Après Baron Noir, Canal+ renoue avec La fièvre avec la fiction politique et nous propose ce qui pourrait bien être une de leur plus grande série.
La fièvre monte sur Canal+
Quatre ans après la fin de Baron Noir et sa saison 3 remarquée (et remarquable), le duo Eric Benzekri (écriture) et Ziad Doueiri (réalisation) signe une série incroyable sur la montée de l’extrême droite en France via le monde du football. Au casting, on retrouvera entre autre Nina Meurisse, Xavier Robic, Ana Girardot ou encore Benjamin Biolay.
Pas simplement une nouvelle réussite, La fièvre est un petit bijou et l’une des plus belles réussites en la matière.
Comme à chaque fin de saison, la grande famille du foot français fête ses héros : sourires, selfies, récompenses – c’est la soirée des Trophées du foot. Tout bascule quand devant les caméras, Fodé Thiam, la star du Racing, assène un violent coup de tête à son entraîneur et le traite de « sale toubab ». « Toubab », cela signifie « blanc » en wolof. Sidération : la tempête médiatique peut commencer. Appelée au chevet du club, Sam Berger, communicante de talent mais dévorée par son hypersensibilité, pressent que cette
fois la crise ne sera pas balayée par un nouveau scandale plus « vendeur ». Depuis la scène de son théâtre toujours complet, Marie Kinsky instrumentalise l’événement en attisant les déchirures identitaires et sociales qui lézardent le pays. Sam craint d’autant plus Marie qu’elles ont été très proches… Les deux femmes « spin doctors » vont se livrer un combat sans merci ni répit pour orienter une opinion publique défigurée par la puissance des réseaux sociaux et leur culture du clash. Au cœur de ce combat, le destin d’un grand joueur, et avec lui celui de la France. Car cette fièvre, c’est avant tout la nôtre.
Un récit puissant qui interroge
Depuis que les Créations Originales de Canal+ existent (quasiment 20 ans), nous avons eu l’occasion de découvrir de très grandes fictions, dans des genres variés. Rarement une série n’aura eu la puissance de La fièvre, la nouvelle série disponible dès le 18 mars. En mêlant deux arènes aussi différentes mais aussi mêlées l’une à l’autre, que sont foot et politique, la série nous plonge dans la France d’aujourd’hui et surtout de demain, et dans ce qui pourrait arriver si collectivement on continuait de rogner sur ce qui est acceptable, si on continuait de considérer que toutes les paroles se valent au nom de débat muselé à l’avance. Rarement une série ne nous aura mis face à nos responsabilités, face à « la merde » dans laquelle on pourrait être (voire même celle où l’on est déjà ?).
Grâce à une écriture précise, pointue même, qui ne cède à aucune facilité pour aider le spectateur à « mieux comprendre » (comme le concept de « fenêtre d’Overton » parfaitement mis en scène), et appuyé par une réalisation intense, dense, précise, où chaque personnage, même minime, est à sa place et trouve sa place, La Fièvre déroule son récit d’une finesse rarement atteinte et nous (u)percute en permanence grâce à son mélange des images et des sentiments régulièrement entre-mêlés (à l’image du début de la fin de l’épisode 2- bouleversant à chaque visionnage – ou du début de l’épisode 6, où liesse et violence se mélangent de manière perturbante).
Une nouvelle fois, Ziad Doueiri nous prouve qu’il est un de nos grands réalisateurs de fictions, capable de donner du sens à chaque image puisqu’aucune n’est là par hasard.
« La plus grande des injustices c’est quand les victimes ont la responsabilité de calmer le jeu »
La fièvre offre des personnages à la densité folle, que les dialogues et la mise en scène viennent sublimer. Difficile de dresser un tableau d’honneur des prestations tant chacun et chacune nous transportent. Dans son rôle de « symbole qui peut tout enflammer« , Alassane Diong est bouleversant dans son rôle de star du foot, tiraillé en permanence entre ce qu’il veut et ce qu’on veut qu’il soit, quelque soit le camp. A l’autre bout de l’échiquier, Ana Girardot, par sa prestation jamais à côté, toujours saisissante, dresse le procès de la politique spectacle prête à tout au nom d’un buzz éphémère mais dévastateur (à commencer par l’émission bien connue de C8 qui pourtant accueille la série).
Xavier Robic dans la peau de ce patron d’agence de com’ en gestion de crise est le personnage qui surplombe les autres (y compris dans la mise en scène) et fait la synthèse pour arriver à la meilleure des décisions.
Mais la partition la plus incroyable et bouleversante est bien celle de Nina Meurisse. Quand la dureté du monde frappe la plus hyper sensible des communicantes, ça ne peut qu’aboutir à une prestation intense, remarquable et bouleversante, sans jamais négliger la force qui habite le personnage. Nina Meurisse est tout simplement incroyable dans ce qui est sans doute à date son rôle le plus incroyable et aboutit, un de ses rôles charnières qui permettent de mieux mesurer le talent incroyable qui transperce déjà la comédienne au fil de ses incarnations passées. De ses gestes parfaitement ajustés à sa voix parfaitement posée, douce et forte à la fois, la comédienne est tout simplement étourdissante, avec ce petit quelque chose rappelant Claire Danes dans Homeland et qui ne peut que nous toucher.
La fièvre saison 1
6×52 minutes
Dès le 18 mars sur Canal+ (2 épisodes le premier soir puis un épisode chaque semaine)