Lundi prochain, un amendement sénatorial pourrait libéraliser les contraintes relatives aux publicités d’alcool. Cette prise de décision reviendrai à modifier la loi Evin, crée par l’ancien ministre de la santé Claude Evin, ce qui n’est pas du goût de l’actuelle ministre Marisol Touraine qui invite à « ne pas changer la loi ».
Une source d’instabilité politique
C’est l’Assemblée nationale qui devra décider en commission si oui ou non cette loi doit subir des modifications et donc si les contraintes sur les publicités sur la vente d’alcool doivent être allégées. Pour la ministre de la santé, cette modification serait contraire à l’éthique d’une politique de santé publique qui se bat activement contre le taux d’alcoolisme en France. En effet, cette modification sonne comme un retour en arrière et semble à contre-courant de la politique menée par Marisol Touraine depuis le début de son mandat en 2012.
Le parlement cède au lobby des alcoolier. Prochaine étape : autoriser l’alcool au volant ? #MortsSurLaConscience http://t.co/J8f5HkW1Fj
— Brice Perrin (@briceperrin) 11 Juin 2015
De son côté, Claude Evin, se dit « très inquiet » de l’hypothétique modification de la loi qu’il avait mis en place en 1991, visant à réduire tabagisme et alcoolisme. En effet, le parti socialiste a de quoi s’inquiéter puisque les députés, sous l’impulsion de la proposition du sénateur Gérard César (Les Républicains, ex UMP) début mai, ont voté cet amendement, dans la nuit du mercredi au jeudi dernier, afin de différencier l' »information » de la « publicité » relative à la vente d’alcool, malgré l’avis défavorable du gouvernement. Gérard César, membre des Républicains (nouveau nom de l’UMP), est également viticulteur dans la Gironde ; cela pourrait peut-être expliquer sa volonté de faciliter la communication sur la vente d’alcool en France…
Ça passe ou ça casse!
Malgré plusieurs associations qui ont montré leur désaccord profond avec cet amendement, plusieurs parlementaires, de droite comme de gauche, n’ont pas hésité à soutenir la décision de Gérard César. Ce débat autour de la loi sur la santé publique ne dessine pas, comme on peut le voir régulièrement à l’Assemblée, un clivage gauche-droite, étant donné que les intérêts apportés par la publicité sur la vente d’alcool ne sont pas assignés à des élus d’un clan en particulier. En effet, le milieu viticulteur n’est pas un secteur où l’on voit une majorité d’hommes de droite ou d’hommes de gauche. Pour cette raison, l’affrontement qui aura lieu lundi prochain à l’Assemblée entre le gouvernement et les députés favorables à l’amendement risque de créer des contestations pouvant venir de tout bord politique.
On aura jamais autant #libéralisé que sous un #gouvernement de #gauchemorale ! Dernier exemple : #Evin #Alcool http://t.co/vPGMcpW6f1
— Claude (@ClaudeCorpechot) 11 Juin 2015
Ce genre de situation où le gouvernement se retrouve presque seul contre tous s’était déjà vu en février 2015, moment où le gouvernement voulait faire passer à tout prix la Loi Macron. Constatant l’opposition frontale d’une majorité de députés, le parti socialiste avait appliqué le 49-3 (article de la Constitution faisant passer une loi par la force et sans vote préalable). Aujourd’hui, la question est de savoir si le gouvernement, et plus particulièrement Marisol Touraine, serait tenté d’avoir recours à cet article que l’on juge parfois liberticide du fait qu’il ne laisse aux députés aucun moyen de donner leur opinion.
En attendant la seconde lecture de l’amendement, certains parlementaires tentent par tout les moyens de légitimer cette prise de position face aux contestations du lobby » hygiéniste » : « dans notre pays, dont la tradition viticole ancestrale s’est fortement imprimée dans la culture, et désormais dans notre économie et dans les rares succès de notre commerce extérieur, il devienne risqué pour un journaliste, un cinéaste d’évoquer nos produits vinicoles» (Gilles Savary, député PS).
Ce changement sociétal pourrait donc avoir des conséquences sur la vie des Français, notamment celle des jeunes, puisque la mention rappelant les dangers de l’abus d’alcool qui apparaît discrètement sur les annonces pourrait être amenée à disparaître. Mais Marisol Touraine ne désespère pas et souhaite que la seconde lecture de la loi qui aura lieu lundi prochain à l’Assemblée nationale permettre de rétablir la loi Evin dans sa totalité.