À l’heure où la communauté internationale commence à prendre des mesures contre la Chine pour sa répression féroce envers le peuple ouïghour, des Français se battent déjà pour soutenir cette population. Rencontre avec des Bordelais engagés.
Récit d’un génocide prémédité
En avril 2018, un chercheur allemand du nom d’Adrian Zenz évoque dans un rapport les investissements colossaux réalisés par le régime chinois dans la province du Xinjiang pour le renforcement de son appareil répressif. Ce détail, loin d’être anodin, dévoile le vaste plan de Pékin pour sanctionner la communauté ouïghoure. En effet le gouvernement a alors fait sortir de terre depuis près d’un an des camps de « formation professionnelle ».
Ce terme, qui signifie en vérité la mise en place de camps de concentration et d’endoctrinement, est utilisé par l’administration chinoise pour masquer son plan initial. Depuis 2017, plusieurs ONG dont Amnesty International estiment que près d’un million de Ouïghours y ont été enfermés.
La communauté ouïghoure, c’est un peuple turcophone pratiquant en majorité l’islam sunnite et vivant dans la province autonome du Xinjiang à l’extrême Ouest de la Chine. Si cette population est dans le viseur du régime chinois, c’est parce qu’elle est tenue responsable d’émeutes et d’attaques kamikazes perpétrées entre 2009 et 2010 dans la région.
Avec l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping en 2012 comme secrétaire général du Parti communiste, les rapports avec le gouvernement et la communauté ont pris un nouveau tournant. En effet, le New York Times a révélé en novembre 2019 que le chef d’État avait déjà en 2014 des desseins quant aux sanctions qui seraient appliquées aux Ouïghours. Il expliquait clairement vouloir « se montrer impitoyable » et s’occuper des criminels qui devront être « transformés et leurs esprits remodelés ». Pour cela, il nomma à la tête du Xinjiang en 2016 Chen Quanguo alors connu pour sa répression sévère au Tibet entre 2011 et 2016.
Depuis cette date, la province est devenue la région la plus surveillée au monde avec une abondance de caméras à reconnaissance faciale et des déploiements massifs de dispositifs policiers. Mais c’est surtout l’émergence d’enquêtes journalistiques et de témoignages de rescapés qui ont permis de comprendre la réalité de cette situation qui se présente désormais être un génocide.
Être ouïghour en Chine en 2021
Selon le dictionnaire Larousse, le terme de génocide définit un « crime contre l’humanité tendant à la destruction totale ou partielle d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux ». C’est en effet la notion qui semble le mieux correspondre au sort actuel des Ouïghours en Chine.
Enfermés, torturés, forcés à répéter des chants à la gloire du Parti communiste, les détenus oublient peu à peu leur humanité. Des témoignages racontent les viols subits par les femmes qui sont également stérilisées. De plus, les enfants sont séparés de leurs familles pour être envoyés dans d’autres camps afin d’en faire des « bons Chinois ». Une rescapée de ces camps, Gulbahar Haitiwaji, a raconté dans son livre publié en janvier dernier Rescapée du goulag chinois l’horreur qu’elle a vécu et vu. Elle y décrit notamment les violences psychologiques qui lui ont fait oublié qui elle est. Arrêtée puis détenue, elle ne reviendra en France, où elle était exilée, que quelques années plus tard.
Mais les prisonniers sont également utilisés comme main d’oeuvre pour la récolte de coton. Ce dernier est ensuite exploité par de grandes firmes internationales du monde de la mode comme Zara, Nike, Ralph Lauren, etc.
Ainsi, tout est mis en oeuvre par le gouvernement chinois pour effacer la culture et l’identité ouïghoure afin de rendre la province du Xinjiang « parfaitement chinoise ». Si Pékin nie cette volonté, la multitude d’enquêtes journalistiques et les rapports d’ONG réalisés sur ce sujet n’ont cessés d’en démontrer le contraire.
Le front bleu ciel face à la violente répression chinoise
Il y a quelques mois, des carrés bleu ciel ont envahi les réseaux sociaux en signe de soutien au peuple ouïghour réprimé. Ils sont issus d’un mouvement lancé par le député européen français Raphaël Glucksmann appelant notamment à la libération immédiate des Ouïghours enfermés. Ce bleu ciel représente le drapeau du Turkestan oriental, autre nom donné par les extrémistes ouïghours au Xinjiang dont ils demandent l’indépendance.
Ce mouvement qui a fédéré des milliers d’internautes est aussi à l’origine d’appels au boycott des marques utilisant le coton ramassé par les Ouïghours comme signe de protestation envers le régime chinois. Mais alors qu’il connait un réel succès sur la toile, il a également permis l’émergence de groupes de soutien au peuple réprimé un peu partout en France où l’opposition à la Chine est par ailleurs la plus forte.
Parmi eux, l’antenne de Bordeaux. Créée récemment, elle compte pourtant plusieurs dizaines de membres. VL MEDIA est allée à leur rencontre durant une matinée pour mieux comprendre leur engagement.
Déterminés et enthousiastes à l’idée de défendre la cause ouïghoure, ils ont sillonné les rues bordelaises pour partager leur lutte. Armés de tracts et d’autocollants, ils ont déposés dans le coeur de la ville la marque de leur combat.
La plupart d’entre eux ont connu la mobilisation à travers les réseaux sociaux et c’est à partir de là qu’ils ont décidés de s’engager. Cependant si leur lutte se traduit dans un premier temps par la participation associative, certains d’entre eux comme Emilie vont plus loin et décident de boycotter des marques auprès desquelles ils avaient l’habitude de s’habiller.
S’il est parfois difficile d’aborder des gens dans la rue, les Bordelais ne perdent toutefois pas l’envie d’informer. Au fur et à mesure de la matinée, ils rencontrent des personnes curieuses d’en savoir plus et même ignorantes du génocide en cours.
Conscients de ne pas changer à eux seuls la situation, ils restent cependant déterminés à continuer leur combat même si la possibilité d’un avenir meilleur pour le peuple ouïghour semble encore obscur comme l’atteste Solenn.
Actuellement, ils préparent de nombreux projets dans la continuité de leur engagement dont notamment une pétition interpellant le maire de Bordeaux, Pierre Hurmic, afin qu’il se prononce à son tour sur cette situation.
Ce sont des personnes engagées comme les membres de Bordeaux For Uyghurs qui ont permis d’amener ce combat jusqu’au Parlement Européen. Ce dernier a par ailleurs pris des sanctions lundi dernier contre quatre personnes et une entité chinoises impliquées dans le génocide des Ouïghours. Les États-Unis et le Canada ont également suivi ce mouvement de contestation. La Chine a quant à elle répliqué en bloquant l’accès à son territoire à 10 députés européens dont Raphaël Glucksmann.
À voir : Ouïgours : L’Union Européenne prend enfin des sanctions contre la Chine, qui riposte
Ainsi, la lutte pour la libération des Ouïghours n’est encore qu’à ses débuts et c’est par la détermination de ses partisans qu’elle parviendra à faire plier le régime chinois.
Si vous êtes intéressé par leurs actions et que vous souhaitez les rejoindre, vous pouvez les retrouver sur Facebook (Bordeaux ForUyghurs) mais également sur Instagram (bordeaux.foruyghurs) ou les contacter directement par mail à l’adresse suivante : bordeaux.foruyghurs@protonmail.com