A l’approche d’une rentrée qui s’annonce riche, nous avons décidé de nous focaliser sur quelques réalisateurs de fictions qu’il faut suivre avec attention. Avec bientôt deux nouvelles séries, David Hourrègue ouvre le bal.
Alors que Rivages devrait être l’un des événements de cette rentrée, et qu’il termine actuellement le montage de sa nouvelle série fantastique Anaon, David Hourrègue s’est imposé en peu de temps comme un réalisateur qui compte dans le paysage audiovisuel français. Il sait faire de la bonne série populaire, s’emparant pleinement d’univers riches et complexes. On a souvent souligné la question primordiale de la reconnaissance des auteurs comme centre de gravité de la création des séries. Mais pour les mettre en images, il faut des réalisateurs à la fois capable de s’emparer d’univers qu’ils n’ont pas créé, et qui le font de la manière la plus respectueuse qui soit envers les auteurs, tout en gardant une signature singulière.
Skam, Cut : un réalisateur formé sur du quotidien
On ne cesse de répéter que les quotidiennes, peu importe lesquelles, sont de formidables laboratoires pour des auteurs, des acteurs ou des réalisateurs. il faut essayer de faire bien avec peu de moyens. On dit souvent que c’est de la contrainte que naissent les grandes audaces, mais cela reste très difficile de bien faire quand on n’a pas les moyens de ses ambitions. Avec son format semi-quotidien, Cut a été un terrain de jeu pour apprendre à faire « vite » mais bien un format populaire. « Vite » car les 70 épisodes de 25 minutes sont mis en boîte en quelques 3 mois ; « bien » car le rendu de Cut tranchait sensiblement avec tout ce qu’on voyait jusque là sur du format quotidien (on est bien avant la montée en puissance de la réalisation opérée avec la nouvelle génération de séries – ITC ou Un si grand soleil en tête). Et même si de grands réalisateurs se forment dessus, le feuilleton quotidien n’a pas pour but « de mettre en avant » des réalisateurs-rices.
C’est en revanche avec Skam que David Hourrègue a « éclos » comme réalisateur de fictions. Même si sa diffusion est quotidienne (par petits modules), Skam se rapproche de l’école OCS Signature. Ou quand la série d’auteur croise les moyens de la quotidienne. Laisser sa marque relève alors du petit miracle. C’est pourtant ce qui est arrivé ! Car même si à tous les niveaux (de la production aux acteurs), de vrais efforts ont été faits pour proposer quelque chose de singulier, David Hourrègue a contribué à donner à Skam l’identité visuelle qui est la sienne et a fait de la série un teen drama majeur (comme un certain public l’a connu dans les années 90-2000 avec des séries comme Dawson, Felicity ou même Skins).
Germinal, Mercato : David Hourrègue gère les grosses productions
C’est grâce au succès de Skam que David Hourrègue est catapulté sur … Germinal ! Rien que ça ! Le projet de France 2 n’est pas rien, c’est une énorme machine qui va adapter l’un des romans français les plus connus dans le monde, tout en succédant à Claude Berri (Germinal 1993). Dans cette adaptation (écrite par une cohorte de très bons auteurs), David Hourrègue va faire ce qu’il sait de mieux : de la vraie télévision populaire ! Et même si le barnum a de quoi impressionner, il s’en empare et donne à ce Germinal version télévision une identité différente de ce que l’on aurait pu imaginer. Comment ne pas penser en le voyant travailler à un autre remarquable réalisateur de télévision à savoir Alexandre Laurent, quand il prend en main Les combattantes ou Le bazar de la charité. Tous deux mélangent habilement la grande histoire et le romanesque nécessaire au divertissement. Habitué au casting important, David Hourrègue met toute la troupe en scène dans un grand spectacle impressionnant !
S’il ne fait pas (encore) parti de ces réalisateurs dont la seule évocation du nom suffit à réveiller l’attention, il a acquis une réputation suffisamment solide pour ne pas s’étonner de le voir à la manœuvre du grand spectacle que constitue les premiers épisodes de Mercato (TF1). Notamment dans les courses poursuites folles en ville sur fond de musique des années 80. Il donne corps à l’action et évoque ses réalisateurs qui savait et aimait faire de la fiction populaire d’action dans les années 70- 80 dont nous avons été abreuvé et qu’il a sans doute lui aussi vu.
Rivages et Anaon pour réunir les ambitions de David Hourrègue ?
Difficile de s’étendre beaucoup ici car aucune des deux séries n’a encore été diffusée. On ne peut que spéculer. Spéculer sur la manière dont le réalisateur va s’emparer de ce qu’il sait faire (de la grande série populaire) pour créer des univers singuliers, à part, et qui basculent dans le genre assumé. On ne peut donc ici que se contenter de lire les pitchs et de lui faire confiance pour donner pleinement vie à de vraies ambiances, de vrais univers, conditions sine qua non pour adhérer à ce qui sera proposé (et même si ça tranche radicalement avec le reste de la production de séries). Avec ces deux propositions qui s’annoncent vraiment audacieuses, David Hourrègue se rapproche d’un autre remarquable réalisateur, Fabrice Gobert lui aussi formé sur de la série grand public (et quotidienne) avec Coeurs Océan et qui ensuite fera Les revenants.