Dans Boots, un adolescent gay rejoint les Marines pour prendre un nouveau départ. Quitte à se perdre pour se fondre dans la masse.
C’est quoi, Boots ? Adolescent homosexuel mal dans sa peau, Cameron Cope (Miles Heizer) s’engage dans les Marines aux côtés de son ami Ray(Liam Oh). Pas par patriotisme ou par vocation, mais pour tenter d’échapper au harcèlement scolaire et à l’instabilité d’une mère inattentive et excentrique (Vera Farmiga). Dans le camp d’entraînement de l’armée, il espère prendre un nouveau départ et se sentir enfin « normal » mais il découvre un système qui broie ceux qui sont différents. Poussé dans ses retranchements, physiquement et psychologiquement, Cameron est déterminé à s’intégrer.
Une dramédie chorale chez les militaires
Créée par Andy Parker et inspirée des mémoires de Greg Cope White (The Pink Marine) qui a contribué à l’écriture de la série, Boots suit le parcours de Cameron, un adolescent homosexuel qui s’engage dans les Marines dans les années 1990, persuadé que l’institution militaire lui permettra de devenir quelqu’un d’autre, loin d’une mère chaotique et du harcèlement scolaire dont il est victime.
Boots adopte un ton hybride, n’hésitant pas à juxtaposer humour potache et pas toujours de bon goût avec une ironie plus fine, des moments de fraternité touchants, une bande-son décalée résolument queer (Queen ou George Michael) et des scènes de pure gravité comme la mort d’un Marine. Étonnamment, le mélange fonctionne plutôt bien.
Dès le début, l’accent est toutefois mis sur la dureté d’un univers militaire strict et répressif. De l’arrivée au camp de Parris Island (le même que dans Full Metal Jacket) à l’épreuve finale en passant par les parcours d’obstacles, les exercices de tir, les corvées et la promiscuité des dortoirs, c’est un environnement brutal où les recrues sont en proie aux insultes et humiliations incessantes des instructeurs qui leur hurlent dessus.
Autour de Cameron évoluent des personnages aux profils divers (familles éclatées, racisme latent, pression de performance, conflits intérieurs), Boots explorant ainsi plusieurs problématiques. Un choix à double tranchant : s’il permet à la série de ne pas se cantonner à la thématique LGBT et de mettre en scène tout un microcosme d’une Amérique marginalisée, il implique aussi une dilution de certains sujets, traités de façon un peu trop superficielle ou synthétique.

Un héros atypique
Dans le camp, on n’apprend pas à se battre mais à obéir, les instructeurs ne façonnent pas des individus mais une masse. Chaque étape de la formation contribue à dissoudre les différences de chacun (trop gros, trop faible, trop sensible…) dans le chœur du peloton. C’est le cas de presque toutes les recrues, et notamment de Cameron.
Cameron (formidable Miles Heizer) n’est pas le héros classique d’un récit de «coming-out triomphant» ; au contraire, son histoire est celle d’un renoncement. Il ne se bat pas pour ses droits, il ne se rebelle pas ; il obéit et baisse les yeux, terrifié à l’idée que son orientation sexuelle soit découverte à l’époque où l’homosexualité était interdite dans l’armée. Cameron veut être «normal» et se fondre dans la masse, quitte à occulter ce qu’il est et effacer une partie de son identité. Survivre en cessant d’exister, c’est le choix radical qu’il est amené à faire.
A lire aussi : Est-ce que la série « Boots » (Netflix) est inspirée d’une histoire vraie ? | VL Média
A mesure que le corps de Cameron se renforce, son âme s’amenuise. Lui qui, au début, s’entretenait avec un double fantasmé, sorte de voix intérieure gay ironique et passionnée, s’en détache progressivement. Le « vrai » Cameron s’exprime de moins en moins jusqu’à quasiment disparaître. Et la quête initiale d’appartenance se transforme en une annihilation d’une partie de soi.
En contrepoint, le Sergent Sullivan (un surprenant Max Parker) apparaît comme un miroir. Antagoniste impitoyable à l’autorité effrayante, il gagne progressivement en nuances. Sullivan n’est pas un méchant, c’est un homme brisé qui a refoulé sa sexualité et a transformé sa douleur en discipline, sa honte en rigueur et sa solitude en autorité. Son obsession pour Cameron n’est pas sadique : c’est la reconnaissance de ce que lui-même était et de ce que Cameron pourrait devenir.

Une série controversée
Passée quasiment inaperçue lors de sa sortie, Boots a gagné en visibilité en raison des réactions qu’elle a suscitées. Le Pentagone – sous l’administration du Président Trump et du Secrétaire à la Défense Pete Hegseth – a dénoncé la série comme un « déchet woke» et une tentative de Netflix d’imposer « un agenda idéologique », soulignant que l’armée doit rester «sexuellement neutre» et que toute «accommodation» liée à l’identité (ici, l’homosexualité) en [affaiblirait] l’efficacité ». Miles Heizer, lui, défend Boots comme une « fiction nécessaire dans une Amérique qui régresse. »
Cette polémique est intéressante car elle place Boots au carrefour de la culture populaire, de la lutte pour les droits des LGBT et de la politique : la série devient le symbole d’une confrontation entre deux visions – celle d’une institution traditionnelle et conservatrice, et celle d’une représentation plus large de la société qui inclut diversité et tolérance.
Boots ne revendique pas explicitement une critique de l’armée et des récentes mesures prises par la Maison-Blanche ; pourtant, le simple fait de montrer un personnage gay dans une telle institution passe pour un acte de provocation aux yeux de certains. Les réactions virulentes montrent aussi que la fiction peut se muer en champ de bataille idéologique, et une série en apparence aussi anodine que Boots devenir un objet de débat politique et social.
Entre drame et comédie, Boots s’éloigne du schéma convenu pour raconter avec honnêteté une histoire banale qui mérite d’être entendue : celle des LGBT (notamment) en milieu hostile, pour qui la survie ne passe pas par le coming out mais par le silence et le secret. Boots a le courage et le mérite de donner une voix à ceux qui ont choisi de se taire pour tenter de trouver leur place dans la société. Ici en uniforme, le crâne rasé, et le cœur enfoui sous le gilet pare-balles de la dissimulation. Une franchise dérangeante qui donne toute la force au propos d’une comédie qui devient une série nécessaire.