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On a redécouvert pour vous … La belle et la bête, la série qui modernise les contes de fées

Arrivée sur CBS le 25 septembre 1987, l’immensément romantique série fantastique La belle et la bête mettant en vedettes Linda Hamilton et Ron Perlman reste, et de loin, l’une des plus poétiques et bouleversantes jamais proposées dans le genre. Retour sur trois années inoubliables, qui auront fait fondre bien des cœurs…

Si les contes commencent toujours par « il était une fois », ils ne finissent pas pour autant systématiquement par « et ils vécurent heureux… ». Un adage dont le créateur Ron Koslow et son équipe de scénaristes (incluant notamment un certain George R. R. Martin !) se sont, pour le coup, progressivement affranchis, tantôt par simple souci dramatique, tantôt en fonction des aléas de la production, tout au long des (seulement) trois petites saisons qu’aura vécu la série. Bien sûr, le phénomène n’a rien d’extraordinaire… Restrictions budgétaires, pression des audiences, départ précipité de l’un des membres du cast principal… Depuis que la télé s’est faite vision, les créatifs ont toujours dû faire face aux mêmes impondérables (avec plus ou moins de brio) et redoubler d’efforts pour achever, le plus correctement possible, leur œuvre en cours. En cela, La Belle et la Bête s’impose en véritable cas d’école… Au cœur de la décennie décomplexée qui l’a vu naître, elle a fatalement disparu comme elle était arrivée… en créant la surprise et en tirant la larme.

C’est quoi La belle et la bête ? Venu des bas-fonds secrets de New York, Vincent, être hybride à tête de lion et aux origines inconnues, sauve une jeune avocate victime d’une terrible agression à Central Park. Recueillie et soignée par la Bête, la Belle Catherine découvre un monde dont elle ne soupçonnait ni la beauté ni la bonté, à total contre-courant de la société contemporaine, et qui changera sa vie à jamais…

Bien plus qu’une « banale » histoire d’amour, La Belle et la Bête, sous toutes ses déclinaisons, s’est presque toujours laissée découvrir en œuvre finalement résolument plus philosophique qu’exclusivement romantique. Mais n’est-ce pas là, précisément, la volonté assumée de tout conte de fées qui se respecte ?… Outre l’exploration de la beauté intérieure du personnage principal, c’est donc toute l’utopie d’un système marginal, construit sur l’entraide, l’amour de la littérature et de la poésie, de même que sur un sentiment de justice désintéressée et d’un rejet naturel de toute forme de violence autant que d’intolérance, que le créateur Ron Koslow met ici en exergue. Car même si les débuts de la première saison ont, il est vrai, tendance à aller vers la facilité scénaristique du « grand méchant de la semaine que Vincent aide à appréhender en empruntant toujours les mêmes galeries », la mythologie qui s’y développe en sous-texte gagne de plus en plus en profondeur au fur et à mesure que la Bête explore toute l’étendue de sa propre dualité. À l’amour, immédiat et inconditionnel, qu’il ressent pour Catherine répond constamment la brutalité animale définissant sa nature primale… nerf d’un conflit intérieur qui n’aura de cesse de le tourmenter jusqu’aux toutes dernières secondes de la série. Néanmoins, ce sont bel et bien autant sa rage que ses aptitudes surhumaines qui permettent, le plus souvent, de sauver qui a besoin de l’être en fin d’épisode… En perpétuel(s) effet(s) miroir(s), les mondes du dessus et du dessous se répondent ainsi entre horreurs et merveilles au grès d’intrigues certes quelque peu répétitives dans les premiers temps mais n’omettant jamais de laisser s’exprimer (et évoluer) le véritable cœur du show ; à savoir les relations et sentiments unissant, presque par magie, deux êtres que tout oppose…

Car l’une des principales différences avec le conte originel, c’est que, quoi qu’il arrive, Vincent reste la Bête. Pas de malédiction rompue… Pas de transformation en Prince Charmant… Sa quête d’humanité reste irrémédiablement intérieure. Et c’est d’ailleurs ce qui rend son histoire avec Catherine d’autant plus belle. Dès le pilote, une connexion particulièrement forte s’installe entre eux. En sauvant la jeune femme et en soignant ses blessures, Vincent développe l’aptitude de ressentir, à distance même la plus éloignée, toutes les émotions de sa protégée. Un sixième sens qui sauvera très régulièrement la vie de Catherine durant les deux premières saisons… Au fil du temps, l’amitié devient tendresse. Puis la tendresse se fait amour. Puissant et authentique en dépit de toute rationalité. Et bien qu’elle mette du temps à se faire accepter au sein de la communauté du dessous (à commencer par le père adoptif de Vincent, Jacob, que tout le monde appelle Père) et doive d’abord repousser la tentation d’un « mariage normal » avec le richissime entrepreneur Elliot Burch (interprété par Edward Albert, arborant pour l’occasion la plus improbable des coupes de cheveux…), Catherine se laisse finalement guider par ses seules émotions en choisissant la Bête, à qui elle donnera même un fils. Dans les rôles des deux amants impossibles, Linda Hamilton (qui avait incarné la très iconique Sarah Connor pour la première fois dans le Terminator de James Cameron trois ans plus tôt) et Ron Perlman (révélé quant à lui dans La guerre du feu, puis Le nom de la rose, par Jean-Jacques Annaud bien avant de devenir l’un des principaux membres des Sons of Anarchy) ont vite imposé une impressionnante crédibilité et une belle palette d’émotions… malgré les épaulettes so eighties de l’une et le maquillage à tête de lion de l’autre !

