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On regarde ou pas ? Le consentement, d’après le livre de Vanessa Springora

Le consentement fut un choc à sa sortie en librairies. Son adaptation en salles devrait avoir le même effet, les images en plus et durablement marquer les esprits.

C’est quoi Le consentement ? Paris, 1985. Vanessa a treize ans lorsqu’elle rencontre Gabriel Matzneff, écrivain quinquagénaire de renom. La jeune adolescente devient l’amante et la muse de cet homme célébré par le monde culturel et politique. Se perdant dans la relation, elle subit de plus en plus violemment l’emprise destructrice que ce prédateur exerce sur elle.

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EN SALLES LE 11 OCTOBRE 2023

L’essentiel

« Prendre le chasseur à son propre piège, l’enfermer dans un livre »

Alors que le mouvement #MeToo a été lancé en 2017 après l’affaire Weinstein, en 2019, la France est secoué par la sortie du remarquable livre de Vanessa Springora. Ses révélations sur l’écrivain Gabriel Matzneff (qui n’en sont pas vraiment puisqu’il a toujours affiché ses « préférences ») font l’effet d’une bombe et obligent à regarder droit dans les yeux les violences sexuelles sur mineurs.
Ce dernier avait la carte et on préférait dire qu’il était un « collectionneur de minettes » plutôt que de reconnaître la vérité. Si le livre a marqué les esprits, son adaptation en film devrait avoir le même effet. C’est presque un film à 3 qui se joue, avec au milieu Vanessa piégée entre Matzneff et sa propre mère dont le rôle, difficile, est incarné par Laetitia Casta. C’est Jean-Paul Rouve qui a la délicate charge d’incarner l’écrivain tandis que la réalisatrice Vanessa Filho a opté pour Kim Higelin, révélation de la série Plan B (TF1) pour jouer Vanessa Springora adolescente (Elodie Bouchez l’incarnera adulte, au moment où elle décide de se lancer en 2013 dans l’écriture du livre.

On recommande le film ?

Le consentement est une claque. Littéralement ! On ne ressort pas indemne. Ce que racontait le livre était déjà éprouvant. Ce que montre le film est glaçant, terrifiant, bouleversant … mais nécessaire. Si, inévitablement, se posera la question de savoir s’il fallait ou pas montrer certains actes de Matzneff sur Vanessa, que ces images vont peut-être loin, il paraît aussi évident qu’il ne pouvait en réalité en être autrement. Face à la parole d’un homme qui a pu raconter sa version, transformant tout ça en « histoire d’amour« , il fallait à l’opposé montrer la réalité du vécu d’une enfant devenue adulte quand elle écrit.

Le consentement est non seulement la mise en images du livre éponyme, mais c’est aussi, en quelque sorte, la mise en images de ce que Denise Bombardier disait sur Antenne 2 face à Matzneff : « Ce qu’on ne sait pas c’est comment ces petites filles s’en sortent après coup » … le film ne se contente pas de nous le montrer, il nous met toutes et tous « le nez dedans » comme on dit. Et forcément, ça questionne : comment a-t-on pu laisser faire ? C’est la question que l’on se pose à tous les instants du film. Car il ne s’agit pas de se dire « que les temps ont changé », il s’agit de se dire qu’à aucune époque il n’est acceptable qu’un homme de 50 ans aussi « gentil » soit-il (on reprend ici la manière dont Matzneff se présente face à Pivot) ne couche avec des jeunes filles de 14 ans. Et de se rendre compte qu’il ment sur le plateau télé en disant « Il n’y a pas une jeune fille de 14 ans mais des femmes en âge de vivre des amours« . Vanessa Springora prouve le contraire !

Le film nous montre aussi ce qu’on peut deviner dans l’extrait d’Apostrophes dans son face à face avec Denise Bombardier. Il ne supporte visiblement pas qu’on lui tienne tête et qu’on ne soit pas dans cette forme d’admiration. Vers la fin du film, quand Vanessa ouvre les yeux, son comportement à lui change aussi du tout au tout : il rabaisse, humilie, diminue. Terrifiant !

Pour porter ce film, Vanessa Filho a confié le rôle très compliqué de Matzneff à Jean-Paul Rouve qui délivre une partition incroyable de justesse mais aussi de froideur. Le choix artistique consistant à montrer Matzneff sous un jour inquiétant, terrifiant, presque comme un prédateur est un choix qui fera discuter nécessairement mais qui correspond bien au fait qu’on vit le film du côté de Vanessa. Regard, carrure, présence, tout est inquiétant dans ce que délivre Rouve. Il est clairement montré comme un prédateur qui traque ! Littéralement ! Face à lui, l’incroyable partition de cette grande comédienne qu’est Kim Higelin est littéralement bluffante. Outre l’émotion qui transpire à chaque instant et que la comédienne restitue de la manière la plus juste qui soit, le film contient son lot de scènes d’une dureté extrême et qui sont loin d’être faciles à jouer. Kim Higelin s’en sort toujours très justement, avançant sur une ligne de crête sur laquelle elle ne trébuche jamais. On parie déjà sur une nomination commune aux prochains César.
Mais pour délivrer de telles prestations, il faut une direction d’acteurs au couteau et souligner donc le travail remarquable d’une réalisation soignée, qui n’a jamais peut de montrer l’indicible tout en faisant preuve d’une grande retenue.

About author

Rédacteur en chef du pôle séries, animateur de La loi des séries et spécialiste de la fiction française
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