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On regarde ou pas ? L’école des espions, la nouvelle fiction événement de France 3

Un an après son tournage, L’école des espions ouvre ses portes sur France 3 à la fin de l’été. Vers une nouvelle série différente pour le service public ?

Juillet 2023, nous avions le plaisir d’être convié sur le tournage de la nouvelle fiction de France Télévisions, L’école des espions, une fiction / une série qui ambitionne d’être différente de ce que l’on voit aujourd’hui. Et elle l’est ! De ce point de vue la réussite est totale.
A condition de savoir ce que l’on regarde. Car déjà sur le tournage, ce que l’on entendait n’allait pas dans le même sens. Pour les uns c’est un unitaire (et on verra plus tard si on poursuit), pour d’autres (y compris jusque dans le pitch), c’est le pilote d’une future série. S’il était difficile pour nous de trancher tant qu’on n’aurait pas vu la fiction, on peut aujourd’hui le faire et selon ce qu’est L’école des espions, notre avis change du tout au tout.

Les jeunes Zana, Inès, Alex, François, Pierre… viennent d’intégrer l’École des espions. Ils vont faire connaissance avec leurs enseignants pour apprendre la stratégie et la pratique de l’espionnage, l’histoire du renseignement international, le maniement des armes, la maîtrise des technologies modernes, etc. Ce film raconte leurs amitiés, leurs amours, leurs espoirs et les accompagne dans le difficile apprentissage de l’espionnage alors que l’école va faire l’objet de l’intrusion violente d’un service étranger…

Un unitaire n’est pas un pilote

Disons le de prime abord : c’est parce qu’on était convaincu qu’il s’agissait d’un pilote au potentiel fort que nous sommes allés sur le tournage. Tout nous le laissait supposer, à commencer par le pitch qui ne s’arrête pas sur une histoire « spécifique » mais énonce bien un concept visant à présenter une future série. Ce fut donc une énorme surprise une fois sur le tournage … d’entendre tout et son contraire.

Pour la chaîne, pas de doute : L’école des espions est un unitaire donc un film pour la télévision et donc une histoire avec un début, un milieu et une fin. Les personnages vont donc vivre dans ce film des choses qui trouveront une résolution à la fin. L’école des espions peut donc exister telle qu’elle est : une fois les 90 minutes passées, on peut passer à autre chose. Si de ce film, on veut étendre en une série, le concept le rend possible mais ce n’est pas une fin en soit.
Donc si jugeait sur cette base là ? Cet unitaire (et on insiste bien sur ce point) qui n’appelle pas forcément de suite serait raté.

En effet, si les personnages sont bons, les acteurs brillants et la réalisation soignée, le film met en place un certain nombre d’éléments auxquels il n’apporte aucune conclusion, sous aucune forme. Les étudiants rentrent à l’école mais n’ont pas terminé leur formation ; certains personnages sont à peine esquissés tandis que d’autres sont mis au premier plan … sans que les questionnements qui sont les leurs ne trouvent une solution.

De même, les deux grandes intrigues allant clairement dans l’espionnage ne trouvent pas de conclusion. Pire, elles sont l’objet d’une fin totalement ouverte, chacune de leur côté. Le spectateur ne peut dès lors que se sentir frustré par ce qu’il a vu durant 90 minutes. Possiblement, tout restera en l’état ! Tout restera en l’état puisqu’on à aucun moment on ne nous dit : « Investissez-vous, nous allons vous raconter une histoire qui va durer dans le temps » !!! C’est un peu comme si vous plongiez dans un livre et que l’on confisque le dit livre après les deux premiers chapitres…

« Quand vous verrez le résultat, vous n’aurez pas de doute sur ce que l’on tourne »

Jacques Kirsner (producteur de L’école des espions)

