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5 éléments pour comprendre l’affaire dite d' »Hautefaye »

Le 16 août 1870, un fait divers d’une violence inouïe se produit à Hautefaye, petit village de Dordogne. Ce jour-là, un notable de la région, Alain de Monéys, est lynché, torturé puis brûlé vif par une foule en furie. Plus de 150 ans après, ce crime reste l’un des plus inhumain de l’histoire judiciaire française.

Une France en guerre et un climat social délétère

L’affaire d’Hautefaye ne peut se comprendre sans le contexte politique et social de l’époque. En cet été 1870, la France vient de déclarer la guerre à la Prusse. Très vite, les premières défaites françaises sur le front de Lorraine provoquent panique et désinformation dans l’opinion publique. Dans les campagnes, la peur de la trahison et des espions prussiens se répand à grande vitesse.

À Hautefaye, petit bourg agricole, la situation est précaire. La sécheresse de l’été présageait une faible récolte. Les rumeurs sur la guerre, amplifiés par la colère sociale et l’alcool ont nourri une paranoïa collective. La République est accusé de tous les maux, tandis que les notables sont soupçonnés de soutenir secrètement la monarchie ou même l’ennemi. Le terreau ne pouvait qu’être fertile pour un acharnement violent.

Alain de Monéys, victime désignée d’un déchaînement collectif

Le 16 août, c’est le jour de la foire aux bestiaux à Hautefaye. Alain de Monéys, 32 ans, propriétaire terrien et conseiller municipal dans la commune voisine de Beaussac, y vient faire quelques achats. Toutefois, peu avant son arrivée, une altercation oppose son cousin Camille Maillard à d’autres villageois au sujet de la défaite française à Reischoffen. La dispute dégénère et Maillard s’enfuit.

Alain de Monéys tente de défendre son cousin et nie les accusations de collaboration avec l’ennemi. Il est aussitôt pris à partie. Dans un climat de rage et d’exaltation patriotique, il est accusé d’avoir crié « Vive la République! À bas l’Empereur !« , voire même « Vive la Prusse« . On l’accuse également à tort de financer les ennemis de la France.

Dès lors, tout bascule. La foule, alcoolisée et de plus en plus nombreuse, le pourchasse, le frappe à mort et tente de le prendre. L’acharnement dure près de deux heures. Finalement, il est traîné jusqu’à une mare asséchée et brûlé vif sur un bûcher improvisé par les auteurs du massacre. Le supplice d’Alain de Monéys restera comme l’un des lynchages les plus barbares de cette époque contemporaine.

Un procès exemplaire et une exécution publique

L’affaire fait rapidement la une de la presse locale puis nationale. Dès le 20 août 1870, Le Journal des débats politiques et littéraires, ainsi que d’autres grands titres relaient les évènements. L’émotion est immense, à la hauteur de l’horreur du crime.

L’enquête de gendarmerie permet d’inculper 21 personnes. Le procès se tient du 13 au 21 décembre 1870 devant la cour d’assises de Périgeux. Quatre hommes sont condamnés à mort, François Chambord, Pierre Buisson, Léonard dit Piarrouty et François Mazières. Tous sont des habitants du village, réputés pour être jusqu’alors, des gens ordinaires.

Fait exceptionnel, l’arrêt de la cour ordonne que l’exécution ait lieu « sur les lieux mêmes du crime« , à Hautefaye. Le 6 février 1871, la guillotine est finalement transportée près de la halle aux bestiaux, car pour des raisons pratique elle n’a pas pu être installée dans la mare desséchée. L’exécution publique, suivie par une centaine de personne, marque durablement les esprits. Elle illustre la volonté de l’État de faire un exemple pour juguler la violence populaire et restaurer l’ordre.

Une village sous le poids du souvenir

Pendant des décennies, le nom d’Hautefaye est associé à ce massacre. La commune porte la marque d’un traumatisme. À partir de 1970, année du centenaire, l’affaire connait un regain d’intérêt. Des journalistes, romanciers, magistrats ou simples curieux affluent, à la recherche de la mare ou des lieux du drame. La messe organisée, cette même année, rassemblant les descendants de la victime et d’un des auteurs du crime, se veut commémorative et réconciliante.

Le souvenir reste douloureux. L’ancien maire du village, Francis Donnary, souhaitait pas ailleurs ériger une stèle en l’honneur d’Alain de Monéys mais abandonne le projet en 2009. Il précise qu’il y a « encore une honte dans ce village« .

Cannibalisme, fiction et légendes

Le récit du lynchage d’Alain de Monéys s’est aussi nourri de rumeurs et d’exagérations. La plus tenace était notamment l’épisode supposé de cannibalisme. Certains rapports de l’époque évoque des hommes et des femmes voulant récupérer la graisse du cadavre. Mais l’absence de témoins officiels rend ces accusations douteuses. « Cela a été consigné sur la base de témoignages alors que d’autres affirment de manière catégorique qu’une telle scène ne s’est jamais produite« , rappelle Donnary.

La littérature a largement contribué à la transmission de cette part d’ombre. Si les ouvrages de Georges Marbeck sont jugés respectueux des faits, le roman « Mangez-le si vous voulez » de Jean Treulé, paru en 2009, choque de nombreux habitants. Il s’inspire d’une phrase attribuée à l’un des principaux auteurs du lynchage.

Hautefaye reste la preuve d’un basculement d’une communauté ordinaire dans la violence la plus extrême. Ce drame interroge sur les effets de la peur collective et la déshumanisation de l’autre. Un siècle et demi plus tard, l’affaire conserve toute sa résonance.

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