Nous sommes en 1990 : un certain Will Smith débarque sur nos écrans, à Bel-Air et dans la vie de la famille Banks.
C’est quoi, Le prince de Bel-Air ? Will Smith (lui-même) est un adolescent qui vit dans la banlieue de Philadelphie. Lorsqu’il est arrête pour avoir tagué un mur, sa mère s’inquiète de le voir basculer dans la délinquance. Pour lui donner de meilleures chances dans la vie, elle l’envoie à Bel-Air, dans la famille de son oncle Philip Banks (James Avery), un avocat prospère. Le jeune rappeur issu d’un quartier défavorisé découvre la vie dans l’une des zones résidentielles les plus chics de Los Angeles, aux côtés de ces parents riches et snobs dont il ignorait quasiment l’existence.
Certains d’entre nous vont prendre un sacré coup de vieux. Dans les années 1990, lorsqu’on allumait la télé sur Antenne 2 en rentrant de l’école ou du collège, on tombait sur la série Le Prince de Bel-Air et on suivait les aventures d’un jeune rappeur qui se retrouvait propulsé dans ce très chic quartier de Los Angeles pour y vivre dans la famille de son oncle maternel. C’est aussi grâce à cette série qu’on avait fait la connaissance d’un certain Will Smith, avant qu’il ne poursuive sa carrière musicale et ne se tourne vers le grand écran, jusqu’à devenir la star mondiale que l’on sait.
Mais commençons par le début. A la fin des années 1980, Jeffrey Allen Townes et Will Smith sont deux jeunes rappeurs de Philadelphie ; sous les noms de Jazzy Jeff et The Fresh Prince, ils rencontrent un certain succès avec leurs morceaux sympathiques aux mélodies accrocheuses. NBC a alors l’idée d’une série vaguement inspirée de la vie de Will Smith, qui s’attelle au projet avec son producteur, le célèbre Quincy Jones. Lancée en 1990, la série connaît un succès retentissant, notamment au sein de la communauté afro-américaine qui l’accueille comme le successeur du Cosby Show.
L’histoire est simple : un jeune homme dissipé issu d’une banlieue difficile de Philadelphie est envoyé en Californie pour vivre dans la famille de son oncle maternel, dans le luxueux quartier de Bel Air. La dynamique de la série repose principalement sur le contraste entre Will et ses parents. D’un côté, l’adolescent tapageur fan de rap, avec casquette à l’envers et ses phrases ponctuées de « Yo ! », a grandi dans un milieu modeste où il a accumulé les frasques. De l’autre, l’oncle Philip, sa femme et leurs enfants habitent une vaste demeure dans ce quartier huppé de Los Angeles. Interprété par Will Smith (avec Quincy Jones dans le rôle du chauffeur), le générique résume la situation de départ.
Les Banks et Will diffèrent dans leurs tenues vestimentaires, leur langage, leur comportement ou leurs références culturelles, et l’humour de la série repose essentiellement sur ce décalage. Will est impressionné par le luxe dans lequel vivent les Banks, mais se montre aussi très ironique quant à leur mode de vie qu’il juge superficiel et déconnecté des réalités qu’il connaît. Les Banks, dans leur maison cossue et fréquentant les meilleurs cercles bourgeois de la ville, sont perplexes devant ce jeune garçon dissipé, qu’ils entendent remettre sur le droit chemin en lui offrant une seconde opportunité. Mais progressivement, Will va s’habituer à cet environnement élitiste et gagner en maturité (enfin, légèrement…) tandis que les membres de la famille et Philip en particulier vont prendre conscience de leur statut de privilégiés et renouer avec leurs origines. Chacun des personnages va donc évoluer, grandir grâce aux autres.
S’il y a un aspect social présent en filigrane tout au long de la série, pas besoin de chercher midi à quatorze heures : Le prince de Bel Air n’a pas vocation à porter un propos sociologique ou politique, ce n’est rien de plus qu’une comédie. Ceci dit sans aucune condescendance, car c’est une excellente série qui a fait la joie du public pendant six saisons avec ses épisodes remplis de gags, de situations comiques et de quiproquos, au centre desquels on retrouve systématiquement Will. Will Smith (l’acteur) qui tient ici son premier rôle, laisse tout de suite entrevoir un talent brut. De fait, la série lui a permis d’accéder à la célébrité, lui a valu une popularité mondiale et lui a donné l’opportunité de développer son jeu sur le tas, de manière totalement intuitive.
