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American Crime Story, l’immunité des symboles

Sensation de la saison écoulée, American Crime Story sera diffusée en 2017 dans le monde entier via Netflix. On revient donc sur l’un des événements sériels de la saison.

Tout commence par deux homicides sauvages à Los Angeles le 12 juin 1994, celui de Nicole Simpson et son compagnon, Ronald Goldman. L’action en justice se transforme derechef en un débat sociétal profond, clivant sans ambages les Etats-Unis. Crée en 2016 par Larry Karaszewski et Scott Alexander, American Crime Story retrace en 10 épisodes les déboires et les rebondissements de cette célèbre affaire, galvanisant les médias au cours de l’année 1995.

OJ Simpson (Cuba Gooding Jr), dit « The juice », est une star de football américain adulé en raison de ses performances sportives hors du commun. Il est accusé d’avoir assassiné son ex femme, Nicole Simpson, ainsi que le compagnon de cette-dernière, tout deux blancs.

Un premier gant, imbibé de sang, est retrouvé chez lui, le second identique, sur les lieux du crime. Malgré les preuves accablantes, les traces d’ADN, son passif de violences conjugales ou encore ses déclarations contradictoires, OJ se retrouve miraculeusement acquitté au pénal. Son procès a divisé le pays. Mais lors de sa comparution devant le civil, il est tout de même reconnu responsable. The juice est condamné à verser la somme de 33, 5 millions de dollars.

American Crime Story ne s’intéresse pas à juger de la culpabilité d’OJ, ce n’est pas son propos.  En revanche, ce fait divers d’ampleur internationale est un prisme grâce auquel elle propose une anthropologie précise de la société américaine des années 90. La fiction nous plonge au sein du passé houleux de cette société morcelée. Par ailleurs, les problématiques qu’elle évoque trouve un écho pertinent dans notre décennie. Le message est édifiant, la série poignante. Comment une telle injustice a pu se produire ?

OJ est le symbole sportif, star incontestable de football américain. Mais est-il une victime ou un monstre ? Il est né le 9 juillet 1947 à San Francisco. Ses performances de 1973 lui valent la ceinture de Hickok, le sacrant meilleur athlète professionnel de l’année. Il a réussi le record, encore inégalé, de courir plus de 200 yard (environ 183 mètres) et ce 6 fois – dont 3 en 1973.

American Crime Story montre un personnage violent, colérique mais surtout très égoïste, aux antipodes de son image publique. Seul les figures féminines de la série semblent clairvoyantes, osant croire à sa culpabilité. OJ se joue de tout le monde, ne respecte personne, n’a cure de la communauté noire et des résonances sociales de l’affaire. La frénésie qui l’entoure ne l’atteint pas même si elle nourrie son narcissisme. C’est un homme de théâtre : il adore se mettre en scène. Sa retraite sportive a donné un nouveau coup d’envoie à sa carrière, on comprend pourquoi l’homme est devenu acteur de cinéma.

Le verdict du procès est rendu le 3 octobre 1995. American Crime Story joue avec les différents points de vue des partis, dans l’ambition des avocats véreux et dans ce qu’ils manipulent la justice à leurs fins. Selon la procureur Marcia Clark (Sarah Paulson), le procès n’a désormais plus rien à voir avec les meurtres de Nicole Simpson et Ronald Goldman. Les multiples rebondissements de l’affaires rendent compte de l’inefficacité de la justice et mettent en exergue les rouages gangrenés de son système judiciaire.

L’avocat d’OJ, Mr Cochran (John Travolta), utilise le procès afin de délivrer un message politique : il l’oriente vers un débat sociétal, scindant le pays en deux depuis bien longtemps déjà. Devant les yeux à l’affût des américains, ce-dernier manipule la justice sans vergogne et instrumentalise l’affaire afin de détourner l’attention des preuves accablantes. American Crime Story met en avant les imperfections viscérales du système judiciaire américain.  Les enjeux externes vont définir l’issu du procès. OJ est acquitté pour l’exemple. Ce dénouement est vécu comme un triomphe de la part de la communauté noire. Voilà un tournant décisif pour l’identitaire noir.

American Crime Story3

Le premier chapitre de la série, « The people vs OJ Simpson », consacre donc la faillite du système juridique américain, la sur-médiatisation des procès, l’irrespect de la vie privés des parties… gangrenant l’affaire, immobilisant les enquêteurs… La série s’attaque à la misogynie révoltante dont est victime la figure féminine, la procureur Clark très compétente, ses moindres fautes sont pointées du doigt. Elle est haïe, critiquée, constamment décrédibilisée et ce pour avoir le courage de poser son talon en dehors du carcan machiste au sein duquel la société l’enferme.

Le terreau de l’affaire OJ Simpson demeure incontestablement les sanglantes émeutes raciales de 1992 à Los Angeles. La ville prend feu lorsqu’un jury, composé de dix blancs, un asiatique et un latino, acquittent quatre officiers de police accusés d’avoir passé à tabac un automobiliste noir américain suite à une course poursuite pour excès de vitesse. S’ensuit alors, pendant 6 jours, une véritable guerre civile, pillage, incendies criminels, meurtres… Cette impétueuse folie se répand telle une traînée de poudre : Seattle, Oakland, San Francisco, Las Vegas, San Diego, New York, Philadelphie, Atlanta… C’est une véritable fracture sociale. On parle d’un racisme institutionnalisé. Pour American Crime Story, le procès d’OJ n’est que le miroir de cette crise.

American Crime Story propose une dissection de la société américaine des années 90. On parle de melting pot, d’american dream, de célébrité ou encore même de one-made-man. Ce qu’incarne OJ. La ségrégation raciale se termine définitivement en 1967. Dans ces années-ci, les minorités augmentent, revendiquant leurs places et leurs droits. La communauté noire est la plus importante. Elle s’affirme et légitimisme sa place, sa culture haute en couleurs. C’est aussi le temps des transformations industrielles. On voit une migration massive des populations noires vers les villes où elle constitue peu à peu le prolétariat urbain. De toute manière, c’est chose connue aux Etats-Unis : les légendes s’incarnent.

Seulement le pays va mal. La guerre de sécession se poursuit officieusement. Tout à fait innommée, sinueuse, elle creuse son lit d’inégalités structurelles, d’irrespect criant ou encore de violence aveugle. L’appareil judiciaire américain d’alors est corrompu autant dans ses instances que des sa charpente légale. L’argent se retrouve toujours acquitté. En revanche la Constitution, elle, est trop souvent priée de demeurer gentiment dans le couloir de la mort. Ce système broie les individus, ses sentences sont d’autant plus lourdes si les accusés sont de couleurs. Il faut négocier avec le procureur. Mais sans moyen de paiement, aucune perspective.

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American Crime Story témoigne que la société qu’elle dépeint si bien se détériore. Elle nous montre cette culture de l’apparence qui sclérose et cette célébrité qui octroie d’office une sorte d’immunité. Puis elle nous emmène vers les échéances racistes, les identitaires si fort, la construction toujours dans l’opposition de ces peuples minoritaires.

L’issu du procès d’OJ Simpson sert les intérêts de la cause noire à défaut de celle de la Justice ? Elle est sans doute un cheval de Troie décrédibilisant le système judiciaire américain… Peut-être que cette société déjà en deuil, avait seulement besoin de croire, désespérément, au genre humain, aux symboles de probité qu’elle avait construits, rêvés et aimés.

Crédit: FX

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