Vendredi 13 décembre 2019, l’Algérie a élu un nouveau président après 20 années sous le pouvoir d’Abdelaziz Bouteflika. Mais ce résultat est loin de satisfaire le peuple algérien qui crie sa colère dans les rues depuis des mois.
Les prémices d’une révolution
L’ Algérie connait depuis février 2019 une succession de manifestations ayant généralement lieu le mardi et le vendredi. L’ hirak (mouvement en arabe), qui est désormais le terme utilisé pour définir ces contestations, s’opposait dans un premier temps à une nouvelle candidature d’Abdelaziz Bouteflika aux élections présidentielles.
À la tête de l’État algérien depuis le 15 avril 1999, il était devenu au fil des années le symbole d’une classe politique oligarchique et corrompue. Entouré de compagnons de longue date également au pouvoir, il souhaitait se représenter une cinquième fois en avril 2019 au mandat de président. Bouteflika était pourtant en mauvaise santé et il n’était pas apparu publiquement depuis des années.
C’est cette raison qui mit le feu aux poudres et qui poussa le peuple algérien à descendre dans la rue. Chacun se retrouvait dans cette lutte s’opposant à un groupe de personnes détenant le pouvoir d’une main de fer depuis des années. Un vent d’espoir soufflait sur l’Algérie et le mouvement conduisit à la démission de Bouteflika le 2 avril 2019.
Celui qui était devenu le « pantin » de son entourage politique disparaissait et laissait place alors à un renouveau démocratique.
Des élections contestées
Suite au départ de l’ancien président, c’est Abdelkader Bensalah, président du Conseil de la Nation (chambre haute du Parlement algérien), qui assura la conduite du pouvoir jusqu’aux prochaines élections présidentielles. Étant lui aussi un personnage politique contesté, sa nomination n’apaisa pas la colère de la population.
Étudiants, salariés, tous sont désireux d’un changement important du système politique algérien dirigé depuis des décennies par le clan de Bouteflika. Ces élections, qui auraient pu être la genèse d’une nouvelle Algérie, ont été vivement rejetées par l’ensemble de l’hirak.
En effet, les cinq candidats ayant annoncé leurs candidatures sont tous des proches de l’ancien chef d’État. Alors que la population souhaitait de nouveaux candidats éloignés du monde politique algérien actuel, sa colère se dédoubla devant ce faux-semblant de renouvellement démocratique.
Ministre sous un des gouvernements de Bouteflika ou proche parmi les proches, ces candidats ont tous une relation avec l’ancien président. En se présentant, ils promettent indiciblement de continuer la politique de leur prédécesseur et de maintenir la caste politique actuelle.
De gauche à droite : Abdelaziz Belaïd ( Ancien cadre du FNL et député) / Azzedine Mihoubi (Député, ministre de la Culture de 2015 à 2019) / Ali Benflis (Ministre de la Justice, chef du gouvernement de 2000 à 2003) / Abdelkader Bengrina (Membre de la mouvance islamiste) ( Crédits photo : Le Soir d’Algérie) / Abdelmadjid Tebboune (Haut fonctionnaire, membre du FNL, Premier ministre en 2017).
Face à cette désillusion, les Algériens ont continué à manifester et à crier leur rejet de ce monde politique qu’ils jugent dépassé et corrompu. La plupart d’entre eux refusaient ces élections et appelaient à ne pas aller voter.
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Abdelmadjid Tebboune élu président et abstention record
Vendredi 13 décembre, Abdelmadjid Tebboune a été élu président avec un taux de participation d’environ 40% selon Mohamed Charfi, président de l’Autorité nationale indépendante des élections (ANIE). Autrement dit, près de six Algériens sur dix ne se sont pas présentés dans un bureau de vote. Cette abstention record est bien le reflet de la contestation du peuple algérien.
Au lieu de donner leur voix « inutilement » en votant, les Algériens ont préféré une nouvelle fois s’exprimer dans la rue. Ils rejettent leur nouveau président et le mouvement, qui dure depuis des mois, ne semble pas faiblir.
Abdelmadjid Tebboune a quant à lui annoncé qu’il lancerait des consultations en vue de la rédaction d’une nouvelle Constitution qui sera soumise au peuple par référendum. Désormais une seule question subsiste : l’hirak va-t-il réussir à s’imposer et à se faire entendre par le nouveau président algérien ou est-ce le début de la fin pour cette contestation populaire ?
Credits photo : Ramzi Boudina / REUTERS