1er Mai 2011, la présidente du front national fait son traditionnel discours du premier Mai. Devant la statue flamboyante de Jeanne la Pucelle, se tient une femme politique qui elle aussi veut incarner la résistance, la grandeur, le sursaut national. Dans un discours aux accents très républicains (des citations de de Gaule à Schoelcher ), Mme Le Pen insiste sur la garantie des libertés individuelles fondamentales et sur le désarroi de nombreux français face à une mondialisation sauvage, et une immigration selon certains massive ou non régulée. Dès lors l’appropriation de Jeanne d’Arc, symbole, peut-elle être exclusive au parti frontiste. Ce qui nous pousse à poser la question plus loin, pouvons nous utiliser l’Histoire pour légitimer, affirmer, symboliser une idéologie, une politique ?
Pour répondre à cette question, et avec la subjectivité la plus objective il est nécessaire de s’intéresser au personnage de la pucelle d’Orléans.
Il est évident que réécrire l’histoire n’a aucun sens cependant que pouvons-nous dire de Jeanne ? Pour faire simple, Jeanne est une jeune bergère (elle serait lycéenne aujourd’hui) qui entend très jeune des voix divines lui demandant de libérer la France. Elle tente donc de s’enrôler dans les troupes du Dauphin Charles, et après plusieurs échecs grâce à une certaine popularité finit par rencontrer à Chinon le prétendant légitime à la couronne de France. Celui-ci serait alors convaincu de la foi, de la légitimité de la pucelle, lui aurait donné le commandement de ces armés. Celles-ci ont, selon la légende grâce au courage et à la clairvoyance de la pucelle, remporté les batailles d’Orléans, de Patay libérant la ville d’Orléans, et sauvant la vallée de la Loire. Par la suite elle pousse le prince à se faire couronner à Reims, et renverse ainsi la dynamique de la guerre. Elle est ensuite capturée par les bourguignons qui la vendront aux Anglais, ceux-ci la condamnant au bûcher.
Alors à partir de cette histoire quelles sont les différentes lectures possibles ?
Jeanne d’Arc symbole de l’unité Française, du rassemblement, de la tolérance, de l’espoir, de l’espoir confié à la Jeunesse.
Jeanne d’Arc symbole de résistance face à l’envahisseur, le chef guerrier, l’exaltation du sentiment national.
Jeanne d’Arc symbole de féminisme, femme capable de fédérer des hommes sous son commandement et a remporté des victoires déterminantes.
Jeanne d’Arc la sainte, femme pieuse qui par sa profonde foi suit les indications divines et sauve la France.
Mais alors Jeanne d’Arc peut-elle incarnée seulement le rempart contre l’immigrant, l’étranger, la mondialisation, l’assistanat, le profit à outrance, l’héritage chrétien de la France ?
Non, un symbole est par définition universel, et il est possible de leur faire dire même les plus ignobles insanités.
Oublier Jeanne d’Arc, avoir peur d’utiliser sa statue, son symbole et l’abandonner à certains partis, c’est fuir ses responsabilités. C’est oublier que l’identité Française se construit toujours et encore sur un patrimoine commun et partagé que chacun tente à sa manière de se réapproprier.
C’est surtout oublier que la seule garante de ce patrimoine, c’est la République de tous les français. La République est l’héritière légitime de toute l’histoire de France, dans ses plus glorieux moments comme les plus sombres.
Il appartient donc à tout républicain de défendre ses symboles de toute salissure.
Et j’appelle Jeanne, si par hasard elle m’entend, je lui demande :
« Jeanne, Jeanne, ne laisse pas ta statue symbole de tout et n’importe quoi tomber dans les bras de populistes.
Jeanne, Jeanne, lève toi. Entends aujourd’hui les voix républicaines qui t’invoquent pour protéger ton intégrité.
Jeanne, Jeanne prend ton épée, ton bouclier et pourfends l’ignorance de l’absurdité . »
Hier Jeanne, la bergère, écoutait la voix des anges, aujourd’hui ce serait celle des étudiants. Des voix qui portent le message de l’école de la République, celles qui prônent la tolérance, l’excellence, la justice et l’espoir en l’avenir.
La Jeanne d’Arc d’autrefois est l’école d’Aujourd’hui.
C’est celle qui doit être capable de nous fédérer tous devant un objectif commun.
C’est celle qui doit être la résistance, la justice, la transmission de valeurs communes.
C’est celle qui doit être le symbole de la réussite de tous, peu importe les inégalités.
C’est aussi celle qui doit assurer la sécurité de tous ses étudiants
Alors non, Marine :
Ce symbole est trop puissant pour que vous en ayez le monopole
Alors oui, Marine :
Vive Jeanne, Vive la France, Vive l’école de la République !
Jean Galve
Directeur de rédaction : Baptiste Berard