Fire : les pionniers de l’informatique


Il est évidemment exclu de dévoiler les événements de cette ultime saison ; les lignes qui suivent, volontairement évasives pour parer à toute révélation intempestive, risquent donc de paraître absconses.  Il n’est toutefois pas nécessaire de s’appesantir sur l’histoire car toute la réussite du final passe par son ambiance, son intensité, et la complexité des sentiments qu’il illustre et qu’il suscite. Les trois derniers épisodes, en particulier, sont imprégnés d’une atmosphère douce-amère, extrêmement paradoxale car prévisible mais inattendue, nostalgique, tragique… et pourtant  optimiste et tournée vers l’avenir.

Joe et Gordon : que de chemin parcouru depuis la saison 1…

 

Nostalgique, parce que la mort inattendue d’un des héros provoque une prise de conscience chez ses acolytes : ingénieurs, pionniers tournés vers l’avenir, les voilà qui s’intéressent moins au futur qu’au chemin qu’ils ont parcouru. Regardant en arrière, chacun se plonge dans la réflexion contemplative de ce qu’il était, de ce qu’il aurait pu être et qu’il ne sera jamais. L’un d’eux, par exemple, comprend enfin qu »il n’a rien d’un inventeur de génie mais qu’en revanche, il sait motiver les autres et les pousser à donner le meilleur d’eux-mêmes, et il opte donc pour une autre voie…

Au premier abord, ce n’est pas une série qui finit « bien », dans le sens où aucun de ses protagonistes n’accède au succès qu’il poursuit depuis des années. C’est en cela que Halt & Catch Fire a quelque chose de tragique. On s’en doutait, puisqu’en s’insérant dans l’histoire réelle des nouvelles technologies avec Apple, Yahoo, Google et autres, la série ne pouvait que refuser à ses personnages la gloire qu’objectivement, ils mériteraient.  Rappelons que le terme Halt & catch fire désigne grosso modo un bug informatique ne pouvant être résolu que grâce à une réinitialisation. A l’image de son titre, la série n’est finalement que l’histoire d’un échec annoncé – ou plutôt d’échecs successifs, avec des protagonistes qui ne cessent de chuter, se relever, chuter encore et se relever à nouveau. Des échecs professionnels mais aussi personnels, au fil des relations amicales, familiales ou amoureuses qui se font et se défont – on pense à l’une des dernières scènes qui illustre magnifiquement  la rupture, définitive, de deux des personnages.

Donna et Cameron, ou comment se réinventer dans l’échec

 

Étonnamment, c’est aussi de là que vient la note d’espoir sur laquelle se referme la série : cette persévérance, cette obstination a toujours permis à Joe, Gordon, Donna et Cameron de progresser et d’évoluer. Nous les avons vu se tromper, se rapprocher et s’éloigner, se chercher, lutter contre leur orgueil et leurs ambitions. Échouer et recommencer. S’effondrer et se reconstruire. Se perdre et se réinventer. C’est encore ce qui se produit dans le final, avec le rapprochement de deux des héros, le premier lançant au second un « I have an idea… » promesse d’un nouveau projet, d’un avenir commun… et très probablement d’une nouvelle déconvenue.

A la fois mélancolique et pleine d’espoir, la conclusion de Halt & Catch Fire réaffirme en outre la nature même de la série. Comme le dit Joe MacMillan, “Computers are not the thing, they are the thing that gets us to the thing” : cette phrase sonne presque comme une déclaration d’intention a posteriori, en soulignant une fois encore que les nouvelles technologies émergentes et les luttes commerciales n’ont jamais été que la toile de fond d’une histoire humaine plus profonde.


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En s’appuyant sur cette dimension humaine, le discours contenu dans le dernier épisode apparaît comme une conclusion parfaite.  Ce n’est rien moins qu’un désaveu du rêve américain selon lequel n’importe qui peut parvenir au succès et concrétiser ses ambitions individuelles à force de persévérance et d’obstination. Le personnage au micro démolit le mythe : face à un avenir incertain, dans un univers informatique où le succès est éphémère et l’obsolescence un risque permanent, le rêve américain est une chimère. Ce qui compte, c’est moins de concrétiser un projet que de le partager avec quelqu’un.  Échouer et se relever ensemble, au lieu de réussir seul. Une vision du monde à la fois décourageante et réconfortante, défaitiste et pleine d’espoir -aussi riche et complexe que l’est la série.

Final sans bug pour un adieu à Halt & Catch Fire

 

A l’heure du bilan, Halt & Catch Fire fait figure de diamant brut : imparfaite dans sa réalisation parfois un peu terne, sa première saison moyenne et quelques intrigues secondaires mal abouties, mais sublime dans sa bande-son, son ambiance nostalgique, ses personnages (tous formidablement interprétés) et – pardon d’insister – le message qu’elle véhicule. Avec une ultime saison émouvante, surprenante mais cohérente, Halt & Catch Fire quitte nos écrans en beauté.  Ctrl+alt+suppr : fermeture du programme.

Halt & Catch Fire :  Saison 4 à partir du 15 Novembre sur Canal Plus.

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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