Longtemps stigmatisée, la figure de la belle-mère continue d’être perçue avec méfiance, voire hostilité. Entre mythes anciens, contes et représentations modernes, d’où vient cette image tenace et injuste ?
Une méchante par tradition
Avant même que Disney n’offre à la belle-mère son trône de méchante attitrée, les récits antiques lui avaient déjà forgé une réputation. Médée, belle-mère de Thésée, tente de l’empoisonner. Une figure littéraire marqué par la rivalité et la menace.
Puis viennent les contes. Blanche-Neige, Cendrillon, Hansel et Gretel… autant de récits où la belle-mère est la source de tous les maux. Sorcière, jalouse, cruelle, elle devient l’antagoniste idéale. Et surtout, un exutoire narratif.
Car initialement, dans la tradition orale, c’est souvent la mère biologique qui joue ce rôle noir. Mais au XIXe siècle, les frères Grimm choisissent de remplacer « la mère cruelle » par une « belle-mère diabolique« . Pourquoi ? Pour ne pas heurter la sensibilité des jeunes lecteurs…et pour que les enfants puissent continuer de chérir et aimer tendrement leur propre mère sans ambivalence. Une décision qui façonnera durablement l‘imaginaire collectif.
L’héritage des contes dans la vie réelle
Aujourd’hui encore, ces représentations imprègnent la culture populaire. Une étude récente mené au Royaume-Uni révèle que 43% des mères célibataires évitent d’entamer une relation avec un parent par crainte d’être perçue comme des « méchantes belles-mères« . 37% redoutent même explicitement le rejet des enfants de leur partenaire, de peur qu’ils les identifient au personnage horrible des contes. La fiction nourrit l’angoisse. Selon une autre enquête ayant passé au crible plus de 450 heures de films et séries. Les belles-mères sont très souvent dépeintes comme strictes, autoritaires, négligentes ou manipulatrices.
Cette peur anticipée, même infondée, pèse lourd dans la balance des familles recomposées. De nombreuses belles-mères affirment adapter leur comportement, éviter d’être trop directives, de peur d’être perçues comme intrusives. Un véritable exercice d’équilibre relationnel.
Une femme « de trop » ?
Historiquement, la belle-mère s’impose souvent comme un personnage fonctionnel. À une époque où la mortalité maternelle était élevée, les pères se remariaient rapidement. La nouvelle épouse devenait alors la figure de substitution. Donc de rivalité.
La figure de la belle-mère est pleine d’injonctions contradictoires. On attend d’elle qu’elle s’investisse sans s’imposer, qu’elle soutienne sans diriger et qu’elle aime sans exiger. Un rôle impossible. Mais les mentalités évoluent. Les familles recomposées sont aujourd’hui la norme dans de nombreux pays. Et si les stéréotypes persistent, ils sont aussi de plus en plus déconstruits.
Alors pourquoi « déteste »-t-on autant nos belles-mères ? Peut-être parce qu’on leur demande trop. Peut-être aussi parce que la fiction les a trop souvent condamnées sans appel. Mais comme toute image, celle-ci mérite d’être réécrite. Même les sorcières font de très bonne mères.