Situé au cœur du Pacifique Sud, le point Nemo est l’endroit le plus isolé du globe. Ni île, ni continent à l’horizon. Un désert océanique que l’Homme a transformé en décharge spatiale.
L’endroit le plus éloigné de tout
Le point Nemo, aussi appelé « pôle maritime d’inaccessibilité« , est l’endroit de l’océan le plus éloigné de toute terre émergée. Il se situe à environ 2 688 kilomètres des îles les plus proches, dont l’atoll inhabité de Ducie, l’île Motu Nui et l’île Maher.
Sa position exacte, calculée en 1992 par l’ingénieur croato-canadien Hrvoje Lukatela, est 48°52.6′ sud et 123°23.6′ ouest. À cette époque, les technologies satellitaires ont enfin permis de localiser précisément ce « centre du vide marin ».
Lukatela a choisi le nom « Nemo » en référence au capitaine Nemo, personnage de Vingt Mille Lieues sous les mers de Jules Verne. En latin, nemo signifie aussi « personne« , un clin d’œil à l’isolement extrême de cette zone. « Le capitaine Nemo […] étonne le monde en naviguant sur les sept mers sans remettre les pieds sur terre. J’ai donc pensé que le nom Nemo était approprié« , expliquait-il dans la revue Geomedia.
Ironiquement, les êtres humains les plus proches du point Nemo ne se trouvent pas sur Terre, mais dans l’espace. Les astronautes de la Station spatiale internationale (ISS), qui survolent la région à environ 415 kilomètres d’altitude, sont souvent les seuls à approcher la zone.
Entre mythes et mystères
Malgré son isolement, le point Nemo n’échappe pas à la fascination humaine. En 1997, des scientifiques ont enregistré à proximité un bruit mystérieux surnommé le Bloop. Ce son, plus fort que celui d’une baleine bleue, a alimenté les rumeurs les plus folles : créatures géantes, monstres marins, base secrète…
Les chercheurs ont finalement identifié une explication rationnelle : un glissement de glace en Antarctique, provoquant un son à très basse fréquence. Pourtant, le mythe persiste.
Aujourd’hui, rares sont ceux qui s’y aventurent. Parmi eux, l’explorateur britannique Chris Brown et son fils Mika, qui ont nagé dans la zone. Un exploit loin du tourisme classique. Pour Brown, cette expédition s’inscrit dans un projet plus large : atteindre les huit pôles d’inaccessibilité du globe, dont Nemo est le seul océanique.
Une zone d’abandon
Ce coin reculé de la planète n’est pas seulement un symbole d’inaccessibilité. Depuis les années 1970, il est devenu un « cimetière spatial« . Les agences spatiales du monde entier, dont la Russie, les États-Unis et le Japon, y dirigent volontairement les débris de satellites et d’engins désorbités.
Le plus célèbre d’entre eux reste la station spatiale Mir, détruite en 2001, avec ses 120 tonnes de structure englouties dans les profondeurs. En tout, entre 1971 et 2016, 263 objets ont été projetés dans la zone selon Popular Science.
Pourquoi là ? Parce que la vie marine y est jugée très peu développée. Le courant rotatif qui balaie la région empêche les nutriments de circuler, rendant l’écosystème pauvre. Et le vent, trop éloigné des côtes, n’apporte que peu de matière organique. Pourtant, même dans ces conditions extrêmes, certains débris deviennent des habitats improvisés pour la faune sous-marine.
Mais cette activité n’est pas sans conséquences. Des résidus de carburant et de matériaux toxiques pourraient altérer durablement l’environnement, déjà fragile. Et d’ici 2031, la Station spatiale internationale rejoindra à son tour le fond du Pacifique Sud, scellant le destin du point Nemo comme tombeau technologique.
Le point Nemo n’a ni rivage, ni relief. Il est invisible à l’œil nu. Pourtant, il nous en dit long sur la façon dont l’humanité utilise son environnement. Ce point du globe, qui est censé symboliser l’absence, concentre désormais nos déchets les plus sophistiqués.