Toute la difficulté du design et des prothèses de Vincent (mais c’est d’ailleurs le cas pour l’ensemble des adaptations du conte) résidait dans la nécessité de jumeler à la fois bestialité et humanité ; tout en permettant naturellement à Ron Perlman de rester suffisamment expressif pour mieux laisser transparaître l’ensemble de ses états d’âme et émotions. En dépit de son inhérente monstruosité, il faut en effet que le spectateur comprenne pourquoi la Belle succombe au charme de la Bête… Il est donc extrêmement important que le maquillage soit aussi impressionnant qu’attractif. Pour la série, c’est ni plus ni moins que l’immense Rick Baker qui s’est chargé de créer Vincent… Habitué des personnages à poils (le King Kong de 1976, Le loup-garou de Londres, les singes de Greystoke et ceux de Gorilles dans la brume… c’était lui), il est également reconnu pour la qualité de ses prestations pour L’exorciste, Star Wars ou encore Gremlins 2 et, plus récemment, sur La planète des singes de Tim Burton, Tron Legacy et même l’impressionnant maquillage d’Angelina Joli dans l’extraordinaire Maléfique pour les studios Disney en 2014… Tout aussi importants, les décors, costumes et direction artistique dans son ensemble sont aussi importants (si ce n’est plus) que les scénarii en eux-mêmes. Et, là encore, pour mieux construire cet univers feutré et éclairé presque exclusivement à la bougie, qui confère au monde du dessous cet atmosphère graphique si délicieusement hors du temps, c’est un autre artiste chevronné qui s’y colle.

Pour preuve : John B. Mansbridge a commencé sa carrière de directeur artistique en 1956… avec quelques 26 épisodes de la série Superman avec George Reeves. Suivront par exemple L’apprentie sorcière en 1971, Peter et Elliott le dragon en 1977, Le trou noir en 1979, Tron en 1982, ou encore la première version du Frankenweenie de Tim Burton en 1984. Le monde du dessus, personnifié par les rues et les hauteurs de New York, est de son côté le plus souvent filmé de nuit… Les si nombreuses et puissantes lumières de la ville établissant le parfait contraste avec la réconfortante chaleur des bas-fonds. Tout était donc magistralement réuni pour faire, visuellement, de La Belle et la Bête l’une des plus magnifiques séries de la décennie. Seulement voilà… Son sens exacerbé du romantisme attire avant tout un public presque exclusivement féminin et suscite une chute progressive des taux d’audience. Malgré une saison 2 viscérale, beaucoup plus orientée sur la profondeur des personnages que la première et qui s’achève sur un cliffhanger tout ce qu’il y a de plus efficace, la série se porte plutôt mal et, pour ne rien arranger, Linda Hamilton ne souhaite plus incarner Catherine l’année suivante.

Fort heureusement, elle ne claque pas la porte sans prévenir et laisse aux scénaristes à la fois le temps et la possibilité de faire sortir son personnage par la grande porte. Ainsi revient-elle tout de même en saison 3, mais uniquement à l’occasion des deux premiers épisodes, pour mieux faciliter la transition vers ce qui aurait pu/dû être une véritable nouvelle ère pour la série. Particulièrement poignant, son départ favorise la mise en place d’une enquête ayant cours tout au long des 10 épisodes restants, ainsi que l’entrée en scène d’une nouvelle héroïne : la profiler Diana Bennett (sous les traits de Jo Anderson, qui s’en tire d’ailleurs plutôt avec les honneurs). La série se veut plus sombre… l’action y est globalement plus présente dans l’espoir de conquérir un public plus masculin… Mais était-il réellement envisageable de suivre indéfiniment le destin de la Bête privée de sa Belle ? En toute logique, les scores s’effondrent et la série est inévitablement annulée après la diffusion de « Legacies » le 4 août 1990 ; tout en offrant, dans la mesure du possible, un semblant de vraie fin.

Depuis, de fan clubs en conventions dédiées, il n’en reste pas moins vrai que La Belle et la Bête a su continuer à être considérée comme l’une des plus mémorables séries des années 80 ; tant sa poésie a su rallier les cœurs au son des somptueuses partitions (presque toutes orchestrales !) composées au fil des épisodes par Lee Holdridge (Clair de lune, Dar l’invincible) et Don Davis (la trilogie Matrix, Jurassic Park III)… Autant de soins et de qualités artistiques qui font d’ailleurs cruellement défaut au remake officiel lancé en 2012 sur The CW ; avec Kristin Kreuk et Jay Ryan dans les rôles-titres. Une allitération d’autant plus incompréhensible que la Bête est ici représentée comme banal un ex-militaire à visage humain… Une approche aussi grossière qu’inadaptée qui n’a, semble-t-il, finalement pas dérangé grand monde : la série ayant même vécu une année de plus que l’originale.

En France, l’intégrale de la série La Belle et la Bête (la seule, l’unique, de 1987) est disponible en coffrets DVD chez KOBA Films.

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Journaliste spécialiste des musiques de films et de séries sur VL
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