Après près de 80 ans de silence le débat des « maisons closes » refait surface. Le RN propose de rouvrir des lieux de prostitution réglementés. L’occasion de revenir sur le fonctionnement de ces établissements à l’époque. On vous explique.
Avant 1946, certaines formes de prostitution n’étaient pas clandestines en France. Les « maisons closes » constituaient des lieux encadrés, discrets mais officiels, où la sexualité tarifée se pratiquait sous contrôle de l’État.
Comment ça fonctionnait ?
Les « maisons closes », ou « maisons de tolérance », formaient en France un cadre légalisé de la prostitution de l’époque. C’est un système qui s’est structuré progressivement, surtout à partir du XIXᵉ siècle. Ces établissements, souvent discrets de l’extérieur, étaient officiellement autorisés et soumis à un contrôle étatique. La police ainsi que les services sanitaires procédaient à des visites régulières. L’objectif étant de surveiller la santé, l’hygiène, mais également de tenter de contenir la prostitution de rue.
Certaines de ces maisons closes étaient même « prestigieuses« . À Paris, par exemple, des établissements comme La Fleur blanche, Le Sphinx ou Le Chabanais accueillaient une clientèle aisée d’aristocrates et d’élites dans des salons aux décors nobles. Mais ailleurs, la réalité restait généralement dure. De nombreuses prostituées vivaient dans des conditions précaires (enfermement, dettes, quasi-absence de liberté). L’existence de ces maisons était donc très inégale selon les lieux, les tenanciers, et les catégories d’établissement.
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Le One-Two-Two, l’un des plus célèbres, disposait d’environ vingt-deux chambres thématiques. Dans les années 1930-1940, entre 40 et 65 prostituées y travaillaient, accueillant jusqu’à 300 clients par jour. Le tarif moyen pour une séance était de seulement 20 francs. Il y avait quatre « sessions » par femme et par jour. L’établissement proposait aussi un bar, une salle à manger, un cabinet médical et des espaces de repos pour les femmes. L’entrée n’était pas libre : les clients étaient filtrés à l’entrée.
Puis, à l’issue de la guerre, un tournant décisif est intervenu. Le 13 avril 1946, la Loi Marthe Richard est adoptée. Elle mit officiellement fin au régime des maisons de tolérance en France, entraînant la fermeture d’environ 1 400 établissements sur l’ensemble du territoire, dont près de 200 à Paris. La tradition légale vieille de plus d’un siècle a donc été brutalement interrompue. Cette loi visait non seulement à interdire l’organisation institutionnelle de la prostitution, mais aussi à lutter contre le proxénétisme et à refuser un modèle perçu comme immoral ou indigne.
Ça pourrait vraiment revenir ?
Ce n’est pas la première fois que le débat des maisons closes revient dans le paysage politique. Pourtant, depuis décembre 2025, l’idée ressurgit. Le Rassemblement National (RN), par la voix du député Jean‑Philippe Tanguy, propose de déposer une loi visant à rouvrir des maisons closes. Cependant il ne s’agirait pas d’un retour à l’ancien modèle. Ces nouveaux établissements seraient « tenus par les prostituées elles-mêmes ». Cela prendrait alors la forme de « coopératives », sans proxénètes.
🔴 🗣️ Le RN travaille sur une proposition de loi pour rouvrir des maisons closes.
— franceinfo (@franceinfo) December 8, 2025
"Vous avez des femmes […] qui sont livrées à elles-mêmes, livrées à l'insécurité, à l'insalubrité" justifie le porte-parole du RN @mvalet_officiel.@loicdelamornais #SurLeTerrain #Canal16 pic.twitter.com/2QaceVZdU5
L’idée pour le parti, c’est d’offrir un cadre sécurisé, lisible, contrôlé. Un lieu légal en rupture avec la clandestinité, les terrains des violences et la précarité. Le but, selon le RN, serait de « casser les trafics », de protéger les travailleuses du sexe. À travers cette proposition, le parti entend sortir certaines personnes de l’ombre, avec un minimum de droits sociaux et d’encadrement.
La proposition n’a rien de définitif. En effet, le retour de maisons closes légales pose d’immenses obstacles légaux, politiques, et éthiques. Il faudrait renverser près de 80 ans de législation interdisant cette forme de prostitution institutionnalisée. Beaucoup d’associations d’aide aux personnes prostituées, ou défenseurs des droits des femmes s’y opposent. Ils dénoncent le risque de normaliser la prostitution. Pour eux, réouvrir les maisons closes pourrait reproduire des dynamiques d’exploitation.