Pour la première fois, un président français reconnait officiellement que la France a mené une guerre au Cameroun pendant et après la colonisation. Un geste historique, mais qui intervient dans un climat tendu entre Paris et ses anciens partenaires du continent Africains.
Une guerre longtemps tue
Dans une lettre rendue publique le 12 août, Emmanuel Macron a reconnu que la France avait mené une véritable guerre au Cameroun. Le terme n’avait jamais été utilisé officiellement. Cette « guerre » a apposé les autorités coloniales françaises à des mouvements indépendantistes, principalement dans le sud et l’ouest du pays.
Les affrontements ont commencé dans les années 1950, à l’approche de l’indépendance. La répression menée par l’armée française a été brutale. Arrestations, exécutions, villages incendiés : les violences ont été multiples et souvent extrêmes, selon le rapport d’historiens commandé par Macron lui-même en 2022.
Mais ces violences ne s’arrêtent pas avec l’indépendance du Cameroun en 1960. La France continue de soutenir militairement le régime du président Ahmadou Ahidjo, qui combat toujours les rebelles. Le conflit se poursuit jusqu’au début des années 1970.
Les chercheurs estiment que les victimes se comptent par dizaine de milliers. Le rapport historique parle d’un « vide mémoriel« , entretenu des deux côtés. L’objectif affiché par Emmanuel Macron est clair, faire la lumière sur ce passé occulté et construire une mémoire commune.
Une démarche saluée mais jugée incomplète
Cette reconnaissance s’inscrit dans une série d’initiatives similaires du président français. Emmanuel Macron avait déjà reconnu des responsabilités de la France dans le génocide des Tutsis au Rwanda. Mais comme souvent, il n’a pas présenté d’excuses officielles ni évoqué de réparations.
Dans le cas du Cameroun, la reconnaissance intervient après la remise d’un rapport de plus de 1000 pages, rédigé par une commission mixte d’historiens. Le doucement s’appuie sur des archives dé-classifiées, des témoignages et des enquêtes de terrain. Il retrace en détail l’engrenage de la violence coloniale et ses prolongements après l’indépendance.
Mais ce geste présidentiel ne suffit pas à convaincre. Il intervient dans un climat relativement tendu. En effet, l’image de la France se dégrade en Afrique. Dans plusieurs pays du Sahel, les sentiments « anti-français » grandissent. Certains accusent Paris de néocolonialisme. Emmanuel Macron lui-même a tenu des propos ambigus, notamment après le coup d’État au Niger en 2023. Des rappels à l’ordre adressés aux chefs d’État africains, comme lors du sommer de Pau, ont laissé quelques séquelles.
Mémoire et tensions géopolitiques
Le courrier adressé à Paul Biya, président du Cameroun, est un pas vers une reconnaissance plus complète du passé colonial. Mais il reste perçu comme insuffisant, voire stratégique. Dans une région où d’autres puissances comme la Chine ou la Russie gagent en influence, la France chercher à préserver ses relations. Emmanuel Macron tente de rééquilibrer les liens, en valorisant la jeunesse et les sociétés civiles.
Pourtant, la reconnaissance du passé ne compense pas les erreurs du présent. La coopération militaire, les accords économiques ou l’influence culturelle de la France sont de plus en plus critiqués. Des erreurs qui alimentent le rejet de l’ancien colonisateur.
Du côté camerounais, la mémoire de cette guerre reste vive. La répression des indépendantistes, notamment avec l’Union des populations du Cameroun, a durablement marqué les familles et les régions concernées. Des voix continuent de réclamer vérité, justice et réparations.
Le geste d’Emmanuel Macron est fort sur le plan symbolique. Mais il reste un geste isolé. La simple reconnaissance des faits ne suffit pas rétablir la confiance. Revenir sur cette guerre, c’est poser les bases d’un dialogue plus honnête, encore faut-il qu’il soit suivi d’effets concrets.