Le Conseil d’Etat a renvoyé devant le Conseil Constitutionnel aujourd’hui, la Question Prioritaire de Constitutionnalité adressée par Marine Le Pen relative à l’anonymat des parrainages d’élus nécessaires pour se présenter à l’élection présidentielle.
La 2éme sous-section de la Section du contentieux du Conseil d’Etat était saisie d’une requête tendant à l’annulation de la décision par laquelle le Premier ministre a rejeté la demande de Marine Le Pen tendant à l’abrogation de l’article 7 du décret n° 2001-213 du 8 mars 2001, Mme le Pen demandant également que l’article 3 de la loi du 6 novembre 1962, modifiée par une loi organique de 1976 soit déférée au Conseil Constitutionnel en vertu de la procédure de la Question Prioritaire de Constitutionnalité afin qu’il détermine si le fait de rendre publique, l’identité des élus auteurs des parrainages nécessaires pour concourir à l’élection présidentielle est conforme aux droits et libertés garantis par la Constitution.
Elle soutient que ces dispositions, applicables au litige, méconnaissent:
- – l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789: La Loi est l’expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. Tous les Citoyens étant égaux à ses yeux, sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents)
- – le troisième alinéa de l’article 3 de la Constitution: Le suffrage peut être direct ou indirect dans les conditions prévues par la Constitution. Il est toujours universel, égal et secret.
- – le dernier alinéa de l’article 4 de la Constitution : La loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation.
- – l’article 55 de la Constitution : Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie.
Un dispositif déjà déclaré conforme à la Constitution en 1976
Le Conseil Constitutionnel a eu à se prononcer sur ce processus des parrainages dans sa décision n° 76-65 DC du 14 juin 1976 suite à son contrôle préalable sur la loi du 18 juin 1976 qui introduisait cette obligation de révéler les noms des élus ayant apporté leur signature, le Conseil Constitutionnel avait déclaré conforme à la Constitution cette disposition.
Mme Le Pen a donc fait valoir dans son mémoire à l’appui de sa requête: qu’un changement de circonstances est intervenu, qu’il justifie un nouvel examen de constitutionnalité ; que ce changement de circonstances résulte de ce que le parrainage est devenu un véritable soutien politique, des difficultés du recueil des signatures pour les candidats qui ne sont pas membres des grands partis politiques, des pressions révélées notamment par les médias, du processus de décentralisation et d’intercommunalité, qui accentue la dépendance des maires des petites communes à l’égard des collectivités de grande taille, et de l’introduction du quinquennat, qui modifie les rapports entre les pouvoirs et renforce le rôle des partis politiques.
De fait, la juridiction suprême de l’ordre administratif français pouvait rejeter la QPC de Mme le Pen en invoquant donc le fait que le Conseil Constitutionnel s’etait déjà prononcé sur la question, il en a décidé autrement, justifiant son renvoi dans un communiqué par: « les changements ayant affecté la vie politique et l’organisation institutionnelle du pays depuis cette date (qui) justifient que la conformité à la Constitution de l’exigence de publicité des parrainages soit à nouveau examinée ».
Une réponse expresse du Conseil Constitutionnel
Le Conseil Constitutionnel a fait savoir dans un communiqué qu’il rendra sa décision le 22 février, soit 20 jours seulement après le renvoi de la QPC par le Conseil d’Etat, alors qu’il disposait de 3 mois pour le faire, on comprend aisément que les « sages » ont souhaité rendre au plus vite leur décision qui aura des conséquences effectives immédiates sur la campagne électorale en cours.
Christophe Crépin
Décision du Conseil d’Etat: CE 2 février 2012, Mme Le Pen, n°355137 : http://www.conseil-etat.fr/node.php?articleid=2556
Communiqué de presse du Conseil Constitutionnel : http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/actualites/2012/communique-de-presse-sur-la-saisine-qpc-2012-233-du-2-fevrier.104660.html