Je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaitre. Un temps, où journalisme politique ne rimait pas forcément avec partialité. Un temps, où régnait dans l’espace public, au moins un semblant de démocratie délibérative. Un temps, où les programmes télévisuels français ne tournaient pas seulement autour de talk-show bling-bling, ou d’émissions abrutissantes. Ce temps, c’était celui de Michel Polac.
Michel Polac, était, comme tous les journalistes qui ont réussi, un homme d’une grande exigence. Il inculquait à ses collaborateurs une science indubitable de la vérité et de l’investigation. Mais l’animateur de Droit de Réponse était surtout sacrément insolent. La tête brulée du PAF qu’ils disaient. Droit de Réponse, une émission qui lui collait à la peau… et surtout bien révélatrice de sa personnalité.
Je vais vous aider à visualiser le déroulement d’une émission classique animée par Polac. Situez un combat de gladiateurs. Remplacez l’arène sableuse par un plateau de télévision, et les glaives par les égos. Vous y êtes. L’émission créee et animée par Michel Polac était connue et reconnue pour les confrontations houleuses qu’elle offrait aux téléspectateurs. Mais en réalité, le semblant d’anarchie qui semblait parfois régner sur le plateau était contrôlé, par le grand gourou passionné. Michel Polac, au sein de ses émissions, acceptait de voir l’ambiance se dégrader et les altercations devenir plus musclées, SOUS RESERVE cependant qu’elles apportent au débat. Dans le cas contraire, Michel Polac y coupera court. Mais il ne faut pas se leurrer : ce sont ces mêmes altercations qui régissaient et dirigeaient le programme. Il disait d’ailleurs souvent « Tout le monde a le droit de parler, même ceux qui n’ont rien à dire ».
Une émission de grandes gueules donc, crée par une grande gueule. Michel Polac fera d’ailleurs honneur à ce principe jusqu’à la fin, puisque sept années après la création du programme, TF1 est privatisé par le gouvernement Chirac. Michel Polac s’insurge contre la mesure, et crie haut et fort dans la presse : « Une maison de maçon, une télé de M… ».
La sanction est sans appel, et le licenciement immédiat. TF1, assura de son coté que le principe de l’émission n’a jamais été remis en cause. Compte-tenu du contexte de l’époque, le communiqué de la chaîne publique fait rire.
De son côté, Michel Polac, lui, rit moins. Il doit dire adieu à ce qui fut l’œuvre de sa vie, et reconstruire. Reconstruire un projet, une émission innovante : en 1989, la chaîne M6 lui en donne la possibilité avec Libre échange. Le programme d’information, produit par MK2, fait néanmoins un flop, et le journaliste ne parviendra pas à recréer l’engouement de l’opinion publique que suscitait Droit de réponse.
La semaine dernière, François Hollande a rendu hommage à un « homme libre ». Un homme libre, qui a lui-même, tout au long de sa vie, rendu hommage à la presse et à l’un de ses principes fondateurs : l’indépendance, et la liberté.