Trois ministres, Manuel Valls, Pierre Moscovici et Christiane Taubira, ont été auditionnés hier dans le cadre de l’enquête sur l’affaire Cahuzac. Tous sont sur la même longueur d’onde et rejettent toute responsabilité.
Les ministres de l’économie Pierre Moscovici, de l’intérieur Manuel Valls et de la justice Christiane Taubira ont été entendus hier par les députés membres de la commission d’enquête Cahuzac au sujet de leur gestion de l’affaire dans laquelle l’ancien ministre du Budget a été mis en examen pour blanchiment de fraude fiscale.
Moscovici confirme la tenue d’une réunion le 16 janvier avec Ayrault et Hollande
Dernier auditionné, Pierre Moscovici était sans doute le plus attendu. En tant que ministre de tutelle de Jérôme Cahuzac au moment des faits, il est particulièrement visé, voire soupçonné d’avoir voulu « protéger » son ministre délégué. Les mots « complicité, duplicité, incompétence et manipulation.» ont même été prononcés à son encontre. « Nous avons fait tout ce qui était en notre devoir et en notre pouvoir dans cette affaire », s’est-il défendu. Interrogé au sujet d’une réunion qui s’est tenue le 16 janvier dernier, dans laquelle lui et Jérôme Cahuzac ont été convoqués par François Hollande et Jean-Marc Ayrault au sujet du fait que la Suisse tardait à confirmer l’absence de tout compte détenu illégalement par leur ministre du budget, il a expliqué : « Il y a eu quelques mots à l’issue du conseil des ministres. Le président de la République, avec le Premier ministre, en ma présence et en celle de Jérôme Cahuzac, a informé Jérôme Cahuzac du principe de cette procédure (ndlr : demande d’informations à la Suisse) et du fait que nous allions l’utiliser. » Il a également assuré que Jérôme Cahuzac n’a pas été associé à cette procédure, mais seulement « informé du principe de la demande» mais pas «de la procédure ni de la rédaction de la demande». Des déclarations dont la commission semblait douter fort, notamment son président, le député UDI Charles de Courson, qui a accusé Pierre Moscovici de « manier le paradoxe ».
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Valls : « pas d’éléments »montrant que Cahuzac avait un compte en Suisse
Manuel Valls et Christiane Taubira n’étaient eux pas présents lors de cette réunion du 16 janvier. Il leur a donc été plus facile de se défendre sur ce point. L’hôte de la place Beauvau a par ailleurs affirmé n’avoir «jamais disposé d’éléments démontrant que monsieur Cahuzac ait ou ait eu un compte en Suisse ou à l’étranger » ni « d’éléments démontrant pendant cette période que la voix de l’enregistrement était effectivement celle de Jérôme Cahuzac.» Le principal point de doute concernant la responsabilité de l’ancien maire d’Evry concerne une note blanche qui lui avait été transmise en décembre dernier par la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), autrement dit les services du renseignement, placés sous la responsabilité du ministre de l’intérieur. Manuel Valls dit l’avoir remise à la commission d’enquête. Cette note contenait une dénonciation de fraude fiscale, sans en revanche mentionner Jérôme Cahuzac, mais seulement la banque suisse UBS. Un aspect sur lequel s’est appuyé le ministre de l’intérieur pour justifier le fait qu’il n’ait pas demandé à la DCRI d’enquêter sur l’ex ministre du budget. Il a ajouté n’avoir jamais parlé du sujet ni à Pierre Moscovici ni à Chrisitiane Taubira.
« La justice a bien fonctionné », selon Taubira
L’échange avec la garde des Sceaux a lui été plus tendu. Première à passer devant la commission, elle a commencé à s’exprimer de manière plus virulente lorsque le député UMP Georges Fenech l’a interrogée sur les rapports qu’elle a eus avec ses deux collègues auditionnés au sujet de l’affaire. Agacée, elle a répondu : « Que ça vous étonne ou que ça vous déplaise (…) Je n’ai jamais parlé de cette affaire ni avec M. Valls ni avec M. Moscovici ni avec M. Cahuzac (ce qui a d’ailleurs été confirmé ensuite par Manuel Valls, ndlr) ni avec personne d’autre.». Elle a ajouté : «Ma responsabilité, c’est que la justice fonctionne. Et il se trouve qu’elle a bien fonctionné.» Les vifs échanges se sont poursuivis lorsqu’un autre parlementaire de l’opposition, Daniel Fasquelle, lui a rétorqué qu’elle n’avait « pas à répondre sur un ton agressif» et qu’ « il y a dysfonctionnement dans le fait que le pouvoir en place a été informé et qu’il n’a pas mis en œuvre la justice. » Ce à quoi la ministre de la justice a répondu en dénonçant une charge contre le gouvernement et le président de la République : «Je vois bien où vous voulez en venir, c’est-à-dire charger le président de la République de choses qui ne relèvent pas de lui, charger le gouvernement (…) d’enquêtes judiciaires qui ne relèvent pas de lui.»
Accrochage entre les députés et Christiane Taubira (à 3:15)
Peu de révélations nouvelles
En définitive, les trois ministres n’ont guère apporté tellement plus d’informations au sujet de l’affaire Cahuzac, adoptant la même position que celle prise depuis plusieurs mois. Une sorte de « rien vu, rien entendu, pas au courant ». La lumière est donc loin d’être faite sur le rôle du gouvernement dans le dossier. Gageons que d’autres auditions viendront et permettront d’en savoir plus. En effet, non seulement Jérôme Cahuzac a de nouveau été convoqué par la commission afin d’éclaircir le mystère de la réunion du 16 janvier, mais le premier ministre Jean-Marc Ayrault pourrait lui aussi être bientôt entendu.