L’école des espions : une promesse forte

Comme on estime devoir juger sur ce qui a été vraiment fait et pas ce que l’on veut bien nous dire, nous allons porter sur ce pilote un regard qui nous semble plus juste. S’il est dommage que la chaîne n’assume pas de proposer un pilote (elle le fait pourtant sur du polar), c’est pourtant la raison d’être de ce format : tester la pertinence d’un format que l’on n’a pas l’habitude de faire pour voir si le public est réceptif (et donc prendre le risque qu’il n’y ait pas de suite). Il n’y a aucun intérêt à tester une formule d’une énième enquête policière où un binôme devra savoir qui a tué dans tel coin de France. Mais c’est ultra pertinent de se poser cette question pour ce qui est d’une école formant les espions de demain. Est-ce que le public habituel a envie de regarder? Ou est-ce qu’il y a une possibilité d’accueillir un nouveau public plus jeune (grâce notamment à une brillante distribution pensée dans cette optique) avec cette fiction ?

L’écriture de L’école des espions répond en tout point à l’écriture d’un pilote, et elle le fait même d’une manière assez maîtrisée : elle présente d’abord l’arène – ici l’école – de laquelle on sort en plus assez peu, ce qui donne un cadre extrêmement intéressant.

Elle présente les personnages qui en sont le socle – les professeurs – leur tiraillement, leur méthode, et la promesse de découverte dans de futurs épisodes (on saluera une fois de plus la grande maîtrise de Thierry Godard- qui retrouve ici son partenaire de Engrenages, Philippe Duclos).

Tout en esquissant une présentation globale des jeunes héros, elle choisit de faire un focus sur certains d’eux pour ce premier épisode (là encore c’est plutôt malin et permet non seulement un attachement à ces personnages mais aussi une curiosité pour ceux qui n’ont pas encore été approfondis), là aussi un soin particulier a été apporté à ces nouveaux visages comme les excellents Lise Lomi ou Eugène Marcuse.

Enfin le pilote met en place un fil rouge, intense qui ne ménage pas ses effets de surprise, tout en ouvrant la fin sur deux cliffhangers redoutablement efficace et promesse d’une suite haletante. Le tout porté par une réalisation enlevée, maîtrisée par Elsa Bennett qui maîtrise assez bien ce type de format. On regrettera que les questionnements liés au fait d’être jeune et espion ne soient pas assez abordés mais c’est le ciment d’une suite qui pourrait aussi intéressante de ce côté là.

En somme L’école des espions est une belle réussite d’un service public qui démontre aller dans d’autres directions et raconter d’autres histoires. Tout le monde peut y trouver son compte !

A lire aussi : C’est quoi « L’académie du renseignement » au cœur de la nouvelle série de France 2 ? | VL Média (vl-media.fr)

C’est donc bien un problème de positionnement et une dichotomie entre ce que l’on veut faire et ce que l’on dit. Car on ne peut pas croire qu’un département entier d’un grand groupe de télévision puisse valider en connaissance de cause un tel scénario, une telle construction d’histoire, une telle réalisation sans savoir que ce qu’ils font est bien le pilote d’une série et non « juste un téléfilm et on verra après ».
Mais il y a aujourd’hui une telle frilosité à proposer autre chose que du polar / thriller (en dehors du cadre de la mini série événement bouclée en 3 soirée), qu’on préfère sécuriser à l’extrême quitte, comme dans le cas présent, à paraître en contradiction avec ce que l’on fait.

C’est réellement dommage car pour s’impliquer dans un projet, le public a besoin de savoir qu’il regarde une fiction qui va lui demander une implication et une fidélité dans temps. Dans le cas qui nous intéresse, il faut le savoir : L’école des espions est la promesse d’une fiction qui mérite qu’on lui consacre du temps et qu’on la découvre. Et pas juste lors de cette première diffusion.

L’école des espions
Le 29 août sur France 390 minutes

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Rédacteur en chef du pôle séries, animateur de La loi des séries et spécialiste de la fiction française
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