Au départ, Le prince de Bel-Air ressemble à une succession de sketches et de blagues. Le schéma et les ressorts comiques sont toujours les mêmes, la série les répétant à l’envi dans le contexte de la maison ou du collège. Avec sa propension à se créer des ennuis, son non-conformisme face au milieu dans lequel il est plongé et son goût pour les farces, Will fait quelque chose de stupide, perd le contrôle de la situation, et il finit par s’en sortir parce qu’il est malin, ou parce que l’oncle Phillip intervient. L’intrigue des différents épisodes est toujours légère, sans polémique et dans le ton de la pure comédie, même si quelques sujets sensibles ont été abordés – comme par exemple le racisme, l’abandon de Will par son père (un épisode particulièrement émouvant), la drogue ou l’alcool.
Bien que la construction reste globalement la même au fil des saisons, le personnage de Will évolue à mesure que sa relation avec la famille s’apaise, devient plus tendre et que, chacun faisant un pas vers l’autre, la complicité et l’affection remplacent l’incompréhension et la méfiance initiales. Et ce , même si Will raille toujours facilement la famille – à commencer par son oncle Phillip (excellent James Avery). Figure d’autorité, sévère mais capable de se montrer compréhensif et aimant, il est surtout brocardé par son neveu pour son surpoids, mais aussi pour son embourgeoisement.
La tante Vivian a d’abord été incarnée par Janet Hubert durant les trois premières saisons. En raison de désaccords avec les scénaristes et de problèmes de contrat, elle a quitté la série et a été remplacée par Daphne Maxwell-Reid, la substitution ne donnant lieu à aucune explication dans l’histoire – si ce n’est une scène très amusante où Jazz s’étonne du changement de look de la tante avant de passer à autre chose.
La cible préférée de Will reste toutefois son cousin Carlton, un jeune homme chic et snob, golden boy avec son petit pull en cachemire sur les épaules, qui a tendance à le prendre de haut et à le considérer comme un petit voyou. Au fil des saisons, Will et son cousin vont pourtant devenir plus proches et même complices dans toutes sortes de bêtises et de mésaventures. Carlton est l’autre figure incontournable du Prince de Bel Air : ses interactions avec Will donnent lieu aux scènes les plus hilarantes de la série, et le personnage est magnifiquement interprété par Alfonso Ribeiro. Et puis, il y a la « danse » de Carlton (ci-dessus), une séquence récurrente et incontournable que l’on peut aisément qualifier de culte et qu’aucun spectateur n’a plus oublier.
Les autres enfants de la famille, l’aînée Hilary (Karyn Parsons) et la petite Ashley (Tatyana M Ali) ont des rôles plus secondaires. La première est une gamine gâtée assez superficielle, qui interagit assez peu avec le héros ; en revanche la benjamine, gamine malicieuse, devient comme une petite sœur pour Will, qui la prend sous son aile. Enfin, deux personnages importants complètent le tableau. D’abord le majordome Geoffrey (Joseph Marcell) : tiré à quatre épingle et avec un accent so British, il intervient régulièrement en lançant une phrase lapidaire qui coupe court à toute discussion en laissant entendre que, malgré tous leurs efforts, les Banks restent une famille de nouveaux riches parvenus. Ensuite Jazz, le meilleur ami de Will, qui lui rend fréquemment visite chez les Banks… mais se fait systématiquement jeter dehors et atterrit sur le perron après un magnifique vol plané.
Forte de sa popularité aux États-Unis, Le prince de Bel-Air a par ailleurs accueilli de nombreux invités prestigieux tels que Tom Jones, Dr Dre, le légendaire B.B. King, Tyra Banks, William Shatner, Conrad Bain et Gary Colman (Le Mr. Drummond et Arnold de Arnold et Willy) ou encore les animateurs Jay Leno et Oprah Winfrey.
A partir de l’année 1995, la carrière de Will Smith commence vraiment à décoller grâce aux films Bad Boys et Independence Day. Accaparé par ses nouvelles activités cinématographiques, l’acteur demande à quitter la série mais accepte finalement de tourner une dernière saison pour conclure convenablement l’histoire. La conclusion en question est aussi simple qu’évidente : les enfants ont grandi, ils quittent la maison et les parents mettent le manoir en vente, tandis que Will déménage dans un petit appartement. La fin n’a donc rien de spécial, mais elle est logique et surtout douce et pleine d’optimisme puisque chacun poursuit le cours de sa vie… Et Will Smith, sa carrière au cinéma – pour notre plus grand plaisir.
Lancée en 1990, Le Prince de Bel-Air est une série que les spectateurs évoquent en général avec affection et un sourire aux lèvres. Avec son scénario simple et efficace, son humour omniprésent, ses scènes cultes et le capital sympathie de Will Smith, elle a en outre propulsé l’acteur vers la carrière qui fera de lui une méga star. Nul doute que ceux qui regardaient la série à l’époque se souviennent de la danse de Carlton, du générique de la série ou des sorties acrobatiques de Jazz… Et on parie que le générique a comme un goût de madeleine de Proust aux airs de